Rochette a dû s’exécuter dans un contexte troublant, en février dernier,
à Vancouver. Deux jours seulement après avoir appris le décès de sa mère Thérèse, la
patineuse artistique de l’Île Dupas, non loin de Berthierville, a
mobilisé émotions et énergies pour livrer une performance aussi
inspirante que courageuse, en route vers la première médaille olympique
de sa carrière. Du bronze à saveur d’or. Pour avoir traversé l’épreuve affligeante avec
dignité, pour avoir fait preuve d’une bravoure quasiment héroïque qui
est parmi les plus mémorables de l’histoire des J.O.,
Joannie Rochette
se voit décerner le premier titre d’athlète féminine par excellence
décerné par les journalistes sportifs de l’Agence QMI au Canada. Rien ne laissait présager ce qui allait survenir dans la vie de
Rochette. Elle allait vivre les plus beaux moments de sa carrière,
caressant l’espoir de mériter la première médaille olympique de sa
spécialité depuis Elizabeth Manley, en 1988. Médaillée d’argent des
Championnats du monde 2009, elle avait les yeux rivés sur l’objectif. Mais le vent a viré. Cauchemar. Deux jours avant l’amorce du programme
court, son monde s’écroule. La fille unique de 24 ans apprend le décès
subit de sa mère, âgée de 55 ans seulement. Elle venait d’arriver à
Vancouver avec son époux afin d’assister aux prouesses de leur fille.
S’ACCROCHER
Plutôt que se retirer de la compétition -une décision que le Comité
olympique canadien, ses entraîneurs, des rivaux et les amateurs de
patinage artistique du monde entier auraient tous entérinée- Rochette a
décidé que s’accrocher au sport qui a été sa passion depuis l’âge de six
ans était la meilleure chose à faire. Cinq jours plus tard, réprimant sa douleur alors que tout un peuple est
empathique à ses tribulations, l’athlète monte sur le podium dans ce qui
est désormais la médaille de bronze la plus célébrée de l’histoire
olympique au pays.
«Je suis étonnée moi-même de la façon dont j’ai pu m’en sortir, a exposé
Joannie Rochette à l’Agence QMI. Je ne me doutais pas que j’avais cette
force à l’intérieur de moi. C’est mon sport qui m’a sauvée. Le sport
est une école de vie, on s’expose à toutes sortes d’expériences. Et
j’avais une équipe autour de moi. Je n’avais pas besoin de tous ces gens
autour de moi, je n’avais pas davantage besoin de parler, mais c’était
rassurant de les savoir là pour m’épauler.» D’ajouter Rochette: «Je ne sais toujours pas comment j’ai traversé ces
deux semaines. Ça a été pénible, émotivement et physiquement.»
Aussi incroyable, que cela puisse paraître, les premières pensées de la
jeune femme ont été non pas pour son propre chagrin. Non plus pour son
rêve qui aurait pu s’effondrer. Mais plutôt à l’égard de son père qui se
retrouvait soudainement veuf. «Je me souciais énormément pour lui et sur la façon dont je pourrais
l’aider, a-t-elle certifié. Ma mère assumait beaucoup de
responsabilités. De savoir qu’il était maintenant seul, qu’il allait
dormir seul, m’inquiétait.» L’athlète de Lanaudière a trouvé une façon de contenir le flot
d’émotions avant et pendant le programme court où une seule erreur
aurait pu lui coûter ses chances de podium sur le champ.
Non seulement
a-t-elle évité tout pépin, mais elle a signé le meilleur pointage de sa
carrière, un 71,36. Puis, 48 heures plus tard, elle a frisé la
perfection lors du programme long. «Je souhaitais que les juges accordent des notes qui correspondaient à
ma performance sur la glace. J’espérais qu’ils ne se laissent pas
emporter ou influencer par mon histoire. Je voulais une médaille au cou,
c’est bien sûr, mais simplement d’embarquer sur la patinoire était déjà
beaucoup à mes yeux. Puisque j’avais bien patiné au premier jour, je
savais au moment du programme long que mon but était réaliste.»
COMPÉTITIVE DE NATURE
Rochette soutient même qu’elle aurait pu mettre le grappin sur l’argent. «J’étais heureuse de terminer troisième, mais avec le recul je réalise
que l’argent était accessible. Je suis compétitive de nature et (quand
je regarde le vidéo de ma performance) je réalise que j’avais l’air
totalement épuisée.» Au cœur des J.O., le Comité organisateur a décerné à Joannie le premier
trophée Terry Fox, qu’elle a partagé avec Petra Majdic, une skieuse de
fond de la Slovénie qui a poursuivi la compétition en dépit d’une chute
où elle a eu quatre côtes fracturées et un collapsus pulmonaire, en
route vers une médaille de bronze elle aussi.
Le COC a désigné Rochette comme porte-drapeau des cérémonies de clôture,
une marque de reconnaissance habituellement réservée à un multiple
médaillé. Le COC avait pourtant l’embarras du choix avec les 26
médailles remportées, dont 14 d’or. Mais il a jeté son dévolu sur la
nouvelle enfant chérie des Canadiens. «J’étais émue de recevoir tant d’honneurs, surtout celui de
porte-drapeau. J’étais surprise d’avoir été choisie mais, en même temps,
j’avais conscience que des millions de Canadiens m’ont portée sur leurs
épaules et m’ont aidé à franchir cette épreuve.
J’étais vraiment très
fière d’entrer dans le stade B.C. Place avec le drapeau canadien.» Joannie Rochette pourra à tout jamais dire qu’elle a puisé au fond de ses ressources, alors. «J’ai donné tout ce que je pouvais. J’y ai mis toute la gomme et c’est
le plus important à mes yeux. C’est ce que doivent être les Olympiques.» Le nom de Joannie Rochette est désormais synonyme de l’esprit olympique à
son meilleur. Sa médaille de bronze est réellement teintée d’or.
Source : QMI