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Le retour de jean-michel anctil

Ce
soir-là, Jean-Michel Anctil tremblait dans les coulisses. Il venait
d’offrir un court spectacle à La Baie, un des huit d’une mini-tournée
organisée l’hiver dernier à la demande de ses auditeurs de Rock Détente. En sortant de la scène, il a « craqué ». « J’ai eu une crise d’angoisse,
se souvient-il. Ma blonde me disait : « Je pense que t’as quelque chose
de brisé en dedans. Va voir quelqu’un ». » Il appelle alors Danie Beaulieu, psy et conférencière qu’il avait déjà
invitée à son émission de radio. Anctil suivra avec elle une thérapie
d’intégration par mouvements oculaires.

Sur son site, la psy décrit
ainsi le processus : « Un traitement dont la rapidité honore le plein
potentiel d’autoguérison de l’être humain ». « Elle pose des questions et on répond en essayant en même temps de
suivre ses doigts des yeux, précise l’humoriste. Quand on ment, le
regard a tendance à fuir, alors on ne peut pas mentir. Ça aide à
reconnecter les zones du cerveau. Ça brasse quand elle met le doigt sur
ton piton. J’en ai braillé une shot ». Ce « piton », dit Anctil, était son épuisement. Dans sa précédente
tournée, il avait vendu 500 000 billets – un record – et donné pas
moins de 734 spectacles en quatre ans. C’est l’équivalent d’un
spectacle aux deux jours, avec les déplacements, la préparation et le
stress que cela suppose. « C’est pour cela que je voulais abandonner la
scène, poursuit-il. Et il y avait aussi une autre raison. À l’époque,
le métier d’humoriste était de plus en plus dénigré. Moi, je voulais
montrer que je pouvais faire autre chose. Je voulais jouer, explorer
mon côté dramatique ».

En plus de l’entendre à la radio, on l’a notamment vu dans le film De père en flic, dans les séries Lance et compte : le grand duel et 450, chemin du Golf, ainsi que dans la pièce Tout Shakespeare pour les nuls. Mais, guidé par sa psy, il commence à penser qu’il est en train de
s’égarer de son « essence », celle d’humoriste. Vers la fin de l’hiver
2009, il recommence donc à écrire. « Dès la première journée, ça fonctionnait super bien, rien n’était
douloureux. Puis, le lendemain, je me suis réveillé avec une belle
image en tête. Je voyais un érable entaillé avec la sève qui coulait.
J’ai appelé Danie et elle m’a dit : « On a débouché ton tuyau, je te
laisse, amuse-toi ». »

Préscilla, Râteau et Cie

Cette histoire, c’est Anctil qui choisit de nous la raconter en détail,
sans gêne. Il ne touchera presque pas à ses crêpes pendant les 20
premières minutes de l’entretien. Il en parle pour justifier son retour et aussi pour expliquer la trame
de fond de son nouveau spectacle : « la quête ». C’est la crainte, dit-il,
de ne pas se trouver au bon endroit, de ne pas s’accomplir dans son
travail et de ne pas profiter de sa famille. Ce thème traverse Tel quel, mais il ne l’alourdit pas, assure Anctil. Certains numéros s’annoncent très légers. « Je ne suis vraiment pas un
gars manuel, lance-t-il. Tellement que ça peut être dangereux. J’ai
déjà failli me planter un clou dans le front. Alors il y aura un numéro
là-dessus ».

On entendra aussi des gags sur son côté hypocondriaque, sur sa crainte
de voir ses filles déménager pour de bon en Chine et sur le malaise
qu’il a éprouvé lors de son premier massage. La première partie du
spectacle permet selon lui de mieux le découvrir. La deuxième se
consacre à ses personnages. Il jouera trois clochards dans un numéro
sur les sans-abri. Et il déterrera aussi ses vieux personnages Râteau,
l’homme infidèle et Préscilla. A-t-il l’impression de se répéter ou d’écrire pour les nostalgiques?
« Non, répond-il. En fait, j’ai voulu faire évoluer mes personnages. Par
exemple, Préscilla se trouve un amoureux, mais ça ne finira pas
nécessairement bien. L’infidèle, lui, devient l’avocat qui plaide la
cause de l’homme devant les femmes. Et Râteau? Disons que c’est avec
lui qu’on bouclera la boucle. On va le découvrir tel quel ».

Tel quel de Jean-Michel Anctil, les 19 et 20 février, au Théâtre du Centre Bell.

Source : Paul Journet