La manifestation s’était généralement déroulée dans la bonne humeur, sous les slogans, la musique et les allocutions. « Charest à l’échafaud », « les étudiants suffoquent », « hausse des coûts, baisse des étudiants », pouvait-on lire sur les pancartes. Les manifestants s’étaient rassemblés dès 12h30 au Square Victoria avant de marcher pendant trois heures jusqu’au bureau du premier ministre. Ils étaient sous haute surveillance policière, à cheval, en bicyclette, à pied, en hélicoptère et l’escouade tactique d’intervention a elle aussi d intervenir au siège social de Loto-Québec.
Vers 16h, un petit groupe de manifestants s’est détaché du lot pour investir le siège social de Loto-Québec. Alors que des policiers ont été appelés sur place, d’autres manifestants se sont joints aux premiers, tentant à leur tour d’entrer en donnant des coups de pied dans les portes vitrées et tentant de forcer les portes que bloquaient les policiers. Ceux-ci ont d vaporiser un gaz irritant pour éloigner les manifestants. Puis l’escouade tactique est arrivée pour faire reculer les manifestants, qui étaient alors environ 20, bloquant toute la rue Sherbrooke. Des manifestants ont fait exploser des pétards, provoquant la panique, alors que l’escouade tactique avançait en frappant avec les matraques dans les boucliers. D’autres bloquaient le passage de voitures avec des bacs de recyclage, des poubelles, des cônes de construction ou ce qu’ils trouvaient sur leur passage.
Peu à peu, finalement, les derniers manifestants se sont dispersés vers 17h. La manifestation était organisée par l’ASSÉ, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante. Des associations étudiantes plutôt affiliées à la Fédération étudiante collégiale et à la Fédération étudiante universitaire se sont également jointes à la manifestation. « La manifestation d’aujourd’hui est avant tout la mise au jeu d’un match à finir entre le mouvement étudiant et le gouvernement libéral de Jean Charest », a prévenu en entrevue Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’ASSÉ. Dans son budget du 17 mars, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a annoncé des hausses des droits de scolarité de 325 $ par an, à compter de l’année scolaire 2012-2013 jusqu’en 2016-2017.
Ces droits atteindront donc ultimement 3793 $ en 2016-2017, comparativement à 2168 $ en 2011-2012. En plus de manifester, certains étudiants ont débrayé, jeudi, en signe de protestation. D’autres ont eu recours à différents moyens de pression. Le président de la Fédération étudiante collégiale, Léo Bureau-Blouin, assistait à la manifestation de l’autre organisation étudiante. « On est ici pour montrer que le mouvement étudiant est solidaire. Les étudiants avaient promis un hiver chaud. Ça démontre que tout le monde est uni derrière cette hausse-là. On veut envoyer le message au gouvernement Charest que la hausse des frais de scolarité, elle ne passera pas », a averti en entrevue M. Bureau-Blouin.
Des représentants de la Fédération nationale des enseignants de la CSN, FNEEQ-CSN, participaient également à la manifestation aux côtés des étudiants. Les associations étudiantes estiment que ces hausses vont nuire à l’accessibilité aux études supérieures pour les étudiants provenant des classes moyenne et démunie. De son côté, l’écrivain Victor-Lévy Beaulieu a donné son appui aux étudiants du Québec, dans un communiqué transmis aux médias. Selon lui, les étudiants ont raison de se plaindre de l’augmentation de leurs frais de scolarité. Il estime que 500 $ par année pour les prochains cinq ans, c’est une aberration.
« Quelles familles de la classe moyenne et quelles familles vivant sous le seuil de la pauvreté seront désormais en mesure de permettre à leurs enfants de terminer des études de plus en plus spécialisées, donc de plus en plus longues? » Il a affirmé que même si le ministère de l’Éducation promettait que les prêts-bourses seraient augmentés en proportion des nouveaux droits scolaires, il ne s’agissait que de la poudre aux yeux. « Une majorité d’étudiants sortiront de l’université si endettés qu’il leur faudra mettre des années à rembourser le gouvernement, avec les conséquences qu’on devine déjà: des difficultés financières qui risquent de mettre en péril l’établissement de notre jeunesse, l’envie de fonder foyer et famille, au détriment de la solidarité sociale. »