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ExpÉrience mystique

Terrence Malick est certainement le plus grand réalisateur vivant.
Comme Kubrick, il tourne peu mais ses efforts méritent toujours
l’attention. À la façon de Tarkovski, il cherche à cerner l’indicible,
cette âme qui rôde et qui n’attend que d’être observée. Dès son
magnifique «Badlands» en 1973, son style apparaît au grand jour. Le
metteur en scène aime le lyrisme, confronter l’humanité à l’animalité et
à la nature. Une tendance qui se renforce avec le superbe «Days of
Heaven» en 1978.

Ses plans sont méticuleusement assemblés et ils forment
une poésie de tous les instants. Un périple philosophique qui se
poursuit en 1998 avec l’illustre «The Thin Red Line» qui est ponctué de
très grands moments de cinéma, de réflexions inoubliables sur le genre
humain. Bien que très intéressant, «The New World» en 2005 ne semblait
pas autant touché par la grâce que ses prédécesseurs. Le voilà
rappliquer avec «The Tree of Life», une vision somptueuse et immersive
sur les aléas d’une famille américaine des années 1950 dominée par un
père exigeant (Brad Pitt) et par la quête de sens de son fils (Sean
Penn) devenu adulte.

Deux époques différentes, deux clivages qui
s’expriment au niveau des couleurs où le chaud et le froid se livrent
des duels insoupçonnés, où la ville grise et clinique remplace dans les
souvenirs d’un homme le petit village de son enfance, où tout n’était
pas nécessairement rose. Afin de bien apprécier ce long métrage,
il faut le prendre comme une aventure aux confins des mers connues et
inconnues. La première demi-heure bouscule les appréhensions avec son
cheminement scénaristique hors norme, où des bribes fragmentées et une
narration hors champ déferlent à l’écran.

On présente les personnages,
leurs drames et leurs destins en les agençant au sort du monde et de la
planète. Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient, ce
qu’expose le cinéaste en recréant la naissance de l’univers et de la
Terre, l’émergence des dinosaures, etc. Un exposé qui ne sera pas pour
toutes les sensibilités, mais qui possède une force dramatique
dantesque. Les séquences saisissantes se fondent parfaitement à la riche
musique d’Alexandre Desplat, décuplant la valeur des plans, dont
plusieurs (la naissance par exemple) seront gravés à tout jamais dans la
conscience du cinéphile.

Cet intermède n’est heureusement pas
infini. Malick revient sur le plancher des vaches en développant plus
classiquement son histoire. Pour se faire, il recourt à une caméra libre
et alerte qui capte le moindre soubresaut de vie de ses personnages.
Une charge contre le patriarcat se développe en sourdine entre ces
garçons interprétés par des comédiens non professionnels et ce père
aimant mais trop strict, composé magistralement par Brad Pitt qui y
trouve un de ses meilleurs rôles en carrière. Il incarne le feu qui
brûle alors que la sublime Jessica Chastain joue l’eau qui réconforte,
cette mère aimante et protectrice baignée d’une lumière absolue.

L’actrice est peut-être peu connue, mais elle monopolise tous les
regards avec sa beauté céleste et sa bonté infinie. Ce serait même elle
cet arbre de vie, celle qui est source de tout. Peu présent à
l’écran, Sean Penn représente l’univers des possibles, ces enfants qui
errent constamment, qui ont exaucé les rêves de leurs parents et qui
doivent absolument se redéfinir. Il est le guide et celui qui sera là à
la toute fin, où passé, présent et futur ne forment plus qu’un, sur la
plage de la mémoire. Une odyssée qui peut paraître biblique (le récit
s’ouvre justement sur une citation du Livre de Job), mais qui serait
davantage spirituelle.

Comme dans «Inception» il faut avoir la foi pour
adhérer à tout ce qui se déroule, et si la valse des symboles et des
métaphores s’avère omniprésente, c’est la nature qui aura le dernier
mot. Cette même nature qui obsède Malick depuis toujours.

Méditation
organique sur la beauté, sur la vie, sur la mort et surtout sur
l’amour, «The Tree of Life» n’est pas seulement un film. C’est la
rencontre improbable entre le cinéma avec un grand C et la Vie, qui
n’est pas seulement humaine ou historique, mais globale. Une grande
fresque qui fera pleurer de bonheur, encore et encore.

Source : showbizz.net

THE TREE OF LIFE

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