Les travailleuses du sexe font valoir que les lois actuelles les empêchent de travailler dans les maisons closes, où elles peuvent prendre le temps de discuter avec leurs clients potentiels afin d’évaluer le danger qu’ils pourraient représenter et où ils peuvent embaucher des gardes du corps. Les gouvernement fédéral et provincial ont porté en appel le jugement de la juge Himmel. Ils allèguent que rien ne les oblige à assurer une plus grande sécurité aux travailleuses du sexe puisque la prostitution n’est pas un droit protégé par la Constitution du Canada.
L’avocat du gouvernement canadien, Michel Morris, a plaidé que la prostitution en soi est dangereuse et que les actes violents sont commis par les proxénètes ou les clients agressifs. Les juges de la Cour d’appel ont été intraitables avec Me Morris, se montrant parfois perplexes face aux arguments défendus par l’avocat du gouvernement. « Je trouve qu’il est difficile de comprendre pourquoi il ne vous semble pas évident que certaines dispositions de la loi empêchent les travailleuses du sexe d’être en sécurité », a soutenu le juge David Doherty.
« Ce sont des choses qui relèvent du bon sens et qui pourraient rendre l’industrie du sexe plus sûre », a-t-il poursuivi. Le juge James MacPherson a mis au défi Me Morris de nommer une seule occupation au Canada où les gens ne peuvent prendre des moyens pour se protéger. L’avocat a commencé à parler des trafiquants de drogue, mais il a été interrompu par le magistrat. « Narcotrafiquant? C’est une occupation illégale. La prostitution est légale », a-t-il tranché. La dominatrice Terri-Jean Bedford, qui avait été accusée en 1994 d’avoir tenu une maison de débauche, fait partie des plaignantes qui sont à l’origine de ces démarches judiciaires. Toute de cuir vêtue, elle a assisté aux échanges en se rafraîchissant à l’aide d’un éventail.
Une fois à l’extérieur du tribunal, elle a brandi sa cravache devant les caméras. « Stephen Harper, vous allez être puni », a-t-elle lancé. « Le premier ministre Harper devrait être le père de cette nation, a-t-elle ajouté. Le fait qu’il ne ressente pas le besoin de protéger ces femmes fait de lui un père manqué. » La cause doit être entendue pendant toute la semaine. Les deux ordres de gouvernement présenteront leurs arguments à la Cour d’appel de l’Ontario, tout comme les travailleuses du sexe qui ont déposé la poursuite.