tient superbement bien la route. Au total, Richard Berry a produit une
oeuvre riche et intelligente, qui semble parfois aller dans toutes les
directions, comme la vraie vie, mais ne perd jamais le nord, ni le
rythme soutenu des bons polars. Le scénario s’inspire d’un roman, lui-même inspiré d’un fait divers qui
s’est produit dans la longue et sanglante histoire criminelle de
Marseille. Charlie Matteï (Jean Reno) est un exbandit à la retraite.
Il a vendu
tout son business à son ami d’enfance, Tony Zacchia (Kad Merad), et se
tient tranquille, tout occupé à jouir de la vie de la classe moyenne,
avec sa jeune femme et ses enfants. Mais, non! Dans une scène d’une violence soutenue, Charlie est criblé de
balles dans un parking et laissé pour mort. Le film débute à peine…
Charlie ne mourra pas, c’est ça l’histoire. Il voudra savoir qui lui a fait le coup : mais il se doute du pourquoi.
On ne peut s’évader de son passé, on ne peut pas tourner la page : «Le
sang versé ne sèche jamais.» Le film est bien servi par des phrases comme celle-là, et des dialogues
brefs et incisifs, une qualité rare dans les films français. «Je ne
connais rien de plus absurde qu’une médaille de bravoure posée sur un
cercueil», dit le chef de police…
UN POLAR RÉUSSI
L’Immortel est remarquablement bien filmé. Les scènes de
batailles, de cascades sont hachurées, nerveuses, chaotiques, et suivent
d’autres scènes plus introspectives et sensibles. Le rythme du récit
varie sans cesse entre la brutalité et la tendresse, la sérénité et le
désespoir, l’amour et l’horreur : les enchaînements sont souples et sans
heurts, et l’histoire, touffue comme elle l’est, se déroule avec
précision et clarté. Jean Reno joue un truand repenti, un dur sensible, une canaille
romantique (un honnête bandit, quoi) totalement convaincant, sinon
attachant. Beaucoup d’attention a été portée aux personnages
secondaires. Kad Merad en caïd onctueux, mais sanguinaire, et Marina
Foïs en enquêteuse de police opiniâtre, mais frustrée, sonnent très
juste.
Le film de Berry dure près de deux heures, et on a l’impression, vers la
fin, qu’il rate quelques bonnes occasions de se terminer plus tôt, mais
c’est là son moindre défaut. Sa grande qualité est d’être un polar réussi, étoffé d’une texture
humaine et d’une trame morale qui l’enrichissent. À son meilleur, le
cinéma français fait aussi bien que celui de Hollywood, mais
nous laisse, en plus, avec des questions qui dérangent. La question de L’Immortel : un gangster qui a des scrupules est-il plus acceptable qu’un autre qui n’en a aucun ? La réponse n’est pas fournie.
Source: Canoe