province la plus corrompue au Canada, titre en première page cette
semaine le magazine canadien. On y voit le Bonhomme Carnaval avec un
sourire imprimé dans son costume et une valise qui déborde d’argent. À
l’intérieur, un mini-dossier soutient que les institutions et la culture
politique du Québec en font la province la plus corrompue et ce,
depuis plusieurs décennies.
« On s’attaque à nos institutions, notre histoire, nos symboles […] Le
Québec bashing, ça va faire », lance la vice-première ministre du Québec,
Nathalie Normandeau.
Maclean’s a réagi par courriel. « Nous sommes conscients que
certains lecteurs jugent provocante l’illustration en page couverture,
mais nous pensons que nos articles devraient être lus et évalués en
fonction de leurs propres mérites journalistiques, en termes d’équité et
de crédibilité ». (traduction libre) Le Parti québécois fulmine tout en blâmant le gouvernement Charest. « Le
Québec récolte malheureusement ce que le gouvernement Charest a semé
avec tous ses scandales », estime Bernard Drainville, critique officiel
des Affaires intergouvernementales.
Il parle néanmoins lui aussi de Québec bashing. « Le texte ne dit pas
seulement que le Québec est corrompu. Il va jusqu’à dire que les
Québécois sont corrompus. Le raccourci est dangereux. Un des auteurs
(Andrew Coyne) utilise même le mot pathologique, comme si on était
génétiquement prédisposé à la corruption ». Selon lui, le dossier nuira au Québec. « Le problème, c’est
l’accumulation de critiques du genre. La semaine dernière, on nous
traitait de profiteurs parce qu’on veut de l’argent pour le nouveau
Colisée. Et la semaine précédente, c’était le premier ministre de
Terre-Neuve qui nous attaquait. Pendant ce temps, le gouvernement
Charest ne nous défend pas.
C’est parce qu’il a perdu l’autorité morale
pour le faire ». Il conclut : « Pour le bien du Québec, M. Charest devrait
réfléchir sérieusement à son avenir. Il est devenu un boulet pour le
Québec ». L’ADQ parle quant à elle de double standard. « Si on écrivait que les
juifs sont corrompus, on dirait que c’est du racisme. Si on écrivait que
les femmes sont corrompues, il y aurait un lobby pour s’élever contre
ça. Mais la facilité avec laquelle le Canada anglais s’attaque au Québec
est déconcertante », dénonce-t-elle.
RÉACTIONS À OTTAWA
À Ottawa, Gilles Duceppe a répondu à l’article par une question. « Les Canadiens sont-ils xénophobes? », demande-t-il. Il rappelle que quelques ministres de la Colombie-Britannique ont aussi
fait l’objet d’enquêtes policières et que le scandale des commandites
était « téléguidé » à Ottawa. Le lieutenant québécois du PLC, Marc Garneau, juge quant à lui l’article « choquant, sensationnaliste et divisif ». Habituellement sanguin, le maire de Québec, Régis Labeaume, est resté
laconique. Sa réaction : « On va les laisser vendre leur magazine ». Et le Carnaval de Québec? Il demande des excuses et le retrait en
kiosque du magazine. « Ils n’avaient pas le droit d’utiliser l’image de
cette façon, a indiqué son président Jean Pelletier. On leur a envoyé
une lettre aujourd’hui ».
LA THÈSE DE MACLEAN’S
Comme la page couverture, le texte de Martin Patriquin est dévastateur.
Il décline les scandales qui minent le gouvernement Charest : favoritisme
dans les garderies, corruption dans l’industrie de la construction,
salaire de 75 000 $ versé par le parti au chef, déboires des ex-ministres
Tomassi et Whissell et les « cinq amis ou anciens conseillers » de M.
Charest qui se sont joint à des entreprises ayant des intérêts dans le
gaz de schiste, peu avant que le Québec n’exploite la ressource.
Le gouvernement est dans « un état franchement désastreux », résume-t-il.
Et il va plus loin. Cette corruption endémique ne se limiterait pas au
gouvernement Charest. Elle puiserait ses racines dans nos institutions
et notre culture. L’auteur identifie deux principales causes : la question nationale et le
modèle québécois. Le clivage souverainiste/fédéraliste paralyserait le
débat, si bien qu’on se désintéresserait de la gouvernance. Et le rôle
de l’État dans l’économie (32 % du PIB, contre 25 % pour la moyenne
canadienne) nous rendrait aussi plus vulnérables à la corruption. Il
rappelle que construire une route coûte 30 % de plus au Québec que dans
le reste du pays, selon les chiffres de Transports Canada.
Dans un billet qui accompagne le texte de M. Patriquin, Andrew Coyne lie
la corruption à notre culture. Le commentateur se montre plus incisif
que son confrère. Il accuse notre héritage catholique et notre
« déférence face à l’autorité ». L’automne dernier, M. Patriquin avait signé un reportage sur Montréal,
qualifiée de ville « désastreuse, corrompue et infestée par la mafia »
qui « s’écroule ». Son magazine a l’habitude des coups d’éclat. Une
récente manchette se lisait ainsi : « Toronto stinks ».
Source : Canoë