Yann Perreau a donné le coup d’envoi à une série de duos. Les deux
bêtes de scène ont joué la carte de la retenue pour l’interprétation de À bout de ciel. Marjo a ménagé ses énergies en première partie, proposant les œuvres les plus tranquilles de son répertoire, de Bohémienne à Doux, à laquelle a d’ailleurs participé l’harmoniciste Jim Zeller, en passant par la magnifique Je sais, je sais, brillamment interprétée avec Daniel Lavoie sur fond acoustique et quelque peu reggae.
Le ton était donné pour une soirée plutôt nostalgique, mais Antoine
Gratton et son piano, ainsi que Martin Deschamps, sont venus insuffler un
peu de vie à ce début de spectacle plutôt calme avec Sans toit ni loi et Fais pas l’fou. On lui en a presque voulu d’interrompre cette envolée rock avec Tant qu’il y aura des enfants.
C’était avant de voir débarquer une chorale de bambins. « Toute ma vie,
j’ai bravé le temps, les tempêtes. Je suis encore là. Toujours, j’ai
essayé de faire les plus belles chansons d’amour. J’aurais aimé avoir
des enfants, mais le bon Dieu ne m’en a pas donnés ». Il y en avait ce
soir une centaine que pour elle, venus sublimer une pièce déjà sublime.
Le retour de Corbeau
Ayant délaissé ses pantalons de cuir pour sa minirobe à paillettes,
elle a offert une entrée en matière plutôt survoltée en deuxième partie
avec Illégal, livrée en duo avec Jonathan Painchaud. Les Respectables ont repris le flambeau pour l’électrique J’lâche pas, et c’est sans compter la chaleureuse ovation qu’a reçu Éric Lapointe, qui s’est joint à elle sur la prenante Ailleurs. Sur la carrière solo de Marjo plane toujours le spectre de Corbeau.
Aussi, pour la première fois en 26 ans, les membres du groupe se
sont-ils réunis. Jean Millaire, Donald Hince, Roger « Wazo » Belval et
Michel « Willie » Lamothe ont ainsi uni leur talent à celui de la voix
féminine l’espace de trois pièces, Demain, Marche et Suite 16. Un pur moment rock.
Remise sur pieds
Elle a bien cru devoir accrocher son micro lorsqu’en 2007, une vilaine
chute lors d’un spectacle au Saguenay lui laissait un pied en mille
morceaux. En retraite forcée pendant deux ans, les deux compilations Marjo et ses hommes, auxquelles ont participé les plus grandes voix masculines québécoises, auront peu à peu vu le jour. Sans aucun doute, ces années passées loin de la scène ont consolidé sa
passion toujours aussi ardente pour le métier, passion qu’elle a
communiquée à la foule. Du haut de ses 56 ans, malgré sa voix quelque
peu éraillée par moment – particulièrement en deuxième partie – et une
certaine fatigue palpable en fin de concert, l’énergie déployée par
Marjo s’est avérée contagieuse et a confirmé son titre de rockeuse
nationale.