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Le policier jean loup lapointe est armÉ en tout temps

Il l’a lorsqu’il témoigne, assis à quelques mètres du coroner André Perreault et pas tellement plus loin de la mère et du père du jeune homme qu’il a abattu. « Vous êtes armé même ici
aujourd’hui? », s’est étonné l’avocat René Saint-Léger. « Oui », a
simplement dit le témoin, dont le veston cachait le pistolet en question. On a également appris vendredi que le
policier avait été impliqué en juillet 2006 dans un incident comportant plusieurs
similarités avec la tragédie d’août 2008. Il a craint d’être désarmé et tué
dans les deux cas, mais n’a ouvert le feu que dans un seul.

Dans un rapport de police daté du 24 juillet
2006 que certains médias, dont La Presse Canadienne, ont obtenu, l’agent Lapointe
tient un langage étonnamment similaire à celui qu’il allait employer un peu
plus de deux ans plus tard. Cette histoire, toujours pas réglée devant
les tribunaux en partie parce que M. Lapointe ne peut pas témoigner « pour
cause de maladie », implique six adolescents et jeunes adultes.

Pendant une intervention, une jeune femme
s’était mise à « crier et à gesticuler de façon très agressive près de mon
visage », raconte-t-il dans le document. Un jeune homme s’était débattu, le « visage crispé, les dents serrées et les poings
serrés ». « Ma sécurité était alors gravement compromise. […] Je
craignais pour ma vie et de me faire désarmer ». Mais c’est le poivre de
Cayenne qu’il a utilisé à cette occasion. Il s’en était malencontreusement
envoyé dans les yeux par la même occasion, mais l’opération s’était néanmoins
relativement bien terminée.

Pourtant, en février dernier, Jean-Loup
Lapointe avait affirmé devant le coroner Perreault qu’il n’avait jamais
ressenti une telle peur avant l’épisode du 9 août 2008. Confronté à ses propres déclarations par le
procureur des Villanueva, Peter Georges-Louis, vendredi après-midi, le policier
a souligné qu’il peut exister divers degrés de peur. « L’intensité était
tout autre et c’est pourquoi je n’avais pas cet événement-là, qui date de
quatre ans, en tête », a-t-il expliqué à l’avocat perplexe, disant aussi
que « le contexte était complètement différent ».

Mais c’est surtout le fait que Jean-Loup
Lapointe a pu trimballer son arme sur lui à tout moment dès octobre 2008 qui a
semblé chicoter le coroner. Ce dernier a voulu en savoir un peu plus. Après
tout, le policier était à ce moment suspect dans l’enquête de la Sûreté du Québec (SQ) sur
le décès de Fredy Villanueva et risquait d’être accusé d’homicide.

L’avocat de la Ville de Montréal et de son
Service de police (SPVM), Pierre-Yves Boisvert, a estimé cette situation « tout à fait normale et appropriée » car l’agent craignait d’être
victime de représailles. C’est le SPVM qui, sans que la SQ n’ait son mot à dire,
semble-t-il, l’a autorisé à garder son arme avec lui.

Plus tôt, en avant-midi, Jean-Loup Lapointe
a tenu à corriger une affirmation faite la veille. Il a expliqué qu’un incident
auquel il avait fait référence et impliquant deux jeunes témoins de la tragédie
était à l’origine de sa demande de porter une arme en tout temps, autorisation
qui lui a été donnée le 8 octobre 2008, et non pas à l’origine de sa demande de
porter une arme dans le cadre de ses fonctions, ce qu’il a pu faire dès le 17
septembre.

Le 5 octobre, des policiers ont en effet
trouvé Jonathan Sénatus et Anthony Clavasquin en possession d’un fusil d’assaut
militaire. Jean-Loup Lapointe a raconté jeudi que l’un d’eux aurait alors lancé
des menaces à peine voilées comme « Où est Lapointe? Qu’est-ce qu’il fait
de bon? ». Entre le 17 septembre et le 8 octobre, il
laissait le pistolet « sécurisé » dans son bureau, et ne pouvait pas
l’apporter chez lui. Affecté à des tâches administratives, il ne s’en servait
pas, sauf pour s’exercer au tir, mais y avait accès.

L’audience de vendredi a semblé encore une
fois pénible pour Lilian Antunes Villanueva, la mère de Fredy et Dany, qui
s’était effondrée en larmes et avait hurlé de longues minutes plus tôt cette
semaine. Visiblement épuisée et souffrant d’étourdissements, elle se déplaçait
parfois en fauteuil roulant. D’autre part, questionné par Me Saint-Léger,
qui représente Denis Méas (blessé d’une balle à l’épaule dans l’affaire),
l’agent Lapointe a indiqué avoir été entraîné à manier des armes à feu au sein
des Forces armées canadiennes, ce qui s’ajoute à la formation similaire qu’il a
reçue dans le cadre de ses études pour devenir policier. Il est en effet
réserviste depuis 1999.

Il faut dire, toutefois, que personne n’a
jamais prétendu que la mort de Fredy Villanueva résultait d’une erreur de
manipulation d’arme. Dany Villanueva n’a toujours pas pris la
barre, le témoignage du policier Lapointe n’étant pas encore complété. Il
devrait pouvoir le faire dans la semaine du 29 mars, alors que reprendront les
travaux.