Quand j’ai lu ça dans un quotidien en début
de semaine, je n’en suis par revenu. Voici ce qui se passe. Un gars du New
Jersey, Scott Rosenbaum, a fondé sa compagnie « Rent a friend », qui
fonctionne selon le mode suivant pour ceux et celles qui souffrent de solitude
et qui veulent se payer de la compagnie. Il y a d’un côté les usagers qui
s’abonnent pour avoir accès à la liste des membres de votre région. Ces
derniers, eux, n’ont rien à débourser. Ce sont les membres qui fixent
individuellement le tarif horaire qu’ils souhaitent pour eux-mêmes.
Exemple,
Marie s’ennuie à mort dans son salon. Elle a payé son abonnement à rentafriend.com et
contacte une personne dont le profil semble lui plaire. Elle est amatrice de
jeu d’échecs? Peut-être trouvera-t-elle un partenaire qui partage les mêmes
goûts qu’elle. Le correspondant lui fera savoir que sa présence coûte 10 $ de
l’heure.
SCANDALISÉ SUR LE COUP
En apprenant qu’un tel service était
disponible, le premier mouvement de ma pensée a été « ça prend bien un
américain pour trouver moyen de faire de l’argent avec l’amitié ». Puis,
j’en ai parlé avec mon ami, le philosophe de Montréal, Sylvain Champagne, qui
au contraire, n’est nullement scandalisé de la chose, rappelant que par le
passé ses amis lui coûtaient un bras et que c’est lui qui payait tout, la
bouffe, les cigarettes le bon boire, les taxis et quoi encore. Et d’ajouter
« un service comme ça peut s’avérer moins coûteux, au final ». C’est
une vue de l’esprit.
C’est certain que si on fait son examen de conscience, on
s’apercevra qu’on s’entoure souvent d’une cour de profiteurs. Ou des amis qui
collent à la maison et qui ne se décident pas à partir. Rappelez-vous la
fameuse chanson « La visite », de Lynda Lemay. En payant, c’est toi
qui fixe les règles du jeu. Tu peux décréter que « l’ami » à tarif
horaire s’amènera après le souper (donc pas de bouffe à faire) et quittera au
plus tard à 22 heures. S’il est fin causeur, ce sera du bon temps de pris.
Admettons que vous partagiez une passion pour un tel cinéaste, ça risque de
faire de belles étincelles.
Le concept « rent a friend » semble
bien fonctionner, puisqu’il compte dans le monde 26 000 membres et 300 000
amis. Et grand avantage, vous n’avez plus à vous soucier si vos amis sont
sincères.
PAS VIRTUEL, RÉEL
Contrairement à Facebook, où vous pouvez
avoir, selon le cliché répandu, 500 amis, mais en réalité pas un seul. Ici,
vous avez de vraies personnes. Remarquez que le concept n’est pas si novateur.
En Orient, des escortes, mais pas du genre auxquel vous pensez, se louent pour
faire découvrir une ville. Je me rappelle d’une ancienne chroniqueuse mondaine
de la radio, Pierrette Champoux, l’ancêtre de Francine Grimaldi, qui officiait
à la défunte station de radio CKVL. Elle m’avait dit qu’elle travaillait dans
les années cinquante comme hôtesse pour des touristes qu’elle escortait à
travers la ville.
C’était une femme au charme fou. Un look à la Lana Turner,
qui devait procurer du très bon temps à ces hommes seuls en ville. Et parfois,
il se nouait des liens plus forts. Par exemple, elle débarquait dans le bureau
du grand patron, Jack Tietolman, le fondateur de la station, pour lui dire :
« Écoutez Jack, je ne serai pas à l’antenne pour les deux prochains mois,
je pars en Europe ». Et l’autre, sorte de poète, lui disait : « C’est
très bien Pierrette, amusez-vous bien et vous reviendrez au micro ensuite ».
On imagine mal la même scène de nos jours.
Comme quoi il y avait des bonnes
choses, dans le temps. Tout ceci pour vous dire que j’ai décidé de m’inscrire
comme membre. Si jamais vous louer mes services, sortez votre carte platine
American Express. Non, encore mieux, je prends du cash. Et croyez-moi, vous
n’allez pas vous embêter un seul instant. J’ai tout un répertoire d’histoires
cochonnes de Roméo Pérusse, des potins sur les artistes que vous ne lirez
jamais dans les journaux. Je vous lirai des vers de Rostand. Et plein d’autres
affaires. Déjà assez de devoir subir votre âme en peine. Ça se paie, le
malheur!
Les opinions exprimées
sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de
lametropole.com
Daniel Rolland