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Un cadeau de la part de lhasa

« On a tous un air de famille très fort »,
dit-elle de ses neuf soeurs, demi-soeurs et demi-frères, le « troupeau
fantastique » né de sa mère américaine aux racines albanaises et/ou de
son père mexicain qui a vu le jour en Californie.
Dans le spectacle Maintenant, qu’elle
présentera pour la première fois à Montréal, demain à La Sala Rossa,
cette artiste au parcours singulier se raconte. Après une enfance
nomade passée surtout au Mexique, elle a été initiée au cirque
alternatif par le Pickle Family Circus de San Francisco, fondé par les parents de sa copine d’enfance Gypsy Snider, aujourd’hui avec la troupe Les 7 doigts de la main.

Après un détour par la France dans une école de cirque qui ne lui
« correspondait pas », elle s’est amenée à l’École nationale de cirque de
Montréal pour y travailler avec André Simard, le prof qui a
révolutionné l’art du trapèze, en y transposant des techniques de
gymnastique. Ses soeurs Ayin et Miriam l’ont rapidement rejointe,
suivies de Lhasa, la seule des quatre qui allait s’installer à demeure
chez nous.
Après trois ans et demi à Montréal, Sky est retournée
en France, où on lui avait promis un instrument qui lui permettrait de
faire du trapèze avec ses soeurs Ayin et Miriam. Elle vit toujours en
Bourgogne, dans une roulotte avec ses trois filles et le papa de sa
petite de deux ans et demi, et elle voit ses deux soeurs tous les
jours. « C’est contagieux chez nous, on a tendance à se suivre tous »,
dit-elle sur le ton de l’évidence.

Son prénom peu commun, qui la destinait presque au trapèze, était tout
à fait en phase avec une époque où Frank Zappa prénommait sa fille Moon
Unit. « Je suis née en 1970, et nous étions tous dans cette vague-là,
dit-elle de sa famille, qui parcourait l’Amérique du Nord en autocar.
Mais ce n’était pas juste des prénoms choisis pour faire spécial. Nos
parents ont pris le temps de nous nommer soigneusement et nos prénoms
se sont avérés d’une justesse incroyable. Avec le recul, on voit bien
que Lhasa était un pays en elle-même, un peu distante parfois, assez
philosophe. Elle avait quelque chose de sage ».

La vie de saltimbanques

La fille aînée de Sky, Karma, 14 ans, s’initie au trapèze. Maman trouve
la chose « très touchante », mais précise que son papa et elle ne lui ont
pas poussé dans le dos. « Je vois bien que la vie de mes enfants n’est
pas non plus d’une stabilité folle, dit-elle. Ce n’est pas facile de
bouger tout le temps et de ne pas être comme tout le monde, quand on a
une dizaine d’années. Être nomades, être saltimbanques, ça peut
paraître tellement romantique, mais parfois c’est chiant! On aurait pu
vivre dans une maison et avoir la caravane pour les tournées, mais on a
fait le choix d’être en roulotte tout le temps. C’est inconfortable, ça
use, mais en même temps c’est tellement nourrissant et créatif. Le
défi, c’est de trouver l’équilibre ».

Les inévitables accidents et les blessures, ainsi que ses trois
grossesses, ont mené progressivement Sky de Sela du trapèze et du
cirque vers une forme de spectacle plus dépouillée, tantôt clownesque,
tantôt très directe et sérieuse. Le spectacle d’une heure qu’elle
donnera demain soir à La Sala Rossa est fait sur mesure pour un
festival de la parole éclectique comme Voix d’Amériques. « Ce n’est pas du cirque, ni du théâtre, mais une espèce d’hybride dont
je suis fière, déclare Sky. Je me maquille et je me démaquille sur scène,
je ne parle pas comme une comédienne  – je n’en suis pas une – mais
comme la personne que je suis et qui a envie de parler aux gens. C’est
une parole très directe et intimiste : je raconte ma vie, avec distance,
quand même, et il y a de l’humour. J’utilise ma vie comme outil.
Pourquoi pas? C’est une vie riche! »

C’est Lhasa elle-même qui a parlé du spectacle de sa soeur à D. Kimm,
la directrice artistique de Voix d’Amériques. « Les dernières fois que
je suis venue voir Lhasa, elle était malade et on se demandait comment
je pourrais revenir plus souvent », raconte Sky. « Tu pourrais venir faire
ton spectacle », a dit Lhasa. « Je crois que D. Kimm a pris la parole de
Lhasa – c’est une belle marque de confiance – et nous nous sommes très
bien entendues quand nous nous sommes rencontrées à Paris. C’est très étrange de revenir ici parce que, évidemment, je pensais
que Lhasa serait là, ajoute-t-elle plus tard. Je ne peux pas nier que
c’est très chargé. Mais je prends ça comme un cadeau de la part de
Lhasa et, avec un peu de chance et un peu de courage, j’arriverai à
faire ça un petit peu en hommage à ma soeur ».

Maintenant,
de Sky de Sela, accompagnée de Benoit Jayot (contrebasse) et
de Pierre-Yves Martel (viole de gambe), à la Sala Rossa, demain à 20 h 30,
dans le cadre du festival Voix d’Amériques.