L’événement, orchestré par la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB), a pris la forme d’un spectacle où,
pendant plus de deux heures, l’évolution de la langue française au Québec a été
illustrée par des textes lus par des artistes, par des projections sur grand
écran et des prestations musicales. Les écrits et faits d’armes dans la lutte pour la
langue française de Camille Laurin, Jean-Paul Desbiens (frère Untel), Lionel
Groulx, Gilles Vigneault ont notamment été revisités, au grand plaisir des
centaines de personnes qui ont assisté à ce véritable cours d’histoire, dimanche
après-midi, au Monument National à Montréal.
La comédienne Dominique Pétin, qui a prêté sa voix à
l’un des textes, a rappelé que la langue représentait l’âme d’un peuple. « La langue française, c’est mon outil de travail,
c’est aussi la langue que j’ai transmise à mes enfants et je considère que de
manifester bruyamment est une chose essentielle en ces temps de génocide
culturel », a-t-elle souligné. Son collègue Vincent Bilodeau a également témoigné de
sa grande affection pour le français.
« Une des raisons pour lesquelles je suis devenu
comédien, c’est par amour de la langue, a-t-il raconté. Alors, s’il
y a une chose que je ne veux pas voir mourir, c’est bien la langue française. Et
elle est en péril » a renchéri l’artiste, appelant les gens à manifester
pour préserver « notre belle langue ».
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME
Selon le président de la SSJB, Mario Beaulieu, cette « nouvelle » offensive visait à demander au gouvernement Charest de
réagir au jugement de la Cour suprême du Canada invalidant la loi 104, qui
limitait l’accès à l’école anglaise. M. Beaulieu a exhorté Jean Charest à mettre fin à son
ambiguïté et à appliquer sans tarder la loi 101 aux écoles privées
non subventionnées en utilisant, notamment, une clause dérogatoire. « Cela fait plus de 200 modifications que la
Charte de la langue française subit, alors nous on dit maintenant, c’est le
temps d’arrêter. On dit non à la Cour suprême et on dit non aux politiciens
molassons qui voudraient courber l’échine et jouer à l’autruche », a lancé
M. Beaulieu.
La loi 104 avait été adoptée par le gouvernement du
Parti québécois en 2002, pour colmater une brèche ayant permis, entre 1997 et
2002, à des milliers de parents d’inscrire leurs enfants dans un établissement
anglophone privé non subventionné, une école passerelle, le temps requis pour
accéder par la suite légalement au réseau anglophone subventionné. Québec voulait empêcher que des parents, surtout
allophones mais aussi anglophones et francophones, contournent la loi en
envoyant leur enfant dans une « école passerelle » pendant une courte
période de temps, pour ensuite réclamer le droit de fréquenter le réseau
régulier de langue anglaise auquel il n’avait pas accès autrement, selon la
Charte de la langue française.
Dans son allocution dimanche, le chef du Bloc
Québécois, Gilles Duceppe, a souligné que les anglophones du Québec « étaient probablement la minorité sur toute la planète qui jouit de la
meilleure situation ». En tournée au Canada plus tôt cette semaine, il
avait fait remarquer que de nombreux francophones hors Québec rêveraient de
vivre dans un tel contexte. « Ils ont utilisé la clause nonobstant pour
rapatrier une constitution dont nous ne sommes pas signataires; nous, on va
l’utiliser pour faire en sorte que notre langue soit protégée », a aussi
lancé M. Duceppe. Le député péquiste Pierre Curzi, qui avait présenté
cette semaine un document mettant en garde contre « l’anglicisation de
Montréal », et la porte-parole de Québec Solidaire, Françoise David, sont
aussi montés sur la scène pour demander au gouvernent de bouger rapidement dans
ce dossier.
L’initiative de la SSJB était appuyée par la Coalition
pour l’application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, qui
regroupe une vingtaine d’organismes politiques, de centrales syndicales et de
groupes de défense du français. Si rien ne bouge, M. Beaulieu a promis d’élargir la
coalition et de « rétablir le grand mouvement Québec français pour sonner
le réveil sur le front linguistique ». L’événement s’est conclu par une marche en direction
des bureaux de la ministre de la Culture et des
Communications, Christine St-Pierre.