Nous sommes dans un État totalitaire. S’il travaille dans un abattoir, Katurian se définit avant tout comme un auteur. Il a des centaines de nouvelles à son actif. Écrivain dans l’ombre, il n’a pour tout public que Michal, son frère aîné, un homme demeuré dans l’enfance : il est juste un peu lent, dira Katurian, qui s’en est fait le protecteur suite à la mort de leurs parents. Un jour, Katurian se fait embarquer pour un interrogatoire.
Il est en garde à vue, les autorités s’intéressent à ses écrits. Katurian ne comprend absolument pas pourquoi. Tupolsky et Ariel, deux inspecteurs chargés de l’enquête qui aiment bien « croquer de l’auteur » à l’occasion, voient les choses autrement… Car ce que Katurian ne sait pas, c’est que trois enfants sont disparus dans des circonstances qui ne sont pas sans rappeler certaines de ses nouvelles. Martin McDonagh propose ici une comédie noire charbon qui se double d’un conte moderne. Un regard sur l’enfance, sur ses rêves, ses blessures et ses espoirs qui, tels des fossiles incrustés au plus profond de nos êtres , définissent nos gestes, nos relations, nos vies.
Le Pillowman pose une question cruciale : un créateur doit-il être tenu responsable des conséquences sur sa communauté de l’expression de son imaginaire? Dans les histoires de Katurian, des personnages étranges et touchants nous interpellent : un petit cochon vert est heureux d’être différent, le pillowman vient hanter les enfants juste avant leur sommeil, une petite fille est convaincue d’être la réincarnation de Jésus… Katurian pourrait-il renier ses histoires, en choisir une plutôt qu’une autre? Et s’il devait choisir entre son oeuvre et sa vie ?
Né en 1970 à Londres, Martin McDonagh est aujourd’hui un auteur reconnu au Royaume-Uni, en Irlande, aux États-Unis et un peu partout dans le monde : ses textes ont été produits dans une
quarantaine de pays. La Reine de beauté de Leenane, sa première pièce écrite en 1996, il y a 12 ans à peine, a remporté de nombreux prix. Elle a d’ailleurs été produite par le Théâtre de La
Manufacture en 2001 avec un immense succès à Montréal et en tournée. Avec Le Pillowman, McDonagh recevait, entre autres, le prestigieux Laurence Olivier Award, prix londonien pour la meilleure nouvelle pièce, et le New York Drama Critics’ Circle Award pour la meilleure pièce étrangère. Aux États-Unis son nom est aussi associé à plusieurs Tony Awards.
Il s’imposait d’offrir à Fanny Britt la traduction de cette pièce, alors qu’elle avait aussi signé, avec brio, celle de La Reine de beauté de Leenane mentionnée précédemment. Depuis, elle a réalisé la traduction de nombreuses autres pièces dont celle de Après la fin créée au Théâtre La Licorne en 2008 et présentée cette année à l’Espace Go et en tournée. On doit à cette diplômée de la section écriture de l’École nationale de théâtre en 2001, entre autres, Honey Pie, jouée à l’Espace Libre en 2003, l’incisive Couche avec moi (c’est l’hiver) produite par le Théâtre PàP en 2006 et plus récemment, Hôtel Pacifique et Enquête sur le pire, produites en 2009 et 2010 à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui.
Jouissant d’une place enviable dans le paysage culturel depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 1980, Denis Bernard cumule depuis interprétation au théâtre, à la télévision, au cinéma et mise en scène. À titre de metteur en scène, on se souviendra notamment de La Fin de la civilisation de Georges F. Walker au Quat’Sous en 1999, Les Trois soeurs d’Anton Tchekhov, en collaboration avec Luce Pelletier et l’Opsis en 2001, Le Grand retour de Boris S. en 2002 au Rideau Vert, L’Année du championnat chez Duceppe en 2002 et Des Hommes en habits, aussi chez Duceppe, en 2004.
Pour le Théâtre de La Manufacture, dont il est le directeur artistique et général depuis l’automne 2009, il signait en 2007 une mise en scène remarquée de Coma Unplugged de Pierre-Michel Tremblay. En nomination dans sept catégories, cette pièce remportait le Masque de la production – Montréal, celui de la Musique originale, ainsi que le Prix de la critique – production montréalaise.
Du côté de l’interprétation, un quatuor d’acteurs de talent qui ne demandent plus de présentation sera au rendez-vous : Antoine Bertrand donnera vie à Katurian, l’auteur, Frédéric Blanchette à son frère, Michal. David Boutin et Daniel Gadouas incarneront Ariel et Tupolski, les deux policiers plutôt inquiétants. Audrey Rancourt-Lessard sera l’incarnation de l’enfance.
La production réunit aussi une équipe de concepteurs fidèles et complices de La Manufacture : Olivier Landreville au décor, Marc Senécal aux costumes, Ludovic Bonnier à la musique, André Rioux à la lumière, Patricia Ruel aux accessoires et Suzanne Trépanier aux maquillages. Marie- Hélène Dufort assume l’assistance à la mise en scène.
LE PILLOWMAN
11 au 22 janvier 2011 (supplémentaire à 20 h 30 le samedi 22 janvier)
Théâtre du Rideau Vert
4664, rue St-Denis, Montréal
Réservations : 514 844-1793