ce grand chaos, après le gigantesque fracas, un autre silence. Le silence d’un
chef. Le silence imperceptible d’un leader dépassé par les événements. Le
silence d’un homme infiniment petit devant une catastrophe immesurable.
Mais où
donc est le chef? Là, les mains dans les décombres, à pleurer les siens, à les
soutenir comme il peut. L’envie est forte de décrier ce silence, d’appeler au
leadership fort, sonore. Mais le chef œuvre lentement, à ramasser ce qu’il
reste de son pays, à redresser son peuple tombé, à regagner la dignité de son
peuple, qui n’en finit plus d’essuyer les chaos.
Dans
l’écho du grand chaos, les contrecoups résonnent jusque dans nos chaumières.
Ici, dans notre ville endeuillée où près de 100 000 haïtiens[1]
on pris logis, on observe le chaos, la gorge serrée, les yeux remplis de
larmes. On se mobilise, on agit, on donne. On vit péniblement le silence de
ceux qui ne répondent pas à l’appel. Et dans ce silence qui suit le grand
chaos, dans ce silence qui assourdit le peuple endeuillé, notre chef s’avance.
Il prend le podium devant un auditoire absent, devant ses citoyens éberlués
devant un drame immense. Il annonce devant personne qu’il prendra à son peuple
un peu plus de deniers. Les citoyens ne ressentiront que plus tard le
contrecoup de cette manœuvre qui profite du choc pour s’opérer. Alors qu’il
sera trop tard demain pour agir ou même réagir. Peu fier de mon chef, je me demande :
est-ce digne?
[1] Communiqué Ville de Montréal