Naviguant à travers deux agendas, des notes autocollantes et des notes manuscrites pour appuyer ses déclarations, M. Lalande a affirmé que le collecteur de fonds lui avait exposé, pour la première fois en juillet 2003, les pressions qu’il exerçait sur M. Bellemare concernant la nomination des magistrats. Durant cette période, M. Lalande tentait d’obtenir un consensus sur un projet de réforme des tribunaux administratifs au sujet duquel M. Fava, à titre d’administrateur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), devait être consulté.
Selon M. Lalande, le collecteur de fonds libéral a profité de cette première rencontre sur ce projet, cher à M. Bellemare, pour exprimer ses préoccupations face aux rétiences du ministre à accepter ses suggestions pour des nominations à la magistrature. « [M. Fava] me dit qu’il collecte (sic) 1 M$ pour le PLQ », a dit l’ancien sous-ministre en lisant ses notes. Et il ajoute : « Marc Bellemare ne comprend pas qu’on a besoin de nommer nos amis à la Justice comme ailleurs. Ça foule (sic) aux portes après neuf ans d’opposition ».
Les agendas de M. Lalande, déposés en preuve, indiquent que M. Fava est revenu à la charge auprès du sous-ministre en août, puis en décembre 2003. Selon M. Lalande, le collecteur de fonds exerçait des pressions sur M. Bellemare, en échange d’appuis au projet de loi 35 réformant des tribunaux administratifs piloté par le sous-ministre associé. Comprenant que cette situation pouvait compromettre le dossier, M. Lalande, qui n’avait aucune responsabilité dans la nomination des juges, a tenté de parler à M. Bellemare lors de rencontres au cours de l’automne 2003.
Mais après avoir indiqué qu’il était au courant des demandes de M. Fava, le ministre refusait d’en discuter, a indiqué lundi l’ancien haut fonctionnaire, qui a claqué la porte du Conseil des aînés, l’an dernier, après un différend avec la ministre responsable Marguerite Blais. En mars 2004, lors d’un déjeûner en tête-à-tête avec M. Bellemare dans un restaurant de Québec, le sous-ministre réussit finalement à parler des pressions exercées par M. Fava. « C’est là qu’il m’a vidé son sac, a déclaré M. Lalande. Il ne m’avait jamais parlé comme ça ».
Selon M. Lalande, M. Bellemare a confirmé qu’il avait nommé MM. Simard et Bisson sous la contrainte, après en avoir parlé à M. Charest. « J’ai compris que le ministre était prêt à vivre avec les pressions qu’il y avait eu concernant la nomination de juges, parce que ce qui l’intéressait fondamentalement au ministère de la Justice, c’était pour la révision de la justice administrative », a dit M. Lalande. Le gouvernement a nommé MM. Simard et Bisson durant l’automne de cette année, puis Mme Gosselin-Després au printemps 2004, quelques semaines avant la démission de M. Bellemare, dont les allégations de trafic d’influence sont examinées par le commission.
Durant son témoignage, M. Lalande a aussi indiqué qu’une employée du cabinet de M. Charest, Chantal Landry, lui avait demandé de réviser des listes de renouvellement de mandats pour des membres des tribunaux administratifs. « Elle demandait simplement si j’y voyais des incohérences ou qu’une personne n’aurait pas dû bénéficier d’un renouvellement », a-t-il dit. M. Bellemare avait affirmé, dans sa déposition devant la commission présidée par Michel Bastarache, que Mme Landry était au centre des nominations gouvernementales et dans la magistrature.
En contre-interrogatoire, M. Lalande a eu du fil à retordre avec l’avocat André Ryan, qui représente M. Charest à la commission. Sans pouvoir se référer à ses notes manuscrites, autocollantes ou ses agendas, M. Lalande a été incapable de se souvenir d’une inscription datée du 7 août 2003, indiquant que M. Fava était revenu à la charge avec ses demandes lors d’une rencontre, pourtant évoquée plus tôt avec M. Battista. Par ailleurs, un organisateur libéral de l’Outaouais, Guy Bisson, est venu déclarer devant la commission qu’il avait fait part au ministre Norman MacMillan, après l’élection de 2003, de l’intérêt de son fils Marc Bisson, procureur de la Couronne, pour un poste de juge.
M. Bisson a affirmé que son fils avait posé sa candidature pour un poste de magistrat dans l’Outaouais en 2002, avant l’arrivée au pouvoir des libéraux, mais qu’il a ensuite été nommé à Longueuil à l’automne 2003, après l’élection de M. Charest au gouvernement. « J’ai dit [à M. MacMillan] que Marc avait postulé sur un poste de juge du district judiciaire de Hull, a-t-il dit. Et M. MacMillan m’a répondu que son expérience comme procureur chef de la Couronne jouait en sa faveur et que c’était une bonne chose qu’il y ait des ouvertures pour d’ex-procureurs de la Couronne ».