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Un mesrine loin du mythe

J’ai dérogé à cette règle pour L’instinct de mort, l’autobiographie du criminel Jacques Mesrine, afin de mieux connaître l’homme derrière le mythe avant la projection. De fait, j’ai été surprise de ne rien voir dans le film Mesrine : L’Instinct de mort sur l’enfance du criminel brillamment incarné par Vincent Cassel. Le réalisateur et scénariste Jean-François Richet nous livre les clés de
ce personnage mythique en deux touches : son passage dans l’armée
pendant la guerre d’Algérie et sa conviction que son père avait
collaboré avec les Allemands pendant l’occupation de la France.

Cette première partie du diptyque (la suite, intitulée L’ennemi numéro 1,
sort en salle le 27 août) raconte également son procès pour le meurtre
d’Évelyne Le Bouthilier, au terme duquel Mesrine fut acquitté, en 1971. En enlevant ces épisodes, la « voix » de Mesrine disparaît, celle pourtant
bien présente dans son autobiographie. Et en délaissant cette voix
revendicatrice, cynique et dure à l’endroit de la société, Jean-François
Richet amoindrit l’attrait du personnage. Si la démarche peut être compréhensible — aucun besoin de glorifier un
homme somme toute malfaisant — elle n’en demeure pas moins regrettable.

La présentation, elle aussi, laisse à désirer. Quoi de plus simple que
de tomber dans la narration chronologique? Dommage que ce soit
l’approche retenue, car on se souviendra de la manière dont Ian Lauzon a
construit, avec succès, son « biopic » sur Robert Piché. Si, avec les meurtres, les braquages, les cambriolages, on voit un
Mesrine violent et dur, et si, au travers de ses coucheries, on observe
l’homme à femmes irrésistible, on peine à comprendre la nature et les
contradictions de ce bandit hors norme. L’instinct de mort brosse de Mesrine un portrait à gros coups de pinceau, plutôt que de saisir les détails qui en font un criminel légendaire.

Les prestations des acteurs, elles, peuvent être louangées. Vincent
Cassel incarne si bien Jacques Mesrine, qu’on oublie bien vite qu’on
regarde l’acteur du Pacte des loups. Si j’avais peur de Gérard Depardieu en Guido, j’ai rapidement laissé
tomber mes préjugés, lui trouvant une dimension « maléfique » que je
n’avais pas sentie dans le livre. Roy Dupuis est, comme à son habitude,
convaincant en Jean-Paul Mercier, le criminel québécois qui  fut
l’acolyte de Mesrine lors de son passage chez nous. Roy Dupuis écrivait, à propos de Mercier dans L’instinct de mort : « Nous avons la même manière de voir les choses ».

Ce rapport d’égal à égal est clairement établi dans le long métrage.
Globalement, L’instinct de mort n’est pas un mauvais film, mais
il n’est pas à la hauteur du mythe du personnage, ce qui,
malheureusement, nous laisse sur notre faim.

Source : Canoë