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Se transformer en black swan

Un prestigieux ballet est en train de monter une nouvelle version du
Lac des cygnes. La danseuse Nina (Natalie Portman) espère ardemment
décrocher le rôle principal, mais elle a de la sévère compétition de la
part de sa collègue Lily (Mila Kunis). Pour «l’entraîneur» Thomas
(Vincent Cassel), la personne parfaite devra à la fois être capable
d’incarner le cygne blanc et le cygne noir. À en juger par ses
affiches rétro, «Black Swan» semble sortir d’une autre époque. Celui de
l’âge d’or hollywoodien où les jeunes premières rêvent de gloire (écho à
«A Star is Born»),

marchant allègrement sur le dos des anciennes
célébrités (façon «All About Eve», avec une méconnaissable Winona Ryder
qui incarne avec brio le star d’hier… ou son propre rôle) pour faire
leur place. Ces thématiques universelles sont au service d’une intrigue
menée tambour battant qui multiplie rapidement les fausses pistes,
payant des hommages aux opus de Michael Haneke («La pianiste»),
Krzysztof Kieslowski («La double vie de Véronique») et Satoshi Kon
(principalement «Perfect Blue»).

Il s’agit surtout d’un film
portant clairement le sceau de Darren Aronofsky. Le créateur de «Pi» est
fasciné par la dualité et la dépendance. À la façon de son
chef-d’oeuvre «Requiem for a Dream», il plonge son héroïne dans un long
cauchemar sans fin où elle devra sans cesse rivaliser avec les autres,
mais surtout avec elle-même. Sa mère (vibrante Barbara Hershey) et son
«double» font office de miroirs déformés, ce qui préfigurera un long
combat pour atteindre finalement son émancipation et surtout son
identité. Le tout se déroule en plusieurs actes, à l’image de la pièce
originale, vivant littéralement au son de la musique de Tchaïskovski qui
est légèrement déformée par celle de Clint Mansell.

«Black Swan»
n’est donc qu’un affrontement entre la lumière et la noirceur, entre le
réalisme et le surnaturel, entre la nostalgie de voir un rêve
s’accomplir et celui d’en payer le prix. Le drame qui prend des
propensions mythiques fraye rapidement avec le suspense et même
l’horreur (on pense au «Repulsion» de Polanski) dans sa façon de
métamorphoser la protagoniste, qui devra apprendre à changer de peau
(physiquement, psychologiquement et sexuellement) pour passer au stade
supérieur. Une évolution qui doit beaucoup au jeu senti et époustouflant
de Natalie Portman. La comédienne vole la vedette à ses talentueux
comparses en campant à la fois la jeune fille douce et sensible et son
alter ego inquiétant et menaçant.

Outre ses exagérations (ou
hallucinations) grotesques et mélodramatiques clairement voulues, le
récit montre un cinéaste qui ne s’est pas totalement débarrassé de ses
tics. Aronofsky a encore tendance à prêcher par excès, à moraliser, et
il n’est pas le réalisateur le plus subtil. Il a néanmoins appris à se
contrôler sur le plan technique, privilégiant dans un premier temps la
caméra à l’épaule et les plans rapprochés, avant de se laisser envahir
par l’avidité de son sujet. La scène devient rapidement le théâtre de
toutes les possibilités, bonnes et mauvaises, et plusieurs moments
inoubliables s’y dérouleront, notamment ce ballet final qui part en
apothéose pour ne plus jamais toucher terre.

Avec ses clins d’oeil
multiples (dont plusieurs à ses propres «Requiem for a Dream» et «The
Wrestler») et sa façon unique de placer la caméra, le metteur en scène
prouve qu’il est incapable de décevoir, et si sa vision n’est pas aussi
flamboyante que celle du mésestimé «The Fountain», elle en fascinera
plus d’un. Natalie Portman y est tous simplement magistrale, alors que
le scénario écrit à six mains réserve son lot de surprises. Peu importe
si le spectateur devine comment le tout va se terminer (l’effet
«Inception»), l’important est la façon de raconter son histoire, les
émotions ressenties et le brio de la démonstration : trois aspects –
parmi tant d’autres – qui font de «Black Swan» un très grand plaisir.

Source : showbizz.net

BLACK SWAN

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