Il y a avait une
certaine paresse dans les analyses historiques, qui se contentaient de
perpétuer que les années duplessistes étaient celles de l’obscurantisme le plus
crasse. Qu’il ne se faisait rien et que somme toute, nous faisions figure
d’arriérés. Attention! Nous allons remettre les pendules à l’heure. Aujourd’hui,
avec le recul, les historiens s’accordent pour dire que c’est avec Duplessis
qu’a débuté l’entrée du Québec dans la modernité. On disait de Duplessis qu’il
était contre l’instruction.
C’est pourtant lui qui a fait construire des
milliers d’écoles. Qui a créé le ministère de l’Instruction publique. Qui a
électrifié le Québec rural. Qui a fait asphalter des kilomètres de route. Et
quoi encore. Ce qui était étouffant, par contre, c’était l’omnipuissante Église
catholique qui elle, était une véritable dictature (et l’expression est
faible). Qui nous a stigmatisés à telle enseigne que les intellectuels
étouffaient et allaient se ressourcer souvent en Europe. Au point de vue
moral et intellectuel, le Québec était absolument invivable.
Et Duplessis, en
fin calculateur politique, se devait de s’allier l’Église pour s’assurer de son
maintien au pouvoir. C’est beaucoup plus lui qui mangeait dans la main des
évêques que le contraire, comme il aimait à se vanter. D’ailleurs, tout ses
discours étaient imprégnés de connotations religieuses. Seule ombre à son
tableau, il détestait les syndicats et se montrait d’une violence rare à leur
endroit. Et aussi a-t-il vendu nos richesses naturelles aux exploitants
américains pour une bouchée de pain.
Quand il est décédé, il faut se
souvenir que Duplessis était personnellement endetté, mais il a laissé à la
province de tels surplus financiers, que c’est Jean Lesage qui bénéficiera de
ce pactole pour entreprendre sa Révolution tranquille. C’est avec ce trésor
qu’il paiera fort cher aux communautés religieuses l’acquisition de bâtiments
pour ouvrir des collèges, des hôpitaux, des tronçons d’autoroutes sur leurs
terrains, etc.
AUJOURD’HUI C’EST
PIRE
Sous le règne
Charest, ce sera amusant de voir ce qui sortira quand se tiendra la fameuse
commission d’enquête sur la construction. Déjà, il y a de telles allégations
qu’on se croit ramenés à ce qu’on croyait avoir éliminé du champ politique. Les
infrastructures sont laissées à l’abandon et quand on se décide à les réparer,
c’est que nous sommes en danger de mort. On ne sait plus quoi faire de
l’éducation et le décrochage est hallucinant. De véritables usines à nigauds.
La lutte contre les syndicats persiste, même si elle ne vient plus du
gouvernement lui-même.
Pensez à Walmart et tant d’autres entreprises qui mènent
une lutte acharnée à la syndicalisation. Au prorata, en matière de pouvoir
d’achat, on est moins bien loti que du temps de Duplessis. À son époque, au
moins, un dollar valait un dollar; aujourd’hui, c’est de la monnaie de singe.
L’endettement sous Duplessis n’existait pas, puisque le crédit personnel ne se
pratiquait pas. Maintenant, c’est un gouffre. On l’a vu avant-hier, un taux
moyen d’endettement de 143 %. Même plus solvable pour une banque.
Sous Duplessis, on
avait un job qui permettait de faire vivre modestement sa famille. On naissait
et mourait presque dans la même entreprise. Mon oncle Ti-Pit a passé toute sa
vie à Noranda sur la rue Sherbrooke Est. Il avait un coquet petit bungalow de
vétéran rue Broadway, dans Montréal-Est. Son salaire permettait à sa femme et
ses quatre enfants de vivre convenablement. Maintenant, hommes et femmes
doivent faire deux ou trois jobs chacun pour joindre les deux bouts. Il n’y a
aucune qualité de vie.
Dans les années cinquante, la pauvreté existait, mais
les gens s’entraidaient. Maintenant, la solitude des québécois est effarante et
nous enregistrons les statistiques du pire, à commencer par le plus haut taux
de suicide au monde chez les jeunes. A l’ère de Duplessis, les jeunes enfants
déjeunaient. Aujourd’hui, ce sont des dizaines de milliers qui vont à l’école
sans rien dans le ventre. N’allez pas conclure que je suis passéiste et que
c’était meilleur dans le temps. Seulement, voyons ce qu’on appelle une société
bien sous tous rapports.
Eh bien les gens étaient plus heureux sous Duplessis
et en détresse sous Charest. Qui osera me contredire? Et pourquoi la série Mad
Men plaît tant au grand public québécois? Qui se passe pourtant dans les années
cinquante et soixante?