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À quel point est-il facile de dÉsarmer un policier?

Et la réponse ne
viendra pas avant près d’un mois, puisque le coroner André Perreault
souhaite d’abord réfléchir aux conséquences de la publication d’une
telle information. Il a d’ailleurs émis la crainte de retrouver sur
YouTube des instructions sur la manière de désarmer un policier dès le
lendemain.
Le policier Jean-Loup Lapointe avait déjà indiqué que c’est parce qu’il
avait eu l’impression qu’on cherchait à lui dérober son pistolet qu’il
avait pris la décision d’ouvrir le feu en direction de quelques jeunes,
dont le garçon de 18 ans qui allait être atteint mortellement.

Un dispositif de sécurité, sur l’étui de l’arme d’un policier, sert
justement à contrer ce genre de situation, a-t-il reconnu vendredi. Le risque invoqué n’était peut-être pas réel, estime par conséquent
l’avocat Jacky-Eric Salvant, qui représente deux jeunes témoins directs
de la tragédie, Anthony Clavasquin et Jonathan Senatus. « Ce que je dis, c’est que l’étui était très sécuritaire, a insisté Me
Salvant lors d’une brève entrevue, en fin de journée. Il y avait des
mécanismes de sécurité sur l’étui. Il est justement fait pour ce genre
de situation, pour qu’un policier ne puisse pas être désarmé. Et si ce
n’est pas le cas, j’aimerais qu’on en fasse la démonstration devant le
coroner ».

L’agent Lapointe a toutefois ajouté que ce mécanisme n’est « pas
infaillible » et qu’il peut même être déclenché « accidentellement ».
Connaissant son fonctionnement, il lui serait « excessivement facile
d’aller dérober l’arme d’un autre policier », a-t-il aussi souligné. Mais le procureur de la Ville de Montréal et de son Service de police
(SPVM), Pierre-Yves Boisvert, s’est objecté à ce qu’on démontre comme
il faut s’y prendre pour retirer un pistolet de son étui. Il a fait
valoir qu’il n’était pas souhaitable que le grand public l’apprenne. Le coroner Perreault n’annoncera qu’à l’occasion de la prochaine
audience, le 9 mars, s’il accepte qu’on lui explique comment actionner
le dispositif de sécurité, si cette démonstration se fera à huis clos,
et si elle sera visée par une ordonnance de non-publication.

Désavantagé par sa propre faute?

Le jeune policier a d’autre part refusé de reconnaître qu’il s’était
auparavant placé dans une position vulnérable en entraînant au sol un
suspect agressif, soit Dany Villanueva, le frère de Fredy. Une
manoeuvre qu’il avait apprise au cours de sa formation. L’agent a procédé à cette « amenée au sol » parce qu’il appréhendait une
agression physique grave, s’est-il aussi justifié. « Je craignais que
l’individu sorte une arme de ses vêtements ou tout simplement me
frappe ». Il a toutefois pris soin de placer son coude derrière le cou de Dany
Villanueva pour éviter que celui-ci se blesse à la tête en tombant vers
l’arrière.

Me Salvant a sous-entendu que l’agent s’était lui-même mis dans de
beaux draps, en se laissant choir par terre, puisque plusieurs amis de
Dany Villanueva étaient tout près. M. Lapointe a au contraire soutenu
qu’il s’était placé dans une situation plutôt avantageuse vis-à-vis de
celui-ci. Cela dit, c’est parce qu’ils se sont retrouvés tous les trois au sol,
en incluant la policière Stéphanie Pilotte, que les autres jeunes qui
jouaient précédemment aux dés ont pu foncer sur eux, toujours selon la
version de Jean-Loup Lapointe. C’est à ce moment que certains
l’auraient agrippé, notamment au cou et à la ceinture.

Jean-Loup Lapointe s’attendait à ce que ces jeunes « se comportent
raisonnablement », a-t-il fait valoir. Il n’avait donc pas prévu qu’ils
l’attaqueraient. Me Salvant s’est aussi employé à comparer les mesures que le policier a
prises au cours de son intervention à celles que suggère le tableau
« Problématique de l’emploi de la force », un outil que les policiers
connaissent bien, mais qui est difficilement accessible au public. Il
spécifie quel niveau de force un agent doit utiliser selon le niveau de
résistance d’un contrevenant.

Jacky-Eric Salvant a aussi fait admettre à l’agent Lapointe qu’il
n’avait jamais avisé Dany Villanueva des conséquences d’un refus
d’obtempérer. « Je n’ai absolument pas été en mesure de faire ça », a expliqué le
témoin, en ajoutant que « son agressivité était déjà très importante » et
que « l’échange verbal était impossible ». « Je n’ai pas senti de colère ou d’impatience du tout », a également
déclaré M. Lapointe pour souligner qu’à l’exception de la « peur de
mourir » qui a précédé ses quatre tirs, les émotions n’ont pas influencé
ses décisions. De toute manière, il n’a pas eu le temps de se fâcher, l’épisode
s’étant déroulée « à une vitesse folle », a-t-il dit. En moins d’une
minute, en fait.

Source : Bernard Barbeau