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11 ans de prison pour earl jones

La juge Hélène Morin, de la Cour du Québec, a ainsi respecté
les suggestions de la Couronne et de la défense, qui avaient toutes
deux proposé d’imposer à l’ex-financier une peine de 11 ans
d’emprisonnement. Les fraudes réalisées par Earl Jones concernent 158 comptes de clients. La
première accusation de fraude a trait à la période 1982-2004 pour des
malversations totalisant 21,6 M$. Sur ce chef, la juge Morin a
donné une peine de neuf ans. La seconde accusation a trait à la
période de septembre 2004 à juillet 2009, après que la loi eut été
modifiée, pour des malversations totalisant 29,7 M$.

Sur ce
chef, la juge a donné une peine de 11 ans. Les peines de neuf et 11 ans doivent être purgées concurremment. De
plus, la juge refuse de lui créditer le mois d’emprisonnement qu’il a
déjà purgé depuis son plaidoyer de culpabilité. Elle ne lui impose
toutefois aucune amende, compte tenu de son manque de ressources
financières et de la durée de la peine d’emprisonnement. La juge a énuméré les dommages et répercussions qu’ont subis les victimes de Bertram Earl Jones.

« Toutes
les victimes souffrent d’insomnie. Presque toutes ont vu leur état de
santé se détériorer soudainement, éprouvant des symptômes qu’elles
n’avaient pas éprouvés avant. Deux ont vécu une récidive de leur
cancer. Certains, qui étaient fiers de n’avoir jamais pris de
médicaments, prennent maintenant des antidépresseurs. Certains ont des
idées suicidaires. Certains se sentent isolés et ont honte de n’avoir
pas été plus prudents », rapporte la juge.

« Certaines victimes le
qualifie de menteur, d’autres de démon, de parasite, de couleuvre, de
prédateur financier et de sociopathe, parce qu’il leur avait promis que
leur argent ne serait pas seulement entre bonnes mains, mais qu’il
fructifierait, rappelle encore la juge Morin. L’accusé n’a pas
seulement volé leur argent, il leur a volé leur liberté, leur estime de
soi et la vie décente qu’ils avaient planifiée pour leur retraite », dit-elle.

Elle a notamment cité le cas d’une de ses
victimes, J. D., dont l’époux avait été assassiné par le professeur
Valéry Fabrikant de l’Université Concordia, en 1992. Après la mort de
son mari, elle s’était tournée vers Earl Jones pour des conseils
financiers. « J.D. est devenue victime une seconde fois, cette fois
d’Earl Jones », déplore la juge Morin.

Les victimes d’Earl Jones,
dont plusieurs étaient arrivées ensemble au palais de justice de
Montréal dans un autobus, demeuraient insatisfaites de cette peine de
11 ans. « Selon moi, ça aurait dû être le maximum. C’est dommage,
parce qu’on sait très bien qu’avec la loi qu’on a au Canada, il va
faire seulement 22 mois ou quelque chose du genre. Alors c’est un peu
insultant pour les victimes qui elles, sont condamnées à vivre comme
ça pour le restant de leurs jours », a déploré Danielle Manouvrier, qui
a perdu 100 000 $ dans l’aventure avec sa mère.

Mme Manouvrier a
trouvé « un tout petit peu » de réconfort dans les propos de la juge, qui
a exprimé de la compassion pour les victimes de Jones, « mais c’est bien
minime », dit-elle. « Moi, j’aimerais le voir derrière les barreaux
pour le reste de sa vie. C’est un crime sérieux qu’il a commis. Moi et
ma famille, il nous a anéantis complètement », a lancé Wendy Nelles. Bevan
Jones, le propre frère de Jones, fait aussi partie des victimes. « Je ne
veux plus rien savoir de lui. J’espère qu’il brûle en enfer », a-t-il
lancé aux journalistes après sa sortie du tribunal. Invité à dire ce
qu’il pensait aujourd’hui de son frère, il a simplement répliqué : « Ça
ne se dit pas à la télé ». Il l’a carrément traité de « lâche »,
parce qu’il ne l’a pas regardé dans les yeux durant l’audience. Earl
Jones a en effet gardé la tête baissée tout au long de la procédure.

Son
avocat, Me Jeffrey Boro, a soutenu qu’Earl Jones éprouvait des
problèmes cardiaques, faisait de l’hypertension et avait peut-être un
cancer de la peau. Il a aussi perdu du poids. « Il est allé à l’hôpital
quatre fois, le dernier mois ». Il a noté que durant ce dernier mois,
Jones se trouvait ou bien « en protection » ou bien à l’infirmerie. Me Boro assure que Jones « regrette amèrement ce qu’il a fait ». « Ce
n’est pas facile d’être seul dans la vie. Il n’a plus de famille, plus
d’amis, il est tout seul dans la vie. C’est pire qu’une sentence de
pendaison, quant à moi », a opiné son avocat.

Quant à savoir si
Earl Jones deviendra nécessairement admissible au sixième de sa peine,
soit après 22 mois, Me Boro n’a pas été catégorique. Il a rappelé que
le projet de loi fédéral devant restreindre ces libérations
conditionnelles n’a pas encore été adopté et que le parlement est
présentement prorogé. « Il faudra attendre et voir ». « La
réhabilitation, c’est primordial dans nos institutions carcérales.
C’est à eux de décider quand une personne peut sortir. S’ils trouvent
qu’Earl Jones n’a pas appris sa leçon, ils vont le garder », a-t-il
répondu aux journalistes.

Source : PC