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Les sept jours du talion

Après la séquestration d’un jeune homme bien sous tout rapport dans 5150, rue des Ormes, les salles de cinéma québécois verront bientôt débarquer la séquestration d’un homme très condamnable dans Les sept jours du talion, fruit de la première collaboration entre Podz et Patrick Senécal. Les fidèles de Senécal savent que l’auteur d’Aliss et de Sur le seuil ne
donne habituellement pas dans la tendresse. Ses personnages, rongés par
leurs propre part d’ombre, finissent souvent par commettre le pire.
Qu’ils soient des best-sellers adaptés au cinéma ou non, ses livres
reviennent chatouiller la société dans les zones les plus sensibles.

Ainsi en est-il de ses Sept jours du talion, publié
d’abord en 2002 et inspiré par un lieu commun : celui de promettre le
pire des sorts à quiconque s’en prend à un proche, comme un enfant.
Patrick Senécal imagine donc le crime le plus odieux qui soit : le viol
et l’assassinat d’une petite fille. « C’était d’abord une réaction à un certain genre de cinéma américain,
qui fait de la vengeance un bel exemple : moi, je n’y crois pas. La
vengeance n’est pas une solution », estime le romancier, qui a également
signé le scénario du film Les sept jours du talion.

Tout commence donc dans une famille sans histoire. Monsieur est
chirurgien; Madame tient une galerie d’art. Ils vivent dans le luxe de
leur maison, jusqu’au jour où leur fille, Jasmine, disparaît. Elle est
retrouvée quelques heures plus tard par son père. Dévêtue, martyrisée
et morte. Le monde de Bruno Hamel implose. Il imagine donc le scénario
parfait pour se venger et enlève l’assassin présumé de sa fille. À la
police et à sa femme, le père éploré explique le but de la manoeuvre :
torturer, puis mettre à mort sept jours plus tard le meurtrier, afin
d’apaiser sa douleur. « Je le comprends très bien, mentionne Claude Legault, l’interprète de Bruno
Hamel. J’aime tous mes personnages, même les plus détestables. Il
essaie de changer la douleur et la culpabilité qu’il ressent : il a mal,
il essaie de changer ça, mais il se noie. Je le comprends, c’est
humain ».

Douleur et impasse

Pour Les sept jours du talion, Podz a dépouillé le film
pour n’en garder que l’essentiel, la douleur d’un homme et l’impasse
dans laquelle il se trouve. « C’était l’idée, précise le réalisateur.
Quelqu’un me disait que c’est réalisé au scalpel et je trouve ça assez
juste. Je filme souvent caméra à l’épaule mais là, je voulais que ce
soit plus rond, plus stylisé. C’est un sujet froid ». Du roman, bien des éléments secondaires ont été enlevés. « C’est
instinctif : je voulais que le propos soit clair. Je voulais qu’il n’y
ait pas de filtre entre nous et l’écran. On a enlevé tout le flafla
pour suivre Hamel, poursuit le réalisateur. C’est une façon pour moi de
détacher la caméra de l’action. Il n’y aura pas de soleil dans la vie
de ces personnages-là : il n’y a pas de porte de sortie ».

Des descriptions cliniques qui, au fil du roman, racontent le
face-à-face terrible de Bruno Hamel et de Lemaire (Martin Dubreuil),
Podz n’a rien sacrifié, mais il ne cède pas non plus à l’appel du gore.
« La violence est réaliste et à cause de ça, le film est plus violent.
Tu ne sais pas avec qui tu es supposé être », indique le réalisateur. Les choix faits par le réalisateur, parmi lequel celui de montrer le
corps outragé de la fillette, ont même suscité des discussions au sein
de l’équipe du film. « C’était un gros débat : certains pensent que ça
allait trop loin, d’autres disaient qu’il faut le voir pour comprendre
viscéralement la douleur d’Hamel, explique Podz. Je pense que c’était
le meilleur choix pour le film ».


La vengeance

Le thème du film – la vengeance comme son exécution ne séduiront pas
tout le monde, croient les artisans du film. La productrice Nicole
Robert (qui avait déjà produit Sur le seuil)
a d’ailleurs dû s’y reprendre à cinq fois pour faire financer le projet
par les institutions. Les refus successifs ont même eu raison du
premier réalisateur attaché au projet, Robert Morin. « Cela m’amène à me questionner sur notre système de financement. Comme c’est public, les objectifs sont politically correct.
On peut se demander où commence la censure, car cela nous amène à
mettre de côté toute une part de notre cinématographie », croit la
productrice.

Échaudée par un ultime refus, la productrice a donc décidé de financer
le film avec ses propres enveloppes à la performance. « Je pense que
c’est un sujet heavy,
ambigu et que cela dérangeait. Mais peut-on faire des films qui ne sont
pas pour tout le monde? On a vraiment de la misère avec l’ambiguïté »,
se désole Senécal. Le pari de la productrice pourrait se révéler payant puisque le film,
présenté à Sundance la semaine dernière, a déjà trouvé un distributeur
aux États-Unis. Le bon revers de la médaille, la liberté totale de
l’équipe sur le film. « On a montré tout ce qu’on voulait : on a vraiment
eu la liberté qu’il fallait pour le film, croit Patrick Senécal. Je
n’aime pas la tiédeur. Ce n’est pas un film tiède et j’ai confiance
dans le film. Le film ne dit pas quoi penser, et cela fait du bien ».

Source : Anabelle Nicoud