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Contrat accordÉ sans appel d’offres ? !

La pièce législative, présentée en Chambre par le ministre des Transports Sam Hamad, doit conclure l’acquisition des 468 wagons, une transaction estimée à 1,2 G$ annoncée mardi par le premier ministre Jean Charest. Très concis, le projet de loi rédigé en six articles stipule qu’aucune « action en justice ne peut être intentée ou continuée contre la Société de transport de Montréal ou le procureur général pour des actes accomplis entre le 31 juillet 2008 et (une date qui reste à préciser) concernant l’acquisition projetée de voitures de métro ».

Le gouvernement a proposé une procédure exceptionnelle pour une adoption rapide mais en fin de journée mercredi, des étapes restaient encore à franchir avant de savoir quand ce sera possible. Mardi, en annonçant le projet de transaction, M. Charest s’est défendu de contrevenir aux règles de commerce international en accordant le contrat sans appel d’offres. Le gouvernement de l’Espagne a cependant écrit au gouvernement du Québec pour se plaindre du traitement réservé à Construcciones y Auxiliar de Ferrocariles (CAF), une entreprise espagnole qui avait été invitée à soumettre une proposition dans le cadre d’un appel d’offres annulé par la STM.

Un porte-parole de CAF, Philippe Roy, a déclaré mercredi que le projet de loi 116 était actuellement étudié par les avocats de l’entreprise. M. Roy a affirmé que l’entreprise espagnole, qui soutient pouvoir accomplir le contrat pour 655 M$, avait désormais la volonté d’aller devant la justice. « Il y a une volonté de la part de CAF de poursuivre, mais reste à voir de quelle façon ça va se faire », a-t-il dit. Avant le dépôt du projet de loi, mercredi, le ministre du Développement économique, Clément Gignac, a répété que la Société de transport de Montréal, qui doit faire l’acquisition des voitures, défrayée à 75 % par Québec, n’est pas soumise aux règles du l’Organisation mondiale du commerce.

M. Gignac a cependant été incapable de dire pourquoi, si ces dispositions sont si claires, le gouvernement sent le besoin de se prémunir contre toute poursuite avec un blindage législatif. « On doit bouger, ça fait longtemps qu’on tergiverse, a-t-il dit. Comme M. Charest l’a mentionné, il y a plus d’avocats qui ont travaillé dans ce dossier que de travailleurs, alors on veut que ça soit clair ». Répondant à l’offre du leader du gouvernement Jean-Marc Fournier, les partis de l’opposition ont accepté de rencontrer l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, qui a agi à titre de négociateur de la STM.

M. Fournier avait fait cette proposition afin de satisfaire l’opposition, qui souhaite avoir des explications sur les conditions d’acquisition pour remplacer une partie de la flotte vieillissante du métro montréalais. Les péquistes ont accepté de donner un consentement à une procédure d’adoption accélérée, au terme de laquelle il serait possible de ratifier la pièce législative en une seule journée. Mais l’Action démocratique du Québec continue de réclamer des consultations particulières, qui permettraient notamment d’entendre le consortium, la STM, ainsi que CAF.

Le chef adéquiste Gérard Deltell souhaite savoir comment Bombardier-Alstom a pu faire baisser le prix d’une voiture de 3,5 M$ à 2,6 M$, dans le contexte où l’espagnole CAF prétend pouvoir le faire pour 1,4 M$. « On estime qu’il est essentiel et impératif que les Québécois aient l’heure juste, que les acteurs principaux, dans ce dossier-là, répondent aux questions et qu’on fasse vraiment la lumière pour qu’on puisse prendre une décision juste et éclairée », a-t-il dit lors d’un point de presse.

Le leader de l’opposition officielle, Stéphane Bédard, a affirmé que les péquistes veulent d’abord être rassurés sur le bien-fondé de la démarche retenue par le gouvernement, dans le contexte où une première décision d’autoriser la STM à s’entendre de gré à gré avec Bombardier, il y a quatre ans, a été suivie d’une longue saga judiciaire. « Je ne veux pas qu’il nous arrive la même chose qui s’est passée il y a quatre ans, a déclaré M. Bédard. Je ne veux pas que les travailleurs soient déçus aussi, je ne veux pas qu’on étire ça ».

M. Fournier a proposé que le projet de loi soit adopté dès mercredi, mais devant les demandes de l’opposition, il a évoqué la possibilité que ce soit fait jeudi ou vendredi, ou encore la semaine prochaine. « Je souhaite, et nous souhaitons, et les gens qui sont visés dans le Kamouraska souhaitent que nous puissions procéder très rapidement », a-t-il dit, en faisant référence à la région où est située l’usine de Bombardier, où une partie du contrat serait exécutée.

CAF a souligné mardi la position paradoxale de M. Charest, qui défend ardemment un projet de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (UE), tout en l’excluant du processus pour donner directement le contrat au consortium de Bombardier, une entreprise québécoise associée à Alstom, une société française. Pierre-Marc Johnson, le négociateur du Québec dans le cadre des pourparlers commerciaux entre le Canada et l’UE, a minimisé l’impact de cette décision sur les discussions.

« Je ne dis pas que c’est insignifiant parce qu’on décide ici d’en faire une cause très, très importante, a-t-il dit. C’est pris avec un peu plus de relativisme en Europe. Vous savez, les Français ne sont pas déçus de cette décision. Les gens d’Alstom qui sont français sont très heureux. Les gens d’Espagne ne le sont pas ».