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Les chauffeurs de taxi font si pitiÉ

On crie au désespoir, parce que les autobus de la ligne 747
leur ont enlevé de la clientèle vers l’aéroport. Les Bixi leur font de la
concurrence sur les courts trajets. Le client se fait rare et il y a trop de
taxis en circulation. Mais mes chers chauffeurs, du haut de ma tribune, je vous
dis que vous êtes les artisans de votre malheur. D’abord, prendre le taxi,
c’est trop cher, presque un luxe. Écoutez; le compteur démarre à 3,60 $, et
t’as pas fait deux coins de rue que t’es rendu à 5 $. Et il faudrait que les clients
se précipitent.

Messieurs, les clients sont déjà cassés comme des clous. Vous
réclamez vous-mêmes des augmentations au compteur, parce que vous dites que
c’est ainsi que vous allez rencontrer l’augmentation de l’essence à la pompe.
Mais êtes-vous capables, mes petits cocos, d’absorber cette hausse? Exemple :
je préférerais faire 15 voyages au tarif d’avant, ça fait tout de même des
rentrées, plutôt que d’attendre au stand mon rare client avec les tarifs
actuels. Autre exemple, vous criez comme des putois après la ligne 747 de la
STM. Avec elle, le trajet coûte 7 $ pour aller à l’aéroport.

Vous autres, votre
tarif fixe est de 38 $! Il fait quoi, le client, quand il doit compter ses
cennes noires? Me semble que la logique économique est de prendre le bus. D’autant
plus que les compagnies aériennes  pénalisent tellement, quand vous avez
des excédents de bagages. Alors à votre place, je demanderais à l’instance qui
régularise la tarification d’abaisser le voyage à l’aéroport à 15 $ seulement.
Vous allez voir la différence. Et je connais encore pas mal de monde qui
opterait pour le taxi, car ce n’est pas la majorité qui aime s’entasser dans un
autobus. Une petite voiture, ça fait du bien à l’arrière-train.

ON MASQUE SES AVOIRS

Un ancien cadre supérieur d’une importante flotte de taxi
m’a dit, il y a deux ans, à mots couverts : « Vous n’entendrez jamais
un chauffeur de taxi se vanter à un client qu’il fait de l’argent. C’est
logique, il risquerait de se faire attaquer. Puis, la plupart gagnent encore
très bien leur vie ». Les compagnies aussi. Diamond a injecté 2 M$ pour
équiper ses voitures de GPS. Si ça n’était pas rentable, le taxi, on
n’investirait pas tant, mettons.  Et j’ajouterais qu’ils doivent la gagner
assez bien car beaucoup de chauffeurs, et ce n’est pas seulement moi qui le
dis, sont de sacrés paresseux.

Deux petits exemples puisés dans ma riche vie
personnelle. Cela se passe à la Place Alexis-Nihon. Je viens de faire l’achat
d’une tondeuse à gazon et d’un coupe-herbe. Ce sont des charges assez lourdes.
Un employé de Canadian Tire, tenez-vous bien, octogénaire, vient me conduire à
l’extérieur du centre commercial avec un chariot. Le vénérable monsieur a fait
sa carrière à des postes supérieurs dans l’hôtellerie. Chemin faisant, il me
dit (parlant des chauffeurs en grande conversation au stand situé à quelques
mètres) : « Vous allez voir, ils ne se bougeront pas le cul. Ils
attendent que nous allions les rejoindre ».

Je lâche sur-le-champ un grand
cri digne du commandant de la Garde du royal 22e régiment : « C… y’en
as-tu un de vous autres pour moi? » Le premier chauffeur, lentement, monte
à bord et s’approche. Je lui fais le reproche de ne pas se précipiter vers le
client. Et je me contrefous des accusations de racisme, mais c’est un homme d’origine
arabe et dans cette culture, on vous élève dans le culte de l’arrogance (les
enfants étant des merveilles nées). Il me dit : « Oui mais Monsieur,
je prends un risque en quittant ma place. Moi, je n’ai pas l’appareil pour les
cartes de crédit. Si vous me payez comme ça et que je ne peux pas, je viens de
perdre ma place ». Donc, dans sa logique, je dois laisser mes bagages,
venir le trouver et m’informer! Paresseux, vous dis-je.

Et pas plus tard qu’hier, je vais livrer mes 53 chemises – à
manchettes françaises s.v.p. – chez le nettoyeur. Quand il fait beau, je prends
l’autobus qui me mène directement. Le taxi demeure hors de ma portée. Mais vous
avez vu ce crachin toute la journée. Je me suis dit, payons-nous le luxe d’un
taxi. Un trajet de cinq minutes. Total : 7,50 $. Ayoye! Mais quand je suis
descendu de chez moi, j’avais trois gros cabas en toile. Le chauffeur m’a vu
venir. Il ne s’est même pas donné la peine de descendre de voiture pour me
prêter main forte. Il a fallu que je tambourine dans la fenêtre pour qu’il
ouvre son coffre arrière.

Rendu à destination, la propriétaire du nettoyeur,
qui m’a vu venir, était choquée de voir que le chauffeur ne s’était même pas
donné la peine de prendre l’initiative de me donner un coup de main. « Y
sont-tu paresseux! » m’a-t-elle dit. Me semble, que lorsque tu veux
VRAIMENT des sous, tu t’organises pour donner du service. Si tu es affable avec
le client, il y a des chances qu’il te gratifie d’un généreux pourboire. À
moins que, comme hier, ils craignent les pluies acides. Pour atténuer mon
propos sur les Arabes, de crainte qu’on me taxe de xénophobie, je dirais que de
leur côté en général, ils compensent par une assez grande courtoisie. Question
d’orgueil. Et j’ai même vu l’un d’eux, faisant erreur sur le trajet, me prier
de garder mes dollars, car il reconnaissait que c’était à lui de connaître le
trajet.

Quand aux Haïtiens omniprésents dans l’industrie (ils ont fait
d’immenses progrès dans la connaissance des rues, mais leur naïveté en toutes
choses les porte à être un peu indolents (je vous évite le dictionnaire : indolent, qui évite de se donner de la
peine, qui agit avec mollesse). Au moins, ils compensent par la belle musique
créole dans leur bagnole et pour eux, tout est toujours beau. Des
indécrottables optimistes. Ce ne sont pas eux qui se plaignent le plus. Ils
sont de bons travaillants. Mais les NÔTRES de souche, ils ont démissionné du
travail depuis bien longtemps. Et là-dessus, je donne raison à Lucien Bouchard
à 300 % (lui, le travail l’avantage, c’est au moins 400 $ de l’heure).

ET LE TRAVAIL DE NUIT

Les chauffeurs qui travaillent de nuit ajoutent leurs
plaintes à leurs collègues de jour. Je comprends donc, il n’y en a plus, de
night life. Montréal est devenue un immense Laval. Prenez samedi soir.
J’attends mon autobus à la ligne 107. Personne dans les rues. À l’arrêt, il y a
un beau vieillard droit dans son costard qui me fait remarquer comme c’est beau
Montréal! Je lui réponds, sur un ton goguenard à la Isabelle Huppert un peu
chiante : « Trouvez-vous? » Et lui d’enchaîner, pointant en
direction de l’immeuble des Cours Mont-Royal, emballé qu’il est par les beaux
éclairages de l’édifice.

« Mais mon cher Monsieur, rétorquais-je. Vous
avez 72 ans. Vous ne vous vous rappelez donc pas que c’était l’édifice de
l’Hôtel Mont-Royal, 1000 chambres, avec la belle salle à manger du Normandie Roof
et ses orchestres big-bang et du resto le Kon-Tiki? C’était autrement plus
vibrant que maintenant. Regardez; oui, c’est un joli immeuble, mais il n’y a
pas de vie. Me semble que dans le temps, les chauffeurs de taxi pouvaient aller
chercher des clients ». Le monsieur m’a avoué que j’avais raison. Que
toute sa vie il avait été boss boy dans de nombreux hôtels et qu’effectivement
ça swinguait.

« Et les chauffeurs de taxi, raconta-t-il, avaient toutes
sortes de petites combines. Ils touchaient des petits montants en vous amenant
voir des places à filles, ou jouer à la barbotte, les blind-pigs. Ils avaient des cotes sur les restaurants  où
pouvoir s’acheter de l’alcool et des drogues après les heures ».

Je m’aventure à poser une humble question : « Est-ce
que le monde de la nuit se serait purifié à ce point depuis? Y a-t-il, Messieurs,
de petits à-côtés possibles qui viendraient améliorer votre ordinaire et que
vous passeriez sous silence? Sinon, vous manquez alors totalement de
débrouillardise.

Les opinions
exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de
lametropole.com.

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