Le Vin de Constance, un vin doux naturel
fait de Muscat de Frontignan qui titre entre 12,5 et 14 ° d’alcool, n’est produit
que par un domaine, le Klein Constantia, dans la vallée du même nom en Afrique
du Sud. Seulement huit domaines se partagent Constantia Valley, située à 8 km du
Cap de la Bonne Espérance. Sous un climat frais et une pluviométrie abondante,
la vallée produit parmi les meilleurs vins de sauvignon et de sémillon du pays.
UN VIN PRISÉ
Au cours des 18e et 19e siècles, déjà, le
Vin de Constance jouit d’une réputation incroyable. Napoléon Bonaparte trouve
le réconfort en savourant ce nectar une fois par jour, lors de son exil sur
l’Île Sainte-Hélène. Pour sa part, Charles Beaudelaire cite le Vin de Constance
dans Les Fleurs du mal, lorsqu’il compare l’élixir des baisers de l’être aimé
aux plaisirs de ce vin et du « nuits », en faisant référence aux vins de
Bourgogne. « Je préfère au constance, à l’opium, au nuits/L’élixir de ta
bouche où l’amour se pavane ».
Mais c’est au 17e siècle que débute
l’histoire de « Constance », dont le premier millésime remonte à 1689. Simon
van der Stel, alors gouverneur du Cap de la Bonne Espérance, s’y installe et
nomme le domaine Constantia, qui deviendra légendaire pour ses vins, en signe
de reconnaissance pour le gouverneur qui lui avait donné la permission d’y
installer sa ferme et dont la fille se nommait Constantia.
En 1712, après le décès de Van der Stel,
Constantia est vendu et divisé. « Groot Constantia » (Grande Constance) est
l’un des hauts lieux de la viticulture en Afrique du Sud, et « Klein Constantia
» (Petite Constance), est la portion la plus élevée du vaste domaine. qui
élabore non seulement le Vin de Constance, mais aussi des Sauvignon,
des Chardonnay, des Riesling, des Cabernet sauvignon…
Si le Vin de Constance est reconnu comme
l’un des plus grands vins au monde, il n’a pas eu « la vie facile », notamment
avec l’épisode catastrophique du phylloxéra, la politique de l’apartheid et le
boycott des produits sud-africains.
Disparu depuis un siècle, le Vin de
Constance a ressuscité en 1980, lorsque Duggie Jooste a entrepris de replanter
le vignoble. Afin de garder le même esprit du vin qui ravivait les esprits de
Bonaparte, on a conservé les méthodes ancestrales pour élaborer ce nectar fait
de muscat à petits grains, appelé aussi « hanepoot ».
L’ONCTUOSITÉ DU PASSERILLAGE
Ce vin de dessert n’est ni botytisé, ni
fortifié. Les raisins sont passerillés, c’est-à-dire qu’on les laisse se
dessécher sur les pieds de vignes, jusqu’à la fin du mois de mars – début avril
(les vendanges ont lieu en février et en mars dans l’hémisphère sud), afin que les
baies soient gorgées de sucres par l’évaporation de l’eau. Les vins sont mis en
fûts de chêne pour deux années. « Nous ne désirons pas en retirer le goût [du
bois] ou l’arôme, mais bien favoriser un processus lent d’oxydation et de
maturation », explique Lowell Jooste, propriétaire du vignoble sud-africain,
lors d’un passage à Montréal. Il en résulte des vins très aromatiques,
onctueux, et dotés d’une longueur en bouche phénoménale.
J’ai été à même de constater l’exquis du
Vin de Constance, lors d’une dégustation verticale (même vin de différents
millésimes) de 14 millésimes. Ce voyage dans le temps proposait en premier lieu
un Vin de Constance 2004. Ce
millésime présentait des notes d’abricot, d’ananas et de miel. Il était pourvu
de la fraîcheur nécessaire pour soutenir tout ce sucre résiduel naturel. En
2003, aucun Vin de Constance n’a été élaboré, à cause des conditions
climatiques jugées insatisfaisantes pour faire un vin équilibré. À tour de
rôle, donc, nous avons dégusté les vins jusqu’au millésime 1991. En passant par
des arômes de crème brûlée, de fruits secs et de fumée en 2002, puis à un nez
plus discret en 2001, souligné de fleur d’oranger, à une dose de marmelade, de
caramel et d’abricot en 2000, à une note oxydée et de noix en 1999. Nous y
sommes allés de nos papilles ravies jusqu’en 1994 avec les raisins de corinthe
et avec le millésime 1993, le préféré du propriétaire. En finale, nous avons eu
le privilège de déguster le premier millésime de la famille Jooste, 1986,
impossible à trouver aujourd’hui puisqu’il n’a jamais été commercialisé. Il
était encore croquant, frais, avec une puissance aromatique incroyable.
Servi avec des raisins secs, des abricots
séchés, du fromage à pâte persillée, du foie gras, des desserts comme les
tartes à la citrouille ou aux pacanes, le Vin de Constance est, de toute façon,
un moment d’éternité.
Les quantités de bouteilles au Québec du
Vin de Constance, que les amateurs s’arrachent, sont limitées à quelque 250
caisses annuellement. Il faut donc surveiller les arrivages la SAQ. Il reste
quelques bouteilles du millésime 2004 au Québec (Code SAQ 10999655 – Prix
61,75 $) et du millésime 2002 (Code SAQ 365593 – Prix :
62 $/500 ml). Un petit prix, pour un instant de
volupté!
En plus du Vin de Constance, le vignoble
de Klein Constantia a d’autres vins sur les tablettes de la SAQ, soit le
Sauvignon blanc, le Marlbrook rouge et le Late Harvest Riesling.
restaurant Le Gavroche, à Londres, a réalisé un livre de recettes faites à base
du Vin de Constance.
Photo 1 :
CRÉDITS : Photo Klein Constantia (c) LÉGENDE : Lowell Jooste, propriétaire du
vignoble de Klein Constantia
Photo 2 :
CRÉDITS : Photo Klein Constantia (c)
LÉGENDE : Pris seul en dégustation, ce vin
que l’on compare volontiers aux étoffes les plus douces, se suffit à lui-même.