Finalement, on passe la commande. Mais elle est plus
importante que la première. Un marchand de meubles discount nous
téléphone alors et nous dit : « Achetez chez moi, j’ai aussi de bons
produits. Ils sont moins chers. » Imaginez qu’il ait le pouvoir de
s’opposer à votre commande!
C’est un peu ce qui arrive à la STM. Sauf que ce ne
sont pas des meubles, mais des wagons de métro. Et que le contrat porte sur des
milliards de dollars. Résumons. Les wagons du métro ont presque 40 ans lorsque,
en 2005, le gouvernement du Québec décide de commander de nouveaux trains au
québécois Bombardier.
En tout, 340 voitures. Pour
1,2 G$. Sans appel d’offres. Pour privilégier le joueur local. Pour assurer des
emplois à La Pocatière. Logique, me direz-vous! Non, impossible, puisque le
Canada est membre de l’Organisation mondiale du Commerce et doit en respecter
les règles. C’est-à-dire procéder pour un contrat aussi important par appel
d’offres international. La française Alstom a dû faire appel aux tribunaux pour
s’imposer dans ce jeu. D’accord. Bombardier et Alstom, qui se connaissent
parfaitement bien en Europe, décident en 2008 de travailler ensemble. Si bien,
qu’ils proposent un prix à la STM et au gouvernement du Québec. Pour le double du
prix, on vous propose beaucoup plus que le double de voitures!
Parfait! Non. Et les règles
de l’OMC? Siemens, et surtout le chinois Zhuzhou Electric Locomotive, étaient
en maraude. Ils veulent faire une offre. Moins chère pour le chinois. « On
était si bien, à deux! », pense le nouveau couple Bombardier/Alstom… Mais
c’est un nouveau contrat, avec la nécessité d’organiser un nouvel appel
d’offres. Alors ces spécialistes mondiaux et pratiquement exclusifs des métros
sur pneus que sont Bombardier et Alstom ont imaginé une parade : imposer,
dans l’appel d’offres international précédé d’un avis d’intention, une
condition qu’ils sont les seuls à pouvoir satisfaire de concert. Les métros
devront rouler sur pneus. Ils espèrent ainsi éloigner la concurrence. Mais Me
Julius Grey, le renommé avocat montréalais, ne l’entend pas de cette
oreille. Il veut que Zhuzou, qui fait
des trains sur roues d’acier, puisse participer au nouvel appel d’offres. Cette
condition de trains sur pneus lui semble déraisonnable et contraire aux règles
de la libre concurrence promues par l’OMC. Une condition abusive, donc.
Voici pourquoi : le
métro de Montréal n’est pas uniquement un métro sur pneus. Il roule avec des
roues d’acier sur une voie ferrée. Sauf que les voitures doublent les roues
d’acier par des pneus, pour assurer un glissement plus silencieux des rames.
Mais les trains continuent à être dirigés par les voies ferrées, grâce à leurs
roues d’acier.
Ce qui veut dire que des
trains à roues d’acier pourraient circuler dans le métro de Montréal sans
changer les rails. C’est déjà le cas à
Paris, en France, où cette technique de métros sur pneus a été mise en œuvre en
1960, sur des lignes construites au début du XXe siècle. Mais les
trains de travaux nocturnes continuent à rouler sur roues d’acier, y compris
sur les lignes dédiées aux métros sur pneus. Puisque les voies ferrées existent
toujours pour diriger les trains sur pneus. Mais elles permettent aussi le
passage de trains classiques à roues d’acier. Qui plus est, précisent les spécialistes,
les pneus sont une technique révolue, grande consommatrice d’énergie, puisque
le roulement sur pneumatique connaît plus de résistance que sur l’acier. Au
demeurant, les nouvelles technologies sur acier sont aussi douces que les
anciennes techniques sur pneus. De beaux arguments en perspectives pour maître
Grey! Les nouveaux trains au XXIIe siècle?