« On vit dans une société libre, a-t-il dit lors d’une conférence presse. Les gens peuvent toujours choisir d’aller devant les tribunaux. Est-ce que c’est des contestations qui vont réussir, notre point de vue à nous, vous le connaissez: le dépôt du projet de loi met un terme à la démarche commencée en 2006. » Il y a plus de quatre ans, après avoir reçu l’autorisation de Québec, la STM avait amorcé des discussions avec Bombardier afin de s’entendre sans appel d’offres avec l’entreprise québécoise. Les contestations de la compagnie française Alstom ont mené à la création du consortium.
Devant des dizaines d’employés de Bombardier réunis dans le vaste atelier de leur usine où il a fait son annonce, M. Charest a tenté de minimiser les soubresauts et délais qui ont caractérisé la démarche d’entente de gré à gré initiée par le ministre Claude Béchard, décédé le mois dernier, avec l’entreprise installée dans sa cironscription. « Il y a eu plusieurs recours devant les tribunaux, a-t-il dit. C’est le genre d’affaire qui se prête à des contestations, ce qui est tout à fait normal. »
Dans le cadre de cette entente de gré à gré qui fait l’objet du projet de loi spécial, le consortium Bombardier-Alstom facturera 2,6 millions $ par wagon, ce qui correspond au « juste prix » établi par des experts, a indiqué le premier ministre. L’entreprise espagnole Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) a affirmé lundi qu’elle pourrait renouveler la flotte du métro montréalais en construisant des voitures à 1,5 million $ la pièce, une hypothèse accueillie avec scepticisme par M. Charest. « Sur les prix, il faut faire attention, a-t-il dit. Je constate comme vous qu’il y a des prix qui ont été évoqués dans les derniers jours qui ont beaucoup varié dans l’espace de 24 heures, a-t-il dit. Quand ça arrive, je pense qu’il faut faire une analyse plus sceptique. »
CAF, qui souhaitait participer à un appel d’offres de la STM, a mis en relief les contradictions dans les positions de M. Charest, qui s’est fait le chantre d’un projet d’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, ce qui ne l’empêche pas d’adopter une loi pour favoriser le consortium. M. Charest, qui ne s’est pas ému d’éventuelles critiques, a plutôt fait l’apologie des retombées économiques dont profitera le Québec, ainsi que le Bas-Saint-Laurent, puisque l’entente permettra le rappel de 400 employés de Bombardier, pour un effectif total de 775 personnes.
« La décision que le Québec prend sera perçue comme normale par d’autres gouvernements qui prennent des décisions similaires », a-t-il dit. La semaine dernière, le ministre des Transports, Sam Hamad, avait reporté d’une semaine le lancement d’un appel d’offres de la STM afin d’en arriver à une entente avec le consortium. Il avait invoqué l’urgence de renouveler les voitures vieillissantes du métro. Les plus anciennes, qui seront remplacées grâce au contrat annoncé mardi, ont été construites en 1963.
Mardi, dans la circonscription de Kamouraska-Témiscouata, où une élection complémentaire se tiendra bientôt à la suite du décès de M. Béchard, M. Hamad a insisté sur l’audace du gouvernement. « Je suis particulièrement fier de mon premier ministre et de mon gouvernement d’avoir pris une décision aussi courageuse qui arrive à temps pour augmenter les retombées économiques au Québec », a-t-il dit. À Québec, les partis d’opposition ont accueilli prudemment l’annonce des libéraux et réservent pour plus tard leur position finale quant à l’adoption de la loi spéciale qui, selon le gouvernement, viendrait sceller l’entente avec le consortium.
Durant la période des questions, le Parti québécois a réclamé les avis juridiques qui permettent à M. Charest d’assurer que cette entente sera la bonne. « Le premier ministre doit agir aussi de façon responsable et doit nous donner la garantie que ne se répétera pas le cafouillage que nous avons connu durant les quatre dernières années et qui étaient de sa responsabilité », a déclaré la chef péquiste Pauline Marois. Affirmant que le gouvernement ne partage pas ce genre d’information, M. Charest a tout de même déclaré que le débat sur la pièce législative, qui devrait être déposée mercredi, permettra d’en savoir plus.
« Vous voterez pour, vous voterez contre, mais vous ne pourrez pas faire les deux à la fois », a-t-il lancé aux députés de l’opposition. L’Action démocratique du Québec s’est montrée très sceptique, son chef Gérard Deltell réclamant des consultations particulières, qui inclueraient notamment CAF, afin de déterminer si le projet de loi doit être adopté. « Pour la première annonce, qui a été faite il y a quatre ans, le premier ministre, le gouvernement libéral parlait d’une entente béton, d’un avis juridique qui était béton, que c’était blindé, et, finalement, ce ne l’était pas », a-t-il dit, lors d’un point de presse.