En 1928, Idola St-Jean, une pionnière de la cause féministe,
écrivait : « Peut-on parler de suffrage universel quand toute une
moitié de la société est privée de son droit de vote? » C’est que depuis
le début du siècle dernier, tous les premiers ministres s’opposeront fermement
à toute revendication en ce sens, à l’exception du chef libéral, Adélard
Godbout, qui lorsqu’il prendra le pouvoir en chassant Duplessis, dira oui à la
grande requête. Mais ce fut le point final d’une épuisante lutte. D’abord à
commencer par l’absence de solidarité entre les femmes.
En 1922, des femmes
iront même d’une pétition condamnant le droit de vote prétextant que
c’était « un genre d’action qui s’harmonise mal avec la condition de notre
sexe et le devoir du foyer ». Les Cercles de fermières s’opposaient au
droit de vote. L’Église ajoutait sa voix en affirmant que les femmes allant
voter, cela diviserait les familles, la femme pouvant ne pas voter comme son
mari. Les journaux ne prêtaient aucunement attention à la cause, exception
faite du Montreal Herald. Puis arrive 1938. Thérèse Casgrain est alors vice-présidente
du Club des femmes libérales.
Elle rencontrera Adélard Godbout, à ce moment-là
chef de l’Opposition officielle à l’Assemblée législative. Elle lui propose le
pacte suivant : « Nous militeront pour influencer le vote et faire en
sorte que vous preniez le pouvoir. En échange de quoi, une fois élu, vous vous
engagez à nous donner le droit de vote tant attendu ». Godbout non
seulement accepta (il prendra effectivement le pouvoir), mais il tiendra
parole. Et non seulement elles voteront, mais elles pourront aussi présenter
leur candidature à la députation. Le projet de loi est adopté le 25 avril 1940
et les femmes pourront exercer leur privilège pour la première fois le 8 août
1944. Une grande page de l’Histoire du Québec venait de s’accomplir.