Tu n’as pas envie de te retrouver à la Une du quotidien du lendemain avec quatorze ambulances dépêchées dans ton resto pour empoisonnement alimentaire. Mais il faut être vigilant. D’abord parce qu’il est très facile dans une cuisine de laisser des particules d’aliments traîner dans les coins. Et si tu ne fais pas le ménage rigoureusement au quotidien, tu vas inévitablement attirer vermine et rongeurs, qui vont s’en faire un buffet.
DES CONFIDENCES D’UNE INSPECTRICE
Parmi mes conquêtes sur l’oreiller, j’ai déjà eu une inspectrice de la division des aliments de la Ville de Montréal. Comme une espionne russe à la James Bond, c’est le meilleur moyen d’arracher des confidences. Et pour ce qui est des restaurants, elle me confirmait ce que je viens de dire. Dans l’ensemble, le paysage ne se porte pas trop mal. Et les Chinois? « Tu serais surpris, c’est pas si pire ». Oui, mais il me semble que les poulets laqués suspendus l’été dans les vitrines à la grosse chaleur? « Non, non. Ils ont une technique à eux de conservation. Non je te répète, ils ne sont pas ni mieux, ni pires que les autres ». Ce qui ne l’a pas empêchée de m’en raconter de bien bonnes, que je m’évite de vous rapporter, surtout si vous vous apprêtez à passer à table.
L’inspection des aliments, c’est comme une loterie. Tu ne sais jamais quand tu vas avoir un de ces foutus inspecteurs dans les pattes. Et t’as intérêt à être réglo, car leur pouvoir est étendu. Ils sont autorisés à fermer ton commerce jusqu’à ce qu’il n’y ait plus la moitié du quart d’une saleté. Imaginez s’il fallait qu’en poussant une porte battante menant à la cuisine, l’un deux soit accueilli par une nuée de drosophiles! Qu’est-ce que c’est? C’est le nom de ce que vous connaissez communément comme la mouche à fruits. Qui se fait un bonheur de naître dans les fonds de cannettes de liqueur douce après quelques jours à l’air libre. S’il y a de ces gentilles bestioles qui batifolent au-dessus de votre table, vous êtes en droit de vous poser des questions. Aussi, les toilettes du lieu en disent long.
UN CAS
Je me souviens du cas d’un chef français qui officiait dans une cuisine du Vieux-Montréal. Ah celui-là! Il est chanceux de ne pas avoir eu de cadavres à son répertoire. Imaginez, il avait une tignasse assez épaisse faite de cheveux blancs. Il ne se donnait jamais la peine de porter un bonnet, comme c’est exigé pour le personnel en cuisine. Râleur, il envoyait chier à distance les inspecteurs. De sorte que les serveurs examinaient toujours les plats avant de les emmener en salle. Combien de fois ont-ils dû retirer un cheveu blanc en travers d’un boeuf bourguignon! Le gars se curait le nez puis après, empoignait le rôti de porc qu’il découpait sur sa table en bois (interdite maintenant. Il faut la remplacer par de l’acier inoxydable). Bref, une somme incalculable d’horreurs. Ses chaudrons étaient tous noircis, voire calcinés, par trop d’usage. Et la proprio qui faisait toujours un grand théâtre lorsque l’inspectrice venait, réussissant chaque fois à l’embobiner. De sorte que cette dernière repartait toujours en laissant de simples avis d’inspection.
Et ça recommençait le lendemain. Dans ce restaurant, contrairement à ce qui se fait ailleurs où le chef va au marché à bonne heure afin de choisir les aliments les plus frais, la patronne se rendait au marché Jean-Talon le plus tard possible près de la fermeture se procurer les tomates qui avaient été tellement manipulées, qu’elles étaient ridées comme la vieille Jeanne Calment morte à 123 ans. Elles étaient comestibles, mais le fruitier les lui donnait presque, assuré qu’il ne parviendrait pas à les vendre à d’autres. Elles étaient comestibles mais mon dieu, il fallait les masquer en les incorporant dans une sorte de fricassée où on ne parviendrait pas à voir la pelure. On bouffait donc de la ratatouille à longueur d’année.
Ailleurs, c’était un restaurateur qui servait du simple boeuf en guise de bison. Il prenait ses clients pour des corniauds en leur refilant une ardoise qui était loin d’être celle du boeuf. Il y a quelques années, un chef bien branché dont hélas je ne me souviens plus du nom, avait publié une bombe dans laquelle il révélait ce qui se passait même dans les cuisines les plus cotées de New York.
Régulièrement, la division d’inspection des aliments de la Ville de Montréal tient son registre des restaurateurs en infraction. On peut la consulter sur la le site suivant :
LA LISTES DES RESTOS MALPROPRES DE MONTRÉAL
LISTE DES CONTREVENANTS CONDAMNÉS
JARDIN PEKIN 2 Amende 1 000 $
Pierrefonds
CHÂTEAU DORVAL PIZZA DELI Amende 1 400 $
Dorval
SOLLY’S – BONGIORNO Amende 1 000 $
Montréal
CAFÉ DU SOLEIL Amende 700 $
Côte Saint-Luc
FRUITERIE MILE-END Amende 1 500 $
Av. du Parc
NICK LE ROI DU SOUS-MARIN 2000 Amende 1 800 $
Rue Saint-Hubert
RESTO-BAR LE CLUB SANDWICHES Amende 3 000 $
Rue Sainte-Catherine Est
RESTAURANT CULTURES Amende 1 200 $
Rue Sainte-Catherine Ouest
GIGI PIZZA Amende 1 200 $
Boul Gouin Ouest
CAFÉ VIENNE Amende 1 200 $
Rue Sainte-Catherine Est
MONGOLIAN HOT POT Amende 1 000 $
Rue De la Gauchetière Ouest
RESTAURANT MITERAS Amende 1 200 $
Boul. Rosemont
RESTAURANT JONAS Amende 2 000 $
Rue St-denis
BOULANGERIE RIVIERA Amende 1 500 $
Rue Jean-Talon Ouest
CITE CACHERE Amende 1 600 $
Av. Van Horne
RESTAURANT KISKEYA Amende 3 700 $
Rue Denis-Papin
CHEZ MILIE CASSE-CROUTE Amende 4 000 $
Rue Jarry Est
HUNG MA DUC CHEZ MING Amende 1 400 $
Côte du Beaver Hall
CASSE-CROUTE JRV Amende 1 200 $
Boul Saint-Michel
RESTAURANT SAMIRAMISS Amende 3 200 $
Boul. Décarie
REFLET CRÉOLE Amende 1 500 $
Boul. Pie-IX
RESTAURANT BLANCHE NEIGE Amende 2 000 $
Ch. de la Côte des Neiges
RESTAURANT PALAIS DE MUMBAI Amende 1 000 $
Av. Lincoln
RESTAURANT RUBIS ROUGE Amende 1 650 $
Rue Clark
RESTAURANT WING PHAT Amende 4 800 $
Rue Jarry Est
LA BELLE PROVINCE ( JARRY ) Amende 1 600 $
Rue Jarry Est
RESTAURANT DELI BOURASSA Amende 1 200 $
Henri-Bourassa Est
HÔTEL DOUBLE TREE BY HILTON Amende 1 500 $
Sherbrooke Est
RESTAURANT BOMBAY TANDOORI Amende 900 $
Rue du Centre
RESTAURANT VILLA FRONTENAC Amende 1 000 $
Rue Ontario Est
Vous pouvez la consulter avant d’aller souper en famille! Ça oriente les choix à faire. Autrefois, le quotidien La Presse en avait fait sa rubrique vedette dans son édition du samedi. C’était la liste honteuse par excellence. Et mon collègue Bernard Gauthier se donne bien du mal à la reprendre dans nos pages de temps à autre. Car la liste est longue. Et on est toujours surpris de retrouver des noms connus. Mais nuance, parmi les infractions, ce peut être simplement d’avoir laissé des aliments au-dessous du niveau de refroidissement requis, ou bien qui traînent sur le comptoir. Bref, on ne badine pas avec ces choses-là. Les restaurateurs craignent les inspecteurs comme ceux de la Régie des alcools qui passent au crible toutes vos bouteilles pour vérifier si vous n’essayez pas d’en passer qui n’ont pas le timbre requis. C’est-à-dire si vous avez essayé de ne pas vous faire fourrer par le gouvernement en n’achetant pas de la SAQ.
Le couperet peut-être assez lourd, genre perte du permis d’alcool. N’oublions pas que nous vivons dans une dictature social-démocrate. Bon je vous laisse. J’ai faim.