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Une commission d’enquÊte fera la lumiÈre

C’est ce qu’a annoncé, mardi, le premier ministre Jean Charest,
visiblement ébranlé par les affirmations spectaculaires de celui qui a été
membre de son cabinet de 2003 à 2004. La
décision devrait être entérinée dès mercredi, lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres. On devrait alors connaître plus précisément quel sera le
mandat de cette commission et qui la présidera. « La
vie politique, c’est dur. C’est très dur », a mentionné en point de presse le premier
ministre, secoué par une pluie d’attaques ayant pour effet de miner son
intégrité et celle de son gouvernement.

Lundi,
Marc Bellemare a soutenu que lorsqu’il était ministre de la Justice, des
collecteurs de fonds pour le Parti libéral du Québec (PLQ) exerçaient des
pressions sur lui pour que certains avocats soient nommés juges. Il
a affirmé que le premier ministre Charest connaissait et endossait cette pratique.
Certains juges actuellement en fonction auraient donc bénéficié de ce
traitement de faveur, selon M. Bellemare. M.
Charest a dit qu’il ne pouvait pas laisser passer sans rien dire une telle
atteinte à l’intégrité du processus judiciaire et de son gouvernement. « Je
ne sais pas de quoi il parle », a affirmé M. Charest, à propos des affirmations de
son ex-ministre. Il prétend donc ignorer pourquoi l’avocat de Québec se livre à
de telles attaques.

Quoi
qu’il en soit, une mise en demeure de se rétracter devait être expédiée le jour
même à l’ex-ministre de la Justice. « Je
ne peux pas accepter qu’un ex-ministre jette un doute sur le processus de
nomination des juges », a-t-il déclaré. À
ce propos, M. Charest a ajouté qu’il avait toujours choisi « la personne la plus compétente
possible », quelle que soit son allégeance politique. M.
Bellemare soutient aussi que des pratiques louches ont cours au PLQ, disant
avoir vu des enveloppes contenant de fortes sommes en argent comptant passer
de la main d’entrepreneurs à celles d’employés du parti. Mais
M. Charest conclut qu’il n’y avait pas lieu, dans ce cas, de pousser plus loin
et de déclencher une enquête interne au parti. « Il
n’y a pas de raison de remettre en question ce que nous faisons » pour financer
le parti, a-t-il signalé.

Pourtant,
« le vrai problème, c’est le financement du Parti libéral », a répliqué la chef
péquiste Pauline Marois, lors de la période de questions, en réclamant toujours
une commission d’enquête sur les liens entre le PLQ, le gouvernement et
l’industrie de la construction. Elle
estime que le premier ministre, une fois de plus, multiplie les diversions dans
le seul but d’éviter de tenir une telle commission. Selon
Mme Marois, le premier ministre se place ainsi carrément en conflit d’intérêts,
étant au coeur des multiples allégations de corruption, de collusion et
de favoritisme proférées soit par M. Bellemare ou à l’occasion de divers
reportages et enquêtes dans les médias, au cours des derniers mois. « Je
fais appel au sens de l’honneur de M. Charest », a déclaré Mme Marois en point de
presse, en ne se montrant pas impressionnée par la tenue d’une enquête sur la
nomination des juges. Comme,
à ses yeux, le premier ministre est « juge et partie » au dossier, elle propose
que deux personnes « au-dessus de tout soupçon », le juge à la retraite John
Gomery et le vérificateur général Renaud Lachance, définissent le mandat de
cette « essentielle » commission d’enquête sur la construction, qu’elle appelle
depuis des mois.

Mais
M. Charest a continué, mardi, de rejeter catégoriquement ce scénario. Comme
Mme Marois, le chef de l’Action démocratique, Gérard Deltell, est d’avis que le
premier ministre se montre trop « sélectif » en n’élargissant pas l’enquête à
tout le secteur de la construction. Il
voudrait au moins une commission parlementaire pour faire la lumière sur les
allégations de M. Bellemare. Selon
M. Deltell, M. Charest tente en fait de museler son ancien ministre. Le
porte-parole de Québec solidaire, le député Amir Khadir, va plus loin et
soutient que, vu l’importance des allégations, le premier ministre n’a plus que
deux options devant lui : déclencher une commission d’enquête sur les liens
entre son gouvernement, son parti et l’industrie de la construction ou bien
déclencher des élections générales. « Le
Québec a honte » de tout ce qu’il entend depuis des mois et de ce « gouvernement
sous influence », qui lui fait penser à « une république de bananes », a-t-il énoncé
en point de presse.

Le
premier ministre a aussi été interpellé sur la nomination de celui qui agit
comme son sous-ministre et secrétaire général du gouvernement, Gérard Bibeau. Un
des principaux collecteurs de fonds du PLQ, l’homme d’affaires de la région de
Québec Franco Fava, avait soutenu la veille qu’il était parfois sollicité pour
proposer des noms de candidats susceptibles d’occuper différents postes au sein
du gouvernement, et que cela avait été le cas pour celui de secrétaire général. Il
avait alors proposé le nom de M. Bibeau, une information qui fait dire à
l’opposition péquiste que « tout se monnaye » au Parti libéral.

En
Chambre, le premier ministre a cependant corrigé le tir, en affirmant que M.
Bibeau, « c’est moi qui l’ai choisi ». Il
s’agit d’un homme « intègre, exceptionnel, au passé irréprochable », a-t-il
répliqué aux attaques de l’opposition, qui craint un trafic d’influence entre
le parti et le gouvernement.

Source : Canoë