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Un suicide bien gardÉ À la standard life

À l’heure du lunch, en ce 7 octobre, les conversations
étaient  plutôt consacrées à l’événement du jour, l’atterrissage à
Montréal du premier mastodonte Airbus A 380 effectuant un vol commercial d’Air
France. Le temps doux mais incertain allait-il dégager le ciel lors de
l’arrivée de l’avion vers 17 h? Après le repas, en ce début d’après-midi, des
employés sortent de la cafétéria pour prendre l’air ou fumer une cigarette. Sur
le côté du bâtiment, il y a une ambulance et des voitures de police.

Un groupe de curieux s’approche pour savoir ce qui est
arrivé. Le constat est froid, dur, brutal. Une femme était tombée de la tour et
s’était fracassée au sol. Petit à petit, l’information a circulé, de bouches à
oreilles. « C’est une collègue », dit l’un, « elle aurait sauté volontairement
», dit un autre, « elle se serait précipité dans le vide depuis la terrasse du
22e  étage », affirme la
troisième. L’appel au coroner a été fait par les services de
police à 15h39. La victime avait 43 ans, elle avait un mari, deux enfants.
Pourquoi Sira N’Diaye s’était-elle suicidée, en se jetant de la terrasse du 22e
étage de la tour de la
Standard Life à Montréal?

UN SUICIDE QUI NE DOIT PAS
RESTER SANS SUITE

Une lettre anonyme, parvenue à La Métropole, nécessite cette
enquête d’intérêt public. Si un tel acte a pu avoir lieu, est-ce une pure
affaire personnelle? Comment la victime a-t-elle pu avoir accès à une terrasse
accessible seulement au personnel de sécurité? Existe-t-il un lien avec son
employeur, une des principales compagnies d’assurance au pays?

LE TEXTE DE LA LETTRE POSE  EN TOUS CAS LES BONNES QUESTIONS

« Vous excuserez mon anonymat, car je sais que la Standard Life veut
taire cet affreux évènement….Une employée de la Standard Life s’est
jetée du haut des 22 étages…Elle laisse derrière elle, deux jeunes enfants et
un mari, des amis, des collègues. Elle a laissé une lettre à l’attention de sa
famille qui vit aujourd’hui la plus grande des détresses. Il me semble
important d’informer pour comprendre…pourquoi, pour qui, à cause de qui et dans
quel désespoir profond cette jeune femme s’est vu acculée. On ne fait pas ce
geste gratuitement, rien n’est du au hasard et tout est calculé…..L’employeur
qui veut cacher l’affaire serait-il en cause?….Ce drame se doit de ne pas choir
dans l’ignorance ».

LA STANDARD LIFE FAIT OBSTRUCTION

Notre enquête s’est d’abord dirigée vers la Standard Life. Après
plusieurs appels téléphoniques infructueux, madame Ann-Marie Gagné, directrice
des communications, nous a envoyé un bref courriel. «  La Standard Life et
l’ensemble de ses employés vivent un moment difficile depuis le décès de notre
collègue Sira N’Diaye, jeudi dernier, à nos bureaux. Nos efforts en ce moment
sont centrés sur le soutien à nos employés…. » Puis une aimable recommandation
de ne pas enquêter : « Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) nous
a appris que dans un cas de suicide, les médias ne couvrent pas l’incident, ce
qui a été respecté par tous les médias jusqu’ici…. » En clair, cela signifie,
reculez, il n’y a rien à voir.

N’étant pas complètement satisfaite par ce type de réponse,
la Métropole s’est présentée il y a quelques jours au siège de Standard Life,
pour tenter de rencontrer des collèges de la suicidée. Au
restaurant, personne n’a eu l’air de la connaître. « Pas étonnant, il y a 1500
personnes qui travaillent dans cet immeuble », a indiqué un des convives. La
présence d’un journaliste est une information qui monte très vite dans les
étages. Madame Gagné s’est déplacée alors en personne pour interdire à votre
journaliste tout contact en le priant de quitter les lieux. Un courriel est
alors parvenu au journal, montrant à quel point la Standard Life
souhaite empêcher toute enquête journalistique sur la cause de ce suicide. « À
la suite de votre visite inopinée à nos bureaux, j’ai parlé à notre service
juridique qui me confirme que je ne peux vous ….donner accès à nos employés. Les
lois sont précises et le respect d’autrui est essentiel ».

UN SUICIDE QUI A ÉTÉ
PRÉPARÉ

Madame Gagné indique que Sira était employée depuis 3 ans au
sein de la compagnie et que « la police a trouvé un mot indiquant les raisons
personnelles expliquant sa décision de s’enlever la vie ».  Elle a
reconnue que Sira n’aurait pas pu accéder à la terrasse sans l’aide d’une autre
personne. Elle a ajouté  que ce suicide était très difficile pour sa
famille et troublant pour les employés de la Standard Life
auxquels un soutien psychologique a été offert. Le contact avec le groupe de
psychologues indiqué, la
firme Shepell, n’a pas permis d’avoir confirmation que ce
service a bel et bien été offert. La police  n’a pas accepté non plus de
permettre à la Métropole  d’avoir accès à la lettre de la victime, ni aux
coordonnées de sa famille. Yannick
Paradis du SPVM n’a pas eu connaissance d’autres éléments que
cette lettre pouvant expliquer le suicide.

UN SUICIDE MYSTÉRIEUX,

LA COMMUNAUTÉ SÉNÉGALAISE S’INTERROGE

Ce suicide n’est pas passé inaperçu dans la communauté
sénégalaise de Montréal. La Métropole a appris qu’une cérémonie religieuse
avait été organisée à la mémoire de la défunte et que le Rassemblement
sénégalais avait envoyé des faires-parts. Mais lorsque l’on pose des questions
plus précises, les interlocuteurs font marche arrière. Ce suicide demeure
mystérieux. Non seulement à cause de la lettre reçue par la Métropole, mais
également par la réaction extrêmement brutale de l’employeur face aux arguments
apportés par cette lettre anonyme. Il n’y a eu aucun effort pour permettre un
contact avec la famille, ou avec des collègues de la victime. Cette
obstruction est suffisamment étrange pour que la Métropole fasse par la
présente un appel à témoins.

CONSÉQUENCE DES TENSIONS
PROFESSIONNELLES ?

Selon le médecin psychiatre Édouard Beltrami, il y a un type
de maladies qui est difficile à cerner. « Il s’agit de ce qui est appelé dans
la terminologie psychiatrique un trouble d’adaptation avec humeur dépressive et
anxieuse qui n’a pas l’intensité d’une dépression majeure et qui, donc,
n’attire pas l’attention des professionnels autant que les grosses pathologies
psychiatriques. Cette terminologie psychiatrique englobe ce qu’on appelle
communément le burn out, qui est un épuisement professionnel. Le milieu de
travail devient de plus en plus agressif et il peut exister des cas de
harcèlement. Ces cas, parfois difficiles à prouver, finissent par affecter par
leur répétition et leur intensité, la personne qui les ressent ». Ces
situations peuvent briser la carrière d’une personne qui en souffre.

                             Médecin psychiatre Édouard Beltrami

« Il m’est arrivé de voir  il y a quelques années une
infirmière extrêmement dévouée, travaillant pour une compagnie d’assurances,
qui cherchait toujours une solution pour récupérer une personne en difficultés
et trouver un mode de traitement. Elle m’a recontacté récemment en me disant à
propos d’un patient : « Essayez d’envoyer cet homme aux Rentes du Québec
».  Je lui répondis : «  Je ne comprends pas, vous étiez très ouverte
jusqu’ici à faire des traitements et de tout essayer avant d’en arriver là ».
.Non, me répondit-elle, « maintenant les compagnies d’assurances ne veulent
plus faire cela, ce ne sont pas des agences de bienfaisance mais des compagnies
qui sont là pour faire de l’argent ».

Est-ce une piste pour expliquer le geste désespéré de Sari
N’Diaye?

TEL-JEUNES

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