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Dans la vie comme au cafÉ

De
ses notes désordonnées, résultat de quelques années d’observation, il
souhaitait « faire jaillir la lumière, le rire et la vie ». Il y réussit
plutôt bien. Malgré un fil conducteur un peu flou et certaines
redondances, on sent la vie palpiter au gré des heures, des saisons,
des humeurs de la météo. S’il semble répétitif, le quotidien des cafés
vibre de mille petites histoires. Parmi la foule, des
gens croqués sur le vif, à qui on arrache quelques minutes de leur
vie. L’auteur s’amuse à imaginer les intentions de chacun. Observateur
plus ou moins attentif, un brin voyeur, il est tour à tour touché,
amusé, agacé.

Il se plaît à décrire les jeux de séduction, les
oeillades, les faux-semblants. Parfois apparaissent sur une banquette des personnages « comme les
romans croient les inventer ». Des personnages issus de la réalité mais
« que la littérature a déjà tous prévus » : « Pinocchio, Shylock, Bartleby,
Sganarelle, la cousine Bette, tous là, tour à tour, dans leur
plénitude! » Mais qui sont vraiment ces gens? « Je suis rivé à ma place et suis
limité à ma perception, avec ses limites et ses insistances de point de
vue », explique-t-il. Le reste, il doit l’imaginer. On en vient à se demander quel jugement il aurait porté sur sa personne
s’il s’était vu, avec son attirail de professeur, dans un coin
retranché du café, observant ses voisins et écoutant les conversations.
Peut-être se retrouvera-t-il lui-même dans le livre d’un autre…

Le café se révèle un lieu de solitude et de rencontres, où on choisit
de s’isoler au sein même de la multitude, partageant son désarroi dans
le « silence complice » de ses semblables. On sent, au fil des pages,
poindre l’agacement du narrateur envers les piliers de café. Les
péroreurs, les gérants d’estrade, les désoeuvrés oisifs ne trouvent
plus, grâce à ses yeux. Il parsème son récit de jolis mots précieux qui poussent à tendre le
bras vers le dictionnaire (glabelle, bléser, obombrer…). Par moments,
on a aussi furieusement envie de laisser tomber le livre et de se
trouver à son tour un coin chaleureux où siroter un latté. C’est tant
mieux, puisque l’auteur lui-même nous invite à le lire par bribes,
entre deux cafés.

EXTRAITS DE CAFÉS. André Carpentier. Boréal, 341 pages, 25,95 $.

Source : Marie-Claude Girard