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Des barriÈres aux infirmiÈres franÇaises

Que ce soit à l’urgence ou pour l’utilisation des plateaux techniques opératoires, le nombre d’infirmières qualifiées fait actuellement défaut. Voilà pourquoi la venue facilitée du personnel infirmier français est une perspective séduisante pour améliorer la situation de la santé au Québec. Mais tout est fait, semble-t-il, pour décourager les infirmières et infirmiers français attirés par les charmes de la Belle Province. État des lieux d’une polémique grandissante.

UNE FORMIDABLE ENTENTE ENTE LE QUÉBEC ET LA FRANCE

L’entente signée  le 30 juin 2010 entre l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec (OIIQ) et l’Ordre  national des infirmiers de France a été espérée par tout le Québec, alors que le nombre d’infirmières est insuffisant et à la veille d’une accélération des départs en retraite. L’Arrangement de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des infirmières (ARM) s’inscrit dans le cadre de l’Entente de mobilité conclue par les gouvernements de la France et du Québec.

CETTE ENTENTE RESTE LETTRE MORTE À CAUSE DES PESANTEURS BUREAUCRATIQUES

En novembre dernier, au salon infirmier de Paris, un stand représentait le Canada. Une longue file d’attente d’infirmiers et d’infirmières français voulait se renseigner pour venir y travailler. La majorité des candidats francophones étaient attirés par la Belle Province. Magalie, une jeune française, infirmière diplômée d’État, a attendu son tour. Lors de l’entretien qu’elle a eu avec une représentante du ministère de la Santé du Québec, la cause était entendue : « La représentation de la situation qui nous était faite était peinte en rose. Nous devions pouvoir exercer notre profession après une période d’adaptation d’environ deux mois. Il nous était annoncé que l’entente entre la France et le Québec nous dispenserait de tout examen. Notre compétence serait reconnue et nous pourrions exercer ici comme nous l’avions fait en France ».

Magalie a trouvé un poste au service de l’urgence pédiatrique d’un grand hôpital montréalais. Elle est arrivée au mois de mars dernier, comme une centaine d’autres jeunes professionnels français. Les premiers contacts ont été extraordinaires et l’insertion au sein des équipes s’est humainement et techniquement parfaitement passée.

LA FAUSSE REPRÉSENTATION

Mais au début de l’été, il a fallu déchanter. L’accord ne serait pas en vigueur avant deux ans, « contrairement aux fausses représentations qui nous ont été faites par le gouvernement du Québec, lorsque nous avons eu le contact à Paris », déclare Magalie avec colère et dépit. Cerise sur le sundae, la direction de l’hôpital lui a mis de la pression pour qu’elle passe l’examen de l’Ordre, ce qu’elle vient de faire. Sinon, on lui a annoncé que l’on se passerait de ses services. « Je ne suis pas du tout assurée de l’avoir réussi, puisque beaucoup de questions portaient sur des connaissance en dehors de ma pratique depuis 8 ans. Que va-t-il se passer si je n’ai pas réussi l’examen? »

En attendant, Magalie, comme plusieurs de ses confrères et consœurs français qui n’ont pas voulu donner leurs noms, ne se sent pas rassurée et envisage de repartir en France. « Nous avons un diplôme d’État en France et des années de pratique. On nous demande de travailler comme des candidats à l’examen du personnel infirmier (Cepi), comme de jeunes Québécois qui sortent du cegep sans aucune expérience. Cela veut dire que nous ne pouvons prendre aucune responsabilité, que nous devons être doublés par une infirmière québécoise diplômée pour la plupart de nos actes professionnels. Donc, nous ne servons à rien et ne renforçons pas les effectifs infirmiers du Québec. Par ailleurs, nous sommes payés sans tenir compte de notre expérience », disent-ils, très déçus de la situation.

LA FROIDEUR DES AUTORITÉS

Rolande Chartier,  coordinatrice du recrutement Santé du Québec, porte-parole du ministère de la Santé, conteste globalement ces témoignages. « C’est moi qui était à Paris. Je n’ai absolument pas indiqué à ces jeunes qu’ils seraient dispensés d’examen. Pour l’instant, la situation demeure la même que sans ARM. Tant que cette entente n’est pas en vigueur, les infirmiers français devront continuer à passer l’examen de l’Ordre professionnel. Il n’est pas possible de prévoir quand cet accord sera en vigueur. En attendant, les Français bénéficient d’un permis de travail transitoire. S’ils ratent l’examen, ils peuvent le passer 3 fois ».

Pour la présidente de l’Ordre, Gyslaine Desrosiers, l’Ordre a fait ses devoirs. « Nous venons de modifier notre règlement professionnel, qui entérine l’accord de l’ARM pour entrer dans la profession. L’étape suivante appartient à l’Offices des professions, c’est-à-dire au gouvernement. Cela n’est plus de notre responsabilité ». Madame Chartier croit qu’il faudra de 18 mois à deux ans pour l’entrée en vigueur de l’ARM. « Pour ceux qui ont plus de deux ans d’ancienneté en France, ils vont continuer de bénéficier d’un permis professionnel temporaire. Pour les autres, on ne peut pas faire grand-chose ».

LES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS FRANÇAIS SE SENTENT REJETÉS ET TROMPÉS

Les jeunes français sont outrés de la situation. « Nous ne serions pas venus au Québec si on nous avait annoncé qu’il nous faudrait attendre deux ans dans ces conditions ».  Ils demandent au ministre de la Santé Yves Bolduc d’écouter la présidente de l’Ordre, qui renvoie la responsabilité du déblocage de la situation au gouvernement. « Pourquoi faire venir des infirmiers français si on les rejette en les empêchant d’exercer leur profession normalement? », se demandent ces jeunes infirmiers, qui se trouvent piégés par la situation. Certains vont plus loin et accusent le gouvernement de leur avoir fait une fausse représentation pour les attirer au Québec.

LE SOUHAIT D’UN PLEIN ACCORD DE RÉCIPROCITÉ

Ils ont une dernière revendication. Tous les infirmiers et infirmières français sont diplômés d’État en France en ayant effectué, selon eux, un nombre d’heures de formation équivalent au baccalauréat universitaire québécois en sciences infirmières. Mais au Québec, on leur refusera la qualification d’infirmier bachelier lorsque l’ARM sera en vigueur. Ce qui va changer le cours de leur carrière, les responsabilités susceptibles de leur être confiées et leur rémunération! Les hôpitaux feront de grandes économies en payant comme infirmiers collégiens des équivalents bacheliers français dotés de dix ans d’expérience, souvent spécialisée.

Or selon l’accord mutuel, seuls les infirmières et infirmiers bacheliers québécois pourront bénéficier de l’ARM en France. Ce qui veut dire implicitement que les Français considèrent que le baccalauréat universitaire québécois est l’équivalent du diplôme d’État français. « Il y a manifestement une totale absence de réciprocité dans la prise en compte de nos compétences au Québec », disent-ils.

Le Québec semble tout faire pour rejeter les infirmières et les infirmiers français!

ORDRE DES INFIRMIÈRES…