Elle n’a pas encore 40 ans, mais appartient déjà
à une autre époque : celle où on vendait des disques. Beaucoup de
disques. En plus de deux décennies, Mariah Carey a vendu plus de 175
millions d’exemplaires de ses 13 albums studio, un véritable phénomène
qui l’a propulsée au sommet, chanteuse à voix parmi les chanteuses à
voix, sur le même piédestal que notre Céline Dion. Et aujourd’hui? Après
le bide de Glitter (le film et la trame musicale, 2001), un
passage à vide. C’est dans le hip hop et le R&B plus « street »
qu’elle se réinvente, et ça lui va assez bien – Memoirs of an Imperfect Angel,
lancé l’automne dernier, a joui d’un accueil assez chaleureux.
C’est
cet album qu’elle est venue promouvoir jeudi soir, ainsi que la version
remix, attendue en mars et intitulée Angels Advocate (aussi le nom de la tournée). La soirée augurait assez mal, pour tout dire. Une mièvre première
partie – trois types venus rapper des niaiseries devant le rideau -,
suivie d’une très longue attente. La diva a fait poireauter ses fans
pendant 75 minutes (autant que la durée de son concert!) avant de
daigner se pointer sur scène! Les fans ont bruyamment manifesté leur
impatience. Carey a enfin mis pied sur scène, passé 21 h 30. Assise sur une
balançoire, on l’a descendue du plafond pour qu’elle prenne place au
centre de cette scène, décorée comme une maison de poupée Barbie. Après
quelques nécessaires vocalises, elle s’est lancée dans l’accrocheuse Shake it Off, titre R&B chaloupé qui a ravi les fans. La chanteuse a enchaîné avec rythme, Touch My Body, puis Fly Like a Bird, sous les applaudissements des fans.
Et tout d’un coup, l’ambiance a complètement changé. La voix ayant pris
sa forme (sa fort belle forme, nous y reviendrons), la chanteuse
new-yorkaise s’est adressée à la foule, s’excusant sincèrement pour son
retard. « Hier soir, j’ai dû enregistrer un clip pour la chanson de
Simon Cowell pour amasser des fonds pour Haïti. Je me suis couchée aux
petites heures de la nuit, et j’ai eu du mal à sortir du lit
aujourd’hui… » Il y avait une telle candeur, une telle générosité dans cette façon,
toute naturelle, de converser avec ses fans, qu’on lui a tout pardonné :
le retard, le manque d’énergie, même le côté franchement kitsch de
toute l’entreprise, ses robes à paillettes trop serrées, les
arrangements fertilisés aux synthés, le décor moche. Nous étions là
pour voir si elle était encore cohérente et pertinente, si elle savait
encore chanter comme elle l’a si bien fait, si elle était pour nous
offrir une vraie performance bardée de hits. Nous sommes plutôt restés parce que la diva est vraiment sympa et chaleureuse.
Et la voix? Elle y est, heureusement. Mariah Carey n’est pas une bête
de scène, même qu’elle bouge assez mal; heureusement que ses danseurs
et danseurs occupent mieux la scène. Sauf que lorsqu’elle ouvre la
bouche, c’est pour nous rappeler pourquoi elle est devenue la grande
star de la pop qu’elle a déjà été. La voix chaude, juste, pas
tonitruante, encore habile dans sa fameuse voix de sifflet. De la quinzaine de chansons, une inédite et une version « remixée » à paraître sur Angels Advocate, une solide reprise de Diana Ross (Love Hangover) et ses propres tubes, Angels Cry, Always Be my Baby, Honey, la plus récente Obsessed, We Belong Together et une sirupeuse version de Hero au rappel. Divertissant. Loin d’être une grande performance, mais tous garderont au moins le souvenir d’une agréable soirée.
Source : Philippe Renaud