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Des fabriques de crÉtins

Je lis encore des histoires d’horreur sur les
professeurs de niveau collégial qui voient débarquer dans leurs classes des
élèves qui ont d’énormes lacunes en français. On a toujours autant de
dépressions chez les enseignants et on ne parle pas du décrochage qui atteint
des sommets stratosphériques au niveau secondaire. Quel gâchis. La
responsabilité, ou plutôt l’irresponsabilité, vient à égalité dans les deux
camps, les parents et les enseignants, qui ont démissionné depuis longtemps. Au
moment où je rappelle ce triste constat, vient d’atterrir dans mon courrier une
bombe.

C’est un livre intitulé « L’école de la honte », d’Émilie Sapielak, qui a été professeure
en France, où le phénomène est le même qu’ici, et qui n’en pouvait plus. Pour
donner le ton de cet ouvrage, qui vaut bien des films d’horreur, je reprends le
texte qui figure en quatrième de couverture. Une description de ce qu’est l’école
de maintenant : « C’est l’histoire d’un asile de fous où tous sont
malades et où chacun semble privé de la conscience de s’y trouver enfermé.
C’est l’histoire d’une usine d’éducation des masses où des enseignants hagards
s’échinent sur une chaîne de montage qui défile à un rythme endiablé.

C’est
l’histoire d’une école où les enfants ont cessé d’apprendre, une école que l’on
quitte ignorant et humilié. Entrez pour une journée dans l’enceinte d’un
collège. Découvrez l’antre de la bête, cette machine scolaire étouffante et
vorace, ce lieu de douleur et de régression. Élèves et professeurs, tous
prisonniers de règlements absurdes et de dogmes ridicules subissent son
implacable mécanique. Venez voir ce qu’elle fait d’eux ».

COMMENT VENIR À BOUT D’UN ENFANT ROI

Oui, c’est un
fait, que beaucoup de parents croient aimer leurs enfants, mais les laissent
tout faire. Le phénomène de l’enfant roi est bien connu. Sans compter les mères
sans-cœur qui ne nourrissent même pas leurs progénitures. Elles sont légions.
Et qui sont les premières à venir barber les professeurs en les apostrophant
d’un « mon enfant est merveilleux, vous ne savez pas vous y prendre
avec lui ». Avec l’installation de caméras, on viendrait faire basculer le
tout.

Désormais
l’enseignant, vidéo à l’appui, pourrait facilement répliquer : « Ah
oui! Il est merveilleux votre enfant. Eh bien regardez-le aller en classe.
C’est comme ça que vous l’avez éduqué? » Vous allez voir rabattre le
caquet de pas mal de parents. À mon avis, c’est certain que la présence de
caméras changerait la dynamique. Mais il y a un hic, aussi; l’élève qui
s’ennuie en classe parce que le professeur est lui-même ennuyeux (cause réelle
de décrochage, en plus de programmes inintéressants) pourrait exiger qu’on
montre sur film la façon de faire des enseignants.

Cela joue des
deux côtés. Et je ne suis pas sûr, connaissant les enseignants, souvent lâches
sur les bords, s’ils vont apprécier de se faire évaluer. Vous savez que c’est
un rare corps professionnel qui n’a pas voulu qu’on élève leur travail au rang de
profession reconnue par l’Ordre des professions, comme les dentistes ou même
les plombiers. Cela les exposerait à de possibles blâmes professionnels. Une
situation à laquelle ils ne veulent pas se voir soumettre. Mais revenons à ces
caméras qui sont rendues nécessaires.

Un peu comme dans
le film « La journée de la jupe » avec Isabelle Adjani, qui montre
des monstres en classe où tout enseignement est impossible; on avait des
preuves sur film de ce qui s’y passait. Faisons la même chose. Avec à la clé
que, si un élève était surpris « on camera » à faire de
l’indiscipline, il serait envoyé pour quelques jours dans une école de
redressement très sévère. Il y penserait deux fois.

UN SYSTÈME QUI N’A JAMAIS ÉTÉ VIABLE

D’abord le système scolaire, même avant que
la société soit aussi gangrenée qu’elle l’est maintenant, n’a jamais fonctionné
pour l’unique raison que l’aménagement d’une journée scolaire est contraire à
la biorythmie de chacun. Vous avez des élèves qui ont besoin de cinq heures de
sommeil, d’autres huit, certain douze. Ils n’arrivent pas en classe dans les
mêmes dispositions.

Le défi impossible du professeur est de capter leur intérêt
durant 63 minutes, alors que les études montrent qu’après 20 minutes s’installe
un déficit d’attention. Donc mission impossible. On mange mal dans les cafétérias, les livres
que l’on trouve dans les bibliothèques datent de trois générations,
l’architecture même des polyvalentes, notamment, fait penser à des centres de
détention, des blockhaus de béton avec des lucarnes près du plafond pour
laisser passer la lumière. C’est horrible. 

UN MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION HORS CHAMPS

Vous avez été abasourdi, il y a quelques mois,
quand l’ADQ a dévoilé l’organigramme monstrueux du ministère de la Santé. Ce
n’est rien. Vous n’avez pas encore vu celui du ministère de l’Éducation.
Incroyable! Tous des « penseux » payés à gros salaires pour réfléchir
si une année on fait des bulletins de fin de session avec des lettres, des
chiffres ou des appréciations de rendement. Puis, pas plus fin, un ministre de
l’Éducation par deux ans qui va vouloir des réformes.

Les élèves sont, et ils
le savent, des cobayes du n’importe quoi. Les écoles sont de véritables
machines à produire des incultes. Je me rappelle d’un jeune
auteur-compositeur-interprète que j’avais auditionné et qui me faisait part de
son amour de la poésie. Ça tombait bien, je venais tout juste de terminer une
biographie du « Prince des poètes », de Jean Cocteau. Le gars avait
vingt-et-un an et le nom de Cocteau ne lui disait rien. Et ce n’est pas parce
que c’était un con. Le jeune était, au contraire, allumé. C’est qu’à l’école,
il n’apprend rien.

LES UNIVERSITÉS DE L’ENNUI CHRONIQUE

Quand on pense qu’un syndicat important
d’enseignants rapporta l’an dernier que 45 % des profs avaient été victimes de
violences de la part des élèves. Il y a un maudit problème à la
« shoppe ». Je veux enfin terminer sur le merveilleux monde de
l’université. Des établissements qui se qualifient de haut savoir. Ah! Mes
amis. C’est rendu que pour devenir journaliste bien ordinaire sur une de nos
chaînes de télé, il faut un bac en communication. Voici l’absurde.

Dans le
temps des Joseph Keyssel, Roger Baulu et moi-même, tu te présentais dans une
salle de rédaction, tu exprimais vouloir faire le métier. On te disait « Va
t’asseoir, petit », et on te plaçait devant une grosse Underwood en fonte. Cigarette au bec et
tapant à deux doigts, tu devais improviser sur le thème d’un carambolage
monstre. Au bout de trois-quarts d’heure, tu remettais ta copie et si c’était
bon, on te serrait la main et « bienvenue parmi nous ». Aujourd’hui,
à l’UQAM et à l’Université de Montréal, tu dois te farcir des traités
complètement hermétiques (dommage, j’en n’ai pas un sous la main, vous ne
comprendriez rien).

Et au final, vous débarquez à TVA et vous écrivez comme me
l’a raconté un ami de la boîte, l’autre jour : « Guerre du golf »… Trois ans d’études pour un si petit résultat. Et quand je vois ces
universitaires rendus en fin novembre avec des montagnes de notes, des lectures
imposées, qui gobent café, cigarettes, chocolat noir cacao 80 % pour survivre à
cet abrutissement. Vous savez quoi? Une fois qu’ils auront le fameux papier
appelé bac, qui n’a de valeur que le papier sur lequel c’est imprimé, ils ne
voudront plus ouvrir un livre de leur existence.

Bonne rentrée scolaire à tous et
munissez-vous d’une bonne cargaison d’antidépresseurs et si vous n’en avez pas
les moyens, de quelques boîtes de Tylenol. Elles sont en spécial à la pharmacie
cette semaine. N.B. Si l’argent se promenait moins dans le
monde de la construction, peut-être aurait-on de quoi offrir gratuitement des
crayons et des calepins à nos jeunes…

Les
opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement
celles de lametropole.com.