UN COUPLE QUI DÉFEND LES MINORITÉS
Mais ce qui va attirer beaucoup plus l’attention du public,
dans les semaines qui vont précéder sa prise de fonction du 27 septembre, ce
sont les accointances politiques de cette journaliste française et francophone,
née en Haïti, qui pratiqua longtemps le journalisme à Montréal. Michaëlle Jean
est mariée au cinéaste français Jean-Daniel Lafond.
Tous deux ne sont pas des Canadiens de naissance. Surtout,
ce sont de fervents défenseurs de la langue française. Michaëlle Jean s’est
fait connaître en présentant le télé-journal en langue française de
Radio-Canada, son conjoint par des films engagés sur la défense du droit des
minorités. Les deux époux ont réalisé ensemble, en 1993, le film
« Tropique Nord », un documentaire qui questionne l’identité
québécoise : comment être Noir et Québécois dans une société qui se
cherche une identité? Dans le film, Michaëlle Jean s’exprime en faveur du droit
des minorités.
LA POLÉMIQUE
Michaëlle Jean n’a-t-elle pas voulu
défendre le combat
pour la souveraineté québécoise? La même année, Jean-Daniel Lafond
exprime sa
sympathie pour le mouvement souverainiste. Sont-ils pour autant
souverainistes?
La question est en tous cas posée publiquement. En septembre 2005, Jean-Daniel Lafond
fait l’objet d’un
article dans le journal indépendantiste Le Québécois, qui rappelle ses
fréquentations souverainistes. Le mari de Michaëlle Jean
peut-il devenir, dans ces conditions, le
Prince Consort du Canada? Son épouse n’a-t-elle pas, elle aussi, un
certain
penchant pour la cause québécoise?
LA FIN DE L’ALLÉGEANCE FRANÇAISE
Malgré
les dénégations du couple, la
polémique prend de
l’ampleur en cette fin d’été 2005. Quelques semaines avant sa prise de
fonction, le débat sur la personnalité
réelle de Michaëlle Jean et de son mari fait rage. La
méfiance du Canada anglais à l’égard
de Michaëlle Jean
était telle qu’elle a décidé d’abandonner sa citoyenneté française
quatre jours
avant d’être assermentée le 27 septembre 2005 gouverneure générale du
Canada. Le 23 septembre, le gouvernement
français la libère de son allégeance à l’égard de la France. Le journal
Calgary
Sun titre alors : « Finally Ours », « Enfin nôtre ».
MICHAELLE JEAN REVIENDRA-T-ELLE FRANÇAISE?
générale du Canada
Michaëlle Jean rend une visite protocolaire et traditionnelle à
Élisabeth II en
son palais d’été de Balmoral. Il s’agit en réalité de faire allégeance à
la
Couronne canadienne. Mais la marque la plus forte d’allégeance au Canada
prise
par madame Jean est sa décision urgente de s’éloigner de la nationalité
française. Quelques jours avant sa prise de fonction, elle annonce son
abandon
de la citoyenneté française.
a-t-elle vraiment perdu la nationalité française? « Par décret en date du
23 septembre 2005, madame Jean (Marie, Michaëlle, Eden), née le 6 septembre
1957 à Port-au-Prince (Haïti), est libérée de son allégeance à l’égard de la
France ». Il fallait éteindre une crise politique et médiatique
d’envergure, survenue à la suite de la nomination, comme Chef d’état du Canada,
d’une gouverneure générale encore de nationalité française.
Pouvait-on défendre les intérêts
canadiens tout en étant aussi d’une autre nationalité, se demandait le Canada
anglais? Pour temporiser, il avait fallu à madame Jean trouver une solution qui
puisse remédier à la situation. Le décret, qui prononce la libération de
l’allégeance de Michaëlle Jean à l’égard de la France, semble lui avoir permis
de quitter la nationalité française, pour mieux la retrouver un jour!
DEMANDER À ÊTRE LIBÉRER DE SA NATIONALITÉ
nationalité, elle peut
demander à perdre la nationalité française en présentant une demande de
libération de liens d’allégeance selon les dispositions de l’article
23-4 du
Code Civil. Il s’agit de la forme la plus rare pour la perte de la
nationalité
française. Ce système est aussi le moins
formaliste et le plus rapide. Il n’est utilisé que dans des cas spéciaux
ou
pour des personnalités. Le gouvernement dispose d’un pouvoir
discrétionnaire,
c’est-à-dire qu’il n’est pas obligé d’accorder la perte de la
nationalité
française. Michaëlle Jean, qui devrait quitter son poste sous peu.
Redeviendra-t-elle française facilement? On peut le penser!
UNE MAISON EN FRANCE POUR RETROUVER SA NATIONALITÉ
La
procédure réciproque de la
libération
d’allégeance est une demande de réintégration
dans la nationalité française, qui est à la seule discrétion du
gouvernement français. Elle suppose que dans le passé, la
personne ait eu la nationalité française. Elle est très facile dans le
cas de
la libération de liens d’allégeance. Les seules conditions sont d’avoir
une bonne raison pour avoir présenté
cette demande, d’être en bonne santé, loyal, de bonne moralité et de
disposer
d’une adresse de résidence en France à la date où le décret de
réintégration de
la nationalité française est prononcé par le gouvernement.
UN
ALLER-RETOUR DANS LA NATIONALITÉ FRANÇAISE
Un
aller-retour dans la nationalité
française est facile en
cas de libération de liens d’allégeance. La formulation en ancien
français est
un indice du caractère totalement discrétionnaire et exceptionnel de
cette
procédure. Il paraît vraisemblable qu’un accord occulte ait été négocié
entre
deux États pour réintégrer avec faveur une personnalité ayant exercé une
fonction publique prestigieuse comme celle de gouverneure générale. Il
s’agit
presque d’un congé de nationalité plutôt que d’une perte définitive.
Qu’est-ce
qu’un lien d’allégeance? Que signifie vraiment en être libéré? Dans les
autres
procédures concernant les personnes qui sortent de la nationalité
française, on
parle de perte, de retrait, de déchéance ou de répudiation de la
nationalité
française. Le choix des mots est ici important pour caractériser
l’esprit de
chacune des procédures. Se poser cette question est un devoir
journalistique
légitime.
* LE MÉCANISME JURIDIQUE EST LE SUIVANT :
« article 23-4 du Code Civil : Perd la nationalité
française le Français, même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est
autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement Français, à perdre la qualité de
Français. Cette autorisation est accordée par décret ».
« article 23-9 : La perte de la nationalité
française prend effet :…3) Dans le cas prévu aux articles 23-4,…à la date
du décret ».
« article 53 : Toute demande en vue d’obtenir l’autorisation
de perdre la qualité de Français en vertu de l’article 23-4 du code civil est
adressée au ministre chargé des naturalisations ».
Source : oieblanc.com