Je ne peux plus dire que Jean Charest est le bon père de famille du Parti libéral, alors donc Jean Charest est le bon parrain du Parti libéral », a ironisé le chef de l’ADQ, sous les applaudissements nourris de quelque 350 militants. Poussant plus loin l’analogie avec le monde interlope, M. Deltell a décrit Jean Charest comme un grand « patriarche »; le mot utilisé le plus souvent ces derniers jours pour qualifier Nick Rizzuto, le « patriarche » de la grande famille mafieuse montréalaise assassiné la semaine dernière. À Lévis, où ils sont réunis en conseil général, les libéraux n’ont pas tardé à exprimer leur dégoût, à la suite des propos de Gérard Deltell.
Au nom du gouvernement, deux ministres, Laurent Lessard et Nathalie Normandeau, se sont dits horrifiés d’entendre un chef de parti traiter ainsi le premier ministre de « parrain ». Ou bien M. Deltell retire ses propos, ou bien il doit, selon eux, démissionner. « Gérard Deltell aujourd’hui insulte le premier ministre, insulte le gouvernement et insulte 100 000 militants libéraux », a pesté la ministre Normandeau, en point de presse, en qualifiant le chef de l’ADQ de « désespéré » pour agir de la sorte. « Il est allé beaucoup trop loin », selon elle, et s’il a un « minimum de sens de l’honneu », il va retirer ses paroles ou démissionner.
« C’est dégueulasse! », a renchéri le ministre Laurent Lessard, en formulant les mêmes exigences que sa collègue. Mais pour M. Deltell, le gouvernement libéral n’a que lui à blâmer. Par son manque d’éthique, il est devenu le symbole « de tout ce que les gens détestent de la politique ». « Des gens qui sont là pour leur poche, des gens qui sont là pour leurs préoccupations personnelles, des gens qui sont là pour des nominations, des gens qui sont là pour le salaire des députés », a-t-il martelé au cours de son allocution d’une vingtaine de minutes.
Selon le député de Chauveau, le gouvernement Charest n’est pas seulement « menteur », il est aussi dénué d’éthique et gouverne pour les amis du régime. Sans être aussi dur à l’endroit de la chef péquiste Pauline Marois, le leader de l’ADQ a reproché à sa vis-à-vis de diriger une opposition officielle « pitoyable » et une « manufacture à chicanes » obsédée par la souveraineté. « Il y a une chose qui fait qu’ils sont unis en prévision du Grand soir de la destinée : c’est le référendum ».
« Ça, ils aiment ça en tabarouette. Honnêtement, à part dans les congrès de péquistes, y a-t-il quelqu’un qui vous parle de référendum, quelque part, dans la vie courante? », a-t-il évoqué. Fédéraliste assumé, Gérard Deltell est aussi un converti aux vertus du bilinguisme. Des Québécois bilingues dans un Québec français résument le programme linguistique de l’ADQ. « Jamais dans l’histoire un parti n’est allé aussi loin (en matière de bilinguisme) », a-t-il convenu. Sur les questions économiques, le chef de l’Action démocratique s’en est pris aux groupes de pression environnementaux, qui selon lui, en mènent beaucoup trop large au Québec.
M. Deltell plaide pour le développement à grande échelle des ressources naturelles afin de sortir le Québec de sa dépendance envers la péréquation. « Nous dormons sur nos richesses naturelles, que ce soit dans le domaine minier, le gaz ou le pétrole. Nous dormons là-dessus parce que trop souvent, les gouvernements successifs ont eu peur et ont plié les genoux devant les lobbys environnementaux. Nous, à l’ADQ, on se tient debout », a-t-il soulevé. Un an après son arrivée à la tête de l’ADQ, M. Deltell a fait l’objet samedi d’un vote de confiance des militants. Les résultats seront connus dimanche.
À la barre d’une formation en quête d’une nouvelle virginité, l’ancien journaliste rêve de rallier les tenants de la droite politique, incluant les François Legault, Joseph Facal et autres militants du Réseau Liberté-Québec, sans saborder son parti. De la même façon, il rejette la proposition du député dissident Éric Caire, qui négocie son retour au bercail en exigeant que l’ADQ adopte un nom plus vendeur, moins associé aux turpitudes. « L’Action démocratique est le véhicule de changement au Québec, et les vrais débats se passent chez nous », a dit M. Deltell, après avoir clamé à plusieurs reprises auprès des militants que l’ADQ est un parti bien « vivant » qui sera encore dans le coup aux prochaines élections.