Son
avocat, Me Jeffrey Boro, a lu une courte déclaration préparée par
l’accusé. « Il n’y a pas de mots, je le sais, pour exprimer à quel point
je suis désolé et le serai toujours pour les torts et la peine que j’ai
causés. J’ai trompé la confiance que vous aviez placée en moi, vous
laissant tous, incluant mes amis, mes proches et ma famille, aux prises
avec des situations financières graves. J’ai ruiné vos vies, de même
que celles de ma famille, et je vivrai avec cette terrible tragédie
pour toujours », a déclaré l’avocat au nom de Jones.
Me Boro a
d’ailleurs souligné que son client était dévasté à la suite de cette
affaire. « Mon client est très dépressif. Je pense que vous avez
constaté que quand il était dans la boîte des accusés, il pleurait
beaucoup. C’est très difficile pour un individu de reconnaître ses
torts et, dans cette cause-ci, il a causé énormément de torts », a mentionné l’avocat. En présentant ses observations sur la peine, le
procureur de la Couronne, Me Pierre Lévesque, a déposé une
impressionnante liasse de documents regroupant les déclarations
d’impact de 117 victimes.
Me Lévesque a fait valoir que l’accusé
n’avait que des circonstances aggravantes à son dossier, soit
l’importance de la fraude, son impact sur la confiance des
investisseurs, la quantité de victimes – au moins 158 – et l’abus de la
confiance dont il jouissait dans la société. L’avocat, qui a
refusé de s’adresser aux médias à l’issue des procédures, a fait valoir
que la fraude avait duré 27 ans, qu’elle avait été préméditée et
délibérée et que son auteur n’avait aucunement tenu compte de l’impact
de ses gestes sur les victimes.
De son côté, Me Boro a souligné
qu’une sentence de 11 ans, pour une homme de 67 ans, représentait à
toutes fins pratiques une sentence à vie. Il a ajouté qu’Earl Jones en
était à une première offense, qu’il avait collaboré dès le départ avec
les policiers et qu’en plaidant coupable à la première occasion, il
évitait plusieurs années de travail complexe aux systèmes policier et
judiciaire. C’est lorsqu’il a étalé les assises de la bonne
réputation de son client, ses oeuvres d’entraîneur au hockey mineur,
son implication dans la communauté qu’Earl Jones a commencé à pleurer
pour ne plus s’arrêter, jusqu’à la fin de l’audience. La première accusation de fraude porte sur la période de 1982 à 2004, pour des malversations totalisant 21,6 M$.
La deuxième touche la période de septembre 2004 à juillet 2009, pour laquelle les fraudes totalisent 29,7 M$. Les
accusations ont été scindées afin que le deuxième groupe soit assujetti
aux amendements à la loi qui a été assortie, en septembre 2004, de
peines d’emprisonnement maximales de 14 ans plutôt que 10, comme
c’était le cas jusque-là. D’un commun accord, le procureur de la
Couronne et l’avocat de la défense ont proposé à la juge Hélène Morin,
de la Cour du Québec, d’imposer au fraudeur une peine de 11 ans
d’emprisonnement. La juge rendra sa décision le 15 février prochain.
En
vertu des règles permettant la remise en liberté au sixième de la
peine, Earl Jones pourrait théoriquement être remis en liberté dans 22
mois, mais Me Boro n’a pas caché sa crainte de voir s’élever une
entrave à cette pratique. « Ça dépend de M. (Stephen) Harper et de quand
il va décider de retourner au Parlement et continuer à passer des lois
que je décris comme draconiennes. Mais c’est seulement le futur qui va
nous le dire », a lancé l’avocat.
Au sortir de la salle
d’audience, certaines des victimes du conseiller financier déchu se
sont déclarées satisfaites de la rapidité des procédures judiciaires
dans ce dossier. L’une d’entre elles, Christiane Jackson, a
reconnu qu’elle voudrait voir le fraudeur purger la totalité d’une
éventuelle sentence de 11 ans derrière les barreaux, mais elle a ajouté
qu’elle espérait que ce séjour ait un impact important, quelle que soit
sa durée. « En autant qu’il passe une très mauvaise année en prison,
pour se rendre compte de ce qu’on a passé au travers, nous, les victimes.
Et je veux aussi dire que les banques, encore une fois, auraient dû
nous protéger », a-t-elle ajouté.
Mme Jackson a chaleureusement salué
le travail de la Sûreté du Québec et de la Couronne et la rapidité avec
laquelle ils ont pu mener le dossier à terme, tout en reconnaissant que
cette conclusion la laissait désormais sans le sou. « J’avais toujours
un petit espoir que, peut-être, il sortirait une chose merveilleuse et
que j’aurais de l’argent quelque part pour tout le monde. Mais
maintenant que je sais que ce n’est pas le cas, je vais tout simplement
recommencer ma vie du mieux que je peux ».
La fraude d’Earl Jones
impliquait au total 158 comptes de clients. Le nombre des victimes est
toutefois supérieur, puisque certains comptes appartenaient à plus
d’une personne.
Source : PC