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Bye bye locataires!

Le 27 juillet demeurera à jamais comme un
jour férié dans ma vie personnelle. C’est à cette date toute récente que je
suis passé chez le notaire pour divorcer de ma carrière de propriétaire en
vendant le dernier triplex qui me restait, outre celui où je demeure. Avec ce
dernier immeuble (sauf un mal dégrossi) je n’avais pas trop de problèmes avec
mes locataires. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Je pourrais dire qu’à
certains égards, même si le mot est galvaudé, j’ai vécu l’enfer.

UN PREMIER IMMEUBLE

C’est un vieux notaire à la retraite de ma
connaissance qui m’avait dit « Daniel, toutes ces années où tu as été à
Radio-Canada, tu n’étais pas un grand épargnant. Il faudrait que tu penses un
peu à ta retraite. Avec l’équité sur ta propriété actuelle, tu pourrais faire
l’acquisition de deux ou trois immeubles. Tu feras une bonne affaire à la
revente. Et crois moi, il n’y a pas un domaine qui ne rapporte autant que
l’immobilier. Le truc, c’est de ne pas payer trop cher à l’achat. Le reste, ça
va tout seul. La valeur va toujours aller en augmentant ».

C’est un
discours semblable que vous allez également entendre d’un spéculateur, d’un courtier
hypothécaire, d’un agent immobilier pas trop professionnel. En réalité, sauf
dans certaines situations que j’expliquerai plus loin, il n’y a pas tant
d’argent que ça à faire. Même que tu en perds. Je m’embarquai donc pour
l’acquisition de deux triplex dans le quartier Ville Émard, l’un rue Beaulieu
et l’autre sur le boulevard Monk, presque en parallèle.

CE QU’ON NE VOUS DIT PAS

Il y a une chose qu’on oublie de vous
mentionner, c’est le matériau humain qui fait toute la différence. Des
locataires, ce n’est pas juste de les voir chaque premier du mois pour
percevoir le loyer (devenu maintenant un défi), mais ce sont des gens que vous
faites entrer dans votre vie. Pour lesquels vous êtes le gros capitaliste de
proprio qui ne veut rien faire pour eux et juste « collecter » le
loyer. Ils paient un loyer? Ils vont vous en demander pour l’équivalent de
trois. À un moment donné, j’ai eu jusqu’à sept locataires. Moi qui, avant de me
lancer dans l’aventure, je ne savais à peine les tenants et aboutissants d’une
hypothèque.

J’ai appris à la dure ce que c’est que les rapports proprio et
locataire. Je peux dire qu’en rotation, j’ai dû faire face à une douzaine
d’occupants. Ils m’ont fait beaucoup gratté l’épiderme, j’ai eu des envies de
meurtres en série, j’ai subi l’ablation de la vésicule biliaire pour cause de
cholestérol grimpant se transformant en d’innombrables filaments pierreux. Et
quoi encore. J’ai été au prise avec un plombier qui te dit (ah! les c….) :
« Monsieur Rolland, je veux vous prévenir qu’étant donné que c’est samedi
soir de Pâques, la première heure est à 300 $ ».

Des voleurs au même titre
que les vétérinaires et les dentistes. J’ai vu des tuyaux de plomberie éclater
pour cause de froid extrême, des blattes causées par des locataires si bestiaux
que l’exterminateur a renoncé, me disant que si ces gens continuaient à être
malpropres, comment lui, pouvait venir à bout des petites bêtes. Et la Ville
qui vous accuse, VOUS le proprio, d’insalubrité. J’ai vu les banques se servir
de généreuses pénalités entre 9 et 12 000 $ parce que j’avais vendu avant
l’échéance.

En plus des enfants maltraités pour lesquels j’appellerai la
police, des graffitis sur ma toute nouvelle porte de garage à peine installée,
etc. Et je vous résume, car ce serait beaucoup trop long. J’aurai d’ailleurs
l’occasion de raconter le tout par le menu au printemps prochain. Journaliste
depuis quarante ans, je suis loin d’être un naïf. Je pensais avoir tout connu
sur la nature humaine. Eh bien non! J’étais dans le néant. C’est pire que tout.

LA RÉGIE DÉPASSÉE

Sur papier, la législation de la Régie a pas
mal prévu toutes les éventualités. Mais les petits malins de locataires en
connaissent un rayon sur les failles du système qui permet de vivre en riant,
sans soucis, sans jamais rien débourser. Le Québec est un des rares endroits de
la planète où vous pouvez vous balader de trois mois en trois mois, d’un
logement à l’autre, sans jamais payer de loyer. Et essayez, pauvres
propriétaires, de réclamer votre dû une fois que la Régie vous a donné raison!
Ils ne sont pas solvables pour la majorité. Court toujours, bonhomme. Et les
enquêtes de solvabilité, bien qu’elles soient un indicateur, ne vous mettent
pas à l’abri des mauvaises surprises.

Mon compagnon de toujours a cette pensée
délicieuse : « On ne connaît quelqu’un que demain, encore mieux le
surlendemain ». Méfiez vous des crâneurs qui vous arrivent en vous
disant : « Monsieur, je vous règle deux mois de loyer à
l’avance ». Cela risque d’être les deux seuls mois de loyer sur leur bail
de douze mois. Et si ce sont des gens sur l’aide sociale, lorsqu’ils prennent
la poudre d’escampette, bonne chance pour les retracer. Le gouvernement sait
leurs nouvelles adresses, mais ne les fournira pas pour faire valoir vos
droits, car les dossiers sont confidentiels. Vous ne saurez rien. Donc Québec
protège les Bougons de tous poils.

LES RARES CONDITIONS POUR FAIRE DE L’ARGENT

Si vous avez la main bricoleuse, vous ne
dépendrez plus des professionnels coûteux de la rénovation. Vous achèterai une
maison dont vous connaissez les failles, vous ne la paierai pas trop cher et
vous passerez vos weekends à rafistoler. À la revente, ça risque d’être
intéressant. Ou une occasion bénie genre une veuve qui ne connaît pas trop son
bien, et qui doit vendre, parce qu’elle emménage dans un foyer pour personnes
âgées. Le deal en vaut peut-être la
chandelle. Ou vous avez hérité d’une ou de jolies propriétés. Si elles ne sont
pas trop hypothéquées, vous passerez à la caisse.

Mais si vous êtes un pauvre
travailleur qui avez amassé de peine et de misère votre mise de fond, ne
disposez pas de « cash flow » et que vous savez à peine épeler le mot
marteau, préparez vous à vivre d’envoûtantes aventures dignes d’un film gore. Et ne pensez pas que seuls les gens sur le BS sont les pires locataires.
Erreur, même la Corpiq, (un regroupement de propriétaires) se fait rassurant.
Il y a de bons payeurs parmi eux. De toute façon, on n’est pas des caves. Avec
leur maigre chèque d’assistance, il faut bien des combines et ils s’avèrent
donc débrouillards.

Mais si vous tombez sur une petite bourgeoise, comme ça
m’est arrivé, elle va toujours s’adresser à vous avec la litanie des règles de
la Régie par cœur. Et la phrase commencera toujours par : « Écoutez
M. Rolland… » Et c’est le lundi une demande de changer la vitre parce
qu’il y a une fissure microscopique qu’elle a vu, elle. Le mercredi suivant,
c’est une porte un petit peu difficile à ouvrir; qui vous balance son sceau
d’eau du haut du troisième et qui va gentiment appeler le service d’urbanisme
de la Ville parce qu’elle s’est rendue compte que le marchepied de béton au bas
de l’escalier n’est pas conforme à la réglementation.

Et en prime, affligée de
tocs, luttant à perpète contre les acariens, Madame passait l’aspirateur à
minuit en brassant les meubles tel un tsunami. Je m’arrête, j’en ai pour 450
pages.  Et imaginez si vous tombez sur des revendeurs de vous savez quoi!
Pour vous donner un exemple, au poste de police de l’arrondissement de Verdun,
on est conservateur en disant qu’il y a trois points de vente par rue…

UN SAUVEUR

C’est mon agent immobilier Michel Bisson, un
pro doublé d’un humaniste qui s’est pris de compassion pour moi. Déjà
propriétaire d’expérience, il s’est offert pour acheter mon dernier immeuble.
Il voyait bien que je n’avais pas la couenne. Je lui dois une fière chandelle.
Pourtant j’avais pris des renseignements auprès de vétérans propriétaires. Ils
ne m’avaient pas parlé en termes d’horreur. Seulement on m’avait prévenu que
c’était une question d’endurance. Eh bien après un peu plus de trois ans, avant
de me retrouver à la Une du Journal de Montréal pour avoir abattu un locataire,
j’ai préféré tirer ma référence. J’ai pu empocher quelques billes. Mais j’ai
surtout fait mon doctorat sur la société québécoise. Et laissez-moi vous dire
qu’il n’y a rien d’édifiant. Je savoure maintenant ma liberté 55. 

Les
opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement
celles de lametropole.com.