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La passion de kim thuy

Au moment de la publication de Ru, à l’automne de 2009, Kim
Thuy avait laissé entendre que c’était le premier volet d’un triptyque.
Après ce premier livre sur la survivance, elle voulait en faire un
deuxième sur «vivre» et un troisième sur «aimer». Aujourd’hui, elle hésite : «C’est la vie qui continue, mais je ne sais pas si c’est une suite à Ru,
dit-elle. Je ne sais même pas si mon éditeur va vouloir le publier. Mon
coeur a été interpellé par autre chose ; dans ma tête, c’est toujours
le deuxième volet, mais c’est écrit d’une façon très différente.»

Ru est le récit, impressionniste, à bâtons rompus, d’une jeune
fille d’un quartier cossu de Saïgon, qui a connu les horreurs de la
guerre et des camps de réfugiés, avant d’atterrir dans sa nouvelle
patrie, en plein hiver, à Granby. «Mon éditeur me dit que je suis comme un cheval sauvage, dit-elle. Je
pense que je suis plutôt un électron libre !» dit la jeune femme à la
voix claire et au rire facile. Ce serait pourtant bien étonnant qu’un éditeur hésite pendant plus de
cinq minutes avant de la publier. Plus d’un an après sa parution, Ru figurait toujours au palmarès des best-sellers chez Archambault, au sixième rang, en pleine période des fêtes.

JET-SET LITTÉRAIRE

Le livre se vend tout aussi bien en France, où il s’est valu une
critique enthousiaste. Il a fait de Kim Thuy une membre du jet-set
littéraire -invitée aux lancements de son livre en Allemagne, en Italie,
en Espagne. (la Suède et la Norvège sont pour ce printemps, la version
anglaise, pour l’an prochain.) «C’est un petit livre qui ne veut pas mourir!» dit son auteur, à qui
il a mérité le prix du Gouverneur général, et le prix littéraire RTL en
France, entre autres distinctions. Un succès hors du commun pour un
premier livre, écrit dans la langue seconde de son auteur. Kim Thuy reste d’une humilité désarmante devant le succès, la
popularité, la gloire.

«C’est peut-être parce que c’est un tout petit
livre que les gens l’achètent plus facilement», avance-t-elle, pour
expliquer son succès en librairie. «Ce n’est pas de l’humilité, ça dépasse mon entendement !» dit
l’auteur, qui affirme avoir écrit son premier livre comme il lui venait,
«parce que je n’ai jamais pensé que quelqu’un d’autre le lirait.» «Je pourrais peut-être intellectualiser, et vous inventer de belles
théories, mais la vérité c’est que je ne savais pas ce que je faisais.
Je n’avais aucune formation littéraire. C’est pour ça que je l’ai fait
comme je l’ai fait.»

UNE PASSIONNÉE DES MOTS

C’est que Kim Thuy espère ne jamais devenir une professionnelle de
l’écriture. Elle écrit par passion, par instinct, par amour des mots,
dit-elle. «Ce deuxième roman a mûri dans ma tête pendant un an. Ensuite,
je l’ai écrit très rapidement, cet automne. Ce fut un accouchement très
facile ; je l’ai fait en trois mois.» «Ce que je peux vous dire de ce deuxième livre, c’est que je suis
heureuse, parce j’ai la même spontanéité, la même naïveté, le même
émerveillement devant les mots», dit-elle.

«Quand on vieillit, on perd parfois son sens du merveilleux. Je me
sens très privilégiée, même bénie, d’être encore émerveillée, d’avoir la
même passion pour les mots.» «Je suis très contente d’être encore dans l’enfance de l’écriture. Quand je m’assois pour écrire, je suis heureuse.» 

Source : Canoë

KIM THUY

RU