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Les excellents vins de glace du quÉbec

Cela a néanmoins piqué ma curiosité et je me suis dit
qu’il fallait que j’aille voir sur place. Mon amie Mimi Vallée m’a mis en contact
avec Danielle Crevier, conseillère en développement touristique au CLD
Brome-Missisquoi, qui m’a pris rendez-vous avec cinq producteurs de vins de
glace. J’ai demandé à ma fille, qui termine ses études en tourisme, de
m’accompagner en qualité de photographe et nous sommes partis dans les beaux
chemins des Cantons de l’Est. Nous nous sommes arrêtés à Dunham, devant
l’impressionnant portail du Domaine des Côtes d’Ardoise, où nous attendait
Linda Barabé.

Le domaine fête ses trente ans. Ils produisent une jolie variété
de vins : en blanc le Riesling, le Seyval Carte d’or, la Maredoise; en
rosé Charmes et Délices, en rouge  Côte d’Ardoise et Haute Combe, en
vendanges tardives l’Or d’Automne et Douceur d’Ardoise. Ils ont des vins
fortifiés, méthode portugaise : l’Estafette Blanc et l’Estafette Rouge, et
naturellement les vins de glace, que nous sommes venus déguster. Pour
produire ce vin, le raisin est pressé à -15 °C et l’eau se concentre dans le
pressoir, à l’état de glace.

Le premier vin de glace que nous avons testé est le
Givré d’Ardoise Blanc, fait de Vidal. Il a une robe jaune paille très claire,  des arômes de miel, de caramel, de fruits
confits, d’abricot, de pamplemousse et de fleurs d’oranger. En bouche une belle
acidité fondue dans la douceur et une longue finale.  Nous avons dégusté ensuite le Givré d’Ardoise Rosé,
fait de Vidal et de Seyval Noir . Robe rose oranger. Parfums
d’agrumes et de cerise, de fruits confits, de mûres. Ample en bouche, avec
beaucoup de fraîcheur. Il joue avec vos papilles un concert joyeux de
sensations.

Nous avons terminé avec le Givrée d’Ardoise Riesling.
100 % Riesling. À l’origine, ils avaient une surproduction de ce raisin et ont
décidé d’en garder une partie pour faire du vin de glace selon la méthode
allemande, en fûts de chêne.  Robe dorée
aux reflets verts. Arômes de pin, de vanille, d’agrumes. En bouche, il goûte le
miel, l’abricot, les fruits confits. Il a une belle fraîcheur et une longue
finale. Linda Barabé nous a présentés à l’œnologue Jean Pierre
Paré, qui nous a fait visiter ses vignes, très bien entretenues.

Il nous a
expliqué que ce qui les différencie de la région du Niagara c’était l’hiver,
beaucoup plus rigoureux chez-eux, ce qui les oblige à recourir à la technique
du renchaussage, qui consiste à
recouvrir la base du plant et les bas bourgeons d’une butte de terre de 30 cm.
C’est la raison pour laquelle les allées mesurent 2 mètres entre les rangées de
vignes, la cueillette des raisins se faisant pratiquement au niveau du sol.  Le domaine Côtes d’Ardoise offre ses installations et des
services pour des événements familiaux et d’entreprise. Ils ont une
intéressante exposition de sculptures depuis dix ans qui s’appelle « Nature
et création ». Pour information : 450 295-2020.

Un  peu plus
loin se trouve le célèbre domaine de l’Orpailleur, dont le nom a été créé par
Gilles Vigneault. Nous avons été reçus par Charles Henri de Coussergues dans la
jolie boutique attenante au vignoble. 
Nous y avons admiré ses bouteilles : L’Orpailleur classique,
l’Orpailleur rouge, l’Apérid’or, La Marquise, la Cuvée Prestige Natashquan,
l’Orpailleur rosé, l’Orpailleur Cuvée spéciale vin gris, l’Orpailleur élevé en
fûts de chêne, La Part des Anges, l’Orpailleur Brut et bien entendu le Vin de
Glace 100 % Vidal blanc. Ce cépage est un hybride de Trebbiano et de Rayon
d’Or. Il s’adapte bien aux climats froids, a un taux élevé de sucre et un bon
niveau d’acidité.

Les cépages surmaturés sont cueillis fin octobre et placés
dans des filets au dessus des vignes jusqu’en janvier. Ils se dessèchent
lentement et perdent leur eau. Normalement, 100 kilos de Vidal devraient donner
80 litres de moût, mais par cette méthode on obtient à la pesée, à -10 oC,
12 à 15 litres de moût très concentré. Le bas de la vigne est renchaussé de
terre à l’automne pour protéger les plants du froid de l’hiver.  La vinification se fait en cuves inox.

Nous avons dégusté 
le Vin de Glace de l’Orpailleur millésime 2007. Belle robe dorée tirant
à vert.  Arômes d’abricot et de mangue.
En bouche l’approche est agréable, belle structure, saveurs de confitures de
pêche et de pétales de rose, beaucoup de fraîcheur mais un bel équilibre. Un
vin gourmand qui vous caresse les papilles et qui se termine par une finale
pleine d’élégance.

Nous sommes sortis admirer les vignobles qui s’étendent à
perte de vue. Nous avons remarqué des éoliennes. Monsieur de Coussergues nous a
expliqué que ce n’était pas exactement des éoliennes, mais des ventilateurs
géants avec lesquels il pouvait régler la température sur ses vignes et qui lui
avaient permis de sauver ses récoltes. 
Il nous a raconté qu’il venait d’une famille de vignerons du Sud de la
France et qu’il était arrivé au Québec à 22 ans, en 1982. Il a toujours pensé
qu’on pouvait faire du bon vin au Québec.

Ses voisins l’ont accueilli avec
gentillesse et voyant le sérieux avec lequel il travaillait ses vignes;
certains ont investi dans son entreprise. Sa production est vendue à 85 %  à la ferme. Aujourd’hui, il voit l’avenir
avec optimisme. Il nous a dit que si nous ne craignions pas l’hiver, il allait
nous inviter à assister au pressurage en plein mois de janvier. Son vin de
glace a reçu de nombreuses médailles d’or et d’argent. Tous ses vins sont
disponibles à la SAQ. Pour informations : 450 295-2763.

Un peu plus tard, nous sommes allés visiter le Clos
Saragnat à Frelighsburg, une propriété de 35 hectares sur le Mont Pinacle
appartenant à Christian Barthomeuf et à sa compagne Louise Dupuis.  La première surprise du visiteur est de voir
les vignes pousser à la verticale autour de poteaux de bois plutôt que sur des
fils de fer.  Je lui ai demandé comment il
faisait pour protéger ses vignes pendant l’hiver. « Nous taillons les ceps
à une hauteur d’une dizaine de centimètres et nous les recouvrons d’un petit
manteau de feutre », nous dit-il.

Depuis le tout début,  Christian
Barthomeuf et sa femme pratiquent une viticulture respectueuse de la nature.
Ils ont deux juments pour les aider dans l’entretien du terrain; des poules et
des oies ont été introduites pour éliminer les insectes et les mauvaises
herbes. Ils utilisent du compost de cheval pour augmenter la force vitale du
sol. Les principaux cépages cultivés sur leur vignoble sont le Vidal, le
Geisenheim, le Muscat NY, le Gewurtztraminer et le Gamay. 

Il nous a fait goûter à son vin de paille oxydatif
fait de Vidal et de Geisenheim, élaboré en cuves inox. Le vin est élevé sur lie
sans levures. Il a un goût boisé à cause des rafles. L’acidité et le sucre se
combinent de façon admirable. Nous avons aussi goûté à son Vin de glace millésime 2004,
élevé sur lie sans levures commerciales et vieilli en cuves inox. Le vin a pris
une couleur jaune caramel. L’acidité a fondu dans le sucre et donne un vin doux
intéressant. Christian Barthomeuf est surtout connu comme l’inventeur
du Cidre de glace, ce qui lui a valu des prix prestigieux. Pour informations :
450 298-1444.

Le lendemain, nous avons pris la route du Lac Brome et
nous nous sommes arrêtés à Brigham pour visiter le Vignoble de La Mission. Nous
y avons été accueillis par les sympathiques propriétaires Jean-Christophe Hirsch et
son épouse Myriam Goldstein. Il est originaire de la  région du Beaujolais et nous a raconté qu’il
s’est installé à Brigham, émerveillé par la liberté et l’espace. Il n’a jamais
eu l’intention de copier les vins de sa région natale, préférant produire des
vins québécois de terroir qui respectent la nature.  En six ans de travail acharné, il a réussi à
avoir 2000 plants de vignes qui produisent environ 20 000 bouteilles.Le but
prochain du couple est d’augmenter la production à 30 000 bouteilles pour
parvenir à une indépendance financière.

Pour arriver à faire du vin de glace,
ils font sur-mûrir le raisin sur paillis et de cette façon, ils en tirent
environ 4 000 bouteilles. Nous avons dégusté le Vin de Glace millésime 2008,
belle robe jaune or. Arômes de pin, de coriandre et d’abricot. En bouche,
l’abricot est prédominant, mais il y a aussi du miel, du pamplemousse et de la
pomme verte. Beaucoup de fraîcheur et un bel équilibre entre l’acidité et le
sucré. C’est un vin élégant, qui coule tout en finesse et qui a une longue
finale. Les vignes sont belles et bien entretenues. Les visiteurs
peuvent faire des visites guidées et avoir une dégustation gratuite ou faire un
pique-nique. Ce couple charmant vit avec ses deux filles en bas âge, qui
gambadent librement dans les champs. Pour informations : 450 263-1524.

Nous avons terminé notre périple par la visite du
Domaine Les Brome, propriété de Léon Courville. Nous avons rencontré Amélie Oustau. Le vignoble est grand, il a 70 000 plants de vignes. La
production est adaptée au climat québécois : ils retardent les récoltes
pour contrôler l’ensoleillement, recouvrent les vignes de filets à la fin de
l’été pour empêcher les oiseaux de manger la récolte, butent les pieds de vigne
à la fin de l’automne avec de la paille et les protègent avec des clôtures
spéciales pour que l’accumulation de neige protège les plants du froid.

La
plupart des cuves inox du domaine sont carrées pour économiser l’espace et les
frais de chauffage. Leurs vins de Réserve sont vieillis en fûts de chêne et
soumis au bâtonnage. Ils produisent deux vins de glace, l’un dans des cuves
inox et l’autre en fûts de chêne. À la dégustation, nous avons remarqué la
finesse et le boisé de ce dernier. Pour informations : 450 242-2665.

La route des vins a 120 kilomètres. Elle est jalonnée
de haltes où on peut déguster des vins et des produits du terroir. On trouve
partout de très bons restos, dont les prix sont très raisonnables. Le paysage
est beau et les vignobles produisent des vins qui sont d’une qualité comparable
à ceux de la région du Niagara et de la Colombie Britannique.  J’invite vivement mes lecteurs à prendre leur
voiture et à partir à la découverte de nos trésors vinicoles. Ils en seront
ravis!

SamyRabbat.com