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Super 8

Car avec Super 8, et Spielberg en producteur veillant sur son épaule, Abrams a fait la même chose que pour Star Trek
: jouer la carte de la nostalgie d’une certaine culture populaire
(celle de son héros, Spielberg), tout en y apportant une touche plus
personnelle et sombre. En fait, la réponse à la question de départ va de soi. Évidemment, la vie de millions de gens a été affectée par la vision d’E.T. téléphonant à la maison et de ces enfants jouant aux mousquetaires pré-pubères dans Les Goonies.

Mais avec sa façon de tirer sur la corde sensible et d’idéaliser les
petites villes et la banlieue, Spielberg s’est aussi mis quelques
critiques à dos, ceux-là mêmes pour qui le mot « grand public » a
quelque chose de péjoratif. Avec ses enfants courageux au coeur indomptable, Super 8 est un
film « de monstres » positif et chargé d’émotions, tout en étant
dépourvu d’un message sérieux – mis à part le fait que le président
Obama devrait vraiment demander des comptes aux forces armées sur leur
mode opératoire et leurs méthodes brutales à l’encontre des
extraterrestres échoués sur la planète.

Sérieusement, les gars, ces
méthodes ne peuvent nous attirer que des ennuis. Nous ramenant à l’époque où les films d’horreur se tournaient en un éclair, aussi rapidement que des pornos, Super 8
tarde à nous révéler son monstre. Cela laisse le temps à nos écoliers
pré-pubères de se développer et de devenir de vraies grandes personnes
(encore plus, même, que la plupart des adultes). Pourtant, la vie n’a pas gâté Joe (joué par le nouveau venu Joel
Courtney), dont la mère a été tuée dans un accident d’usine, alors
qu’elle remplaçait au travail un collègue alcoolique, Louis (Ron
Eldard).

Son père, adjoint au shérif, se montre distant, et le seul
rayon de soleil dans la vie de Joe se nomme Alice (Elle Fanning, qui a
grandi à une vitesse étonnante), la fille de Louis. Vous imaginez les
complications dès que les adultes l’apprennent. Même si leur amourette semble vouée à l’échec, Alice continue à traîner
avec Joe et ses amis, qui rêvent de devenir réalisateurs et qui sont
déterminés à finir leur film de zombie tourné avec les moyens du bord. Ledit projet les amène dans une gare abandonnée où, comme par hasard, un
vrai train arrive. « C’est tout bénéfice! », s’enthousiasme le jeune
réalisateur Charles (Riley Griffiths).

Sauf qu’une camionnette conduite
par l’un des profs des enfants débarque sur la voie et force le train à
dérailler (une séquence filmée de façon incroyable et qui éclipse
l’accident de train du film Le fugitif). L’enseignant à l’agonie (Glynn Turman) dit alors aux enfants de fuir avant qu’« ils » arrivent. Ah oui, et on allait oublier : quelque chose fracasse l’un des wagons
accidentés. Pour ce qui est du « ils », ce sont les militaires (ou une
division, quelle qu’elle soit, de l’armée dont la tâche est de débarquer
et de suspendre brutalement les libertés civiles en pareille
situation), menés par l’habituel « salaud sadique » joué par Noah
Emmerich.

Abrams résiste néanmoins à la tentation de réduire les enfants à des
stéréotypes. Et ce sont leurs actes de bravoure qui amènent les adultes
autour d’eux à se pencher sur « l’essentiel », avant le déroulé du
générique et un final légèrement déjà-vu. Si on ajoute à ça la façon
ingénieuse dont la créature est progressivement révélée, Super 8 est bien ce qu’on peut appeler un film « spielbergien ».

Source : QMI

JOEL COURTNEY

RON ELDARD