R.H. –
La maison Joseph Drouhin vieille de 130 ans est une des plus grosses de la
Bourgogne avec 73 hectares qui sont réparties sur l’ensemble de la région.
J.F.C.
– On essaye dans la maison de couvrir toutes les appellations de la Bourgogne,
au nord à Chablis avec 38 hectares en passant par la Côte de Nuits et la Côte
de Beaune où nous avons 37 hectares également, et enfin un tout petit domaine à
Rully en Côte Chalonnaise de 3 hectares et l’ensemble représente, 90 pour cent
de Premiers Crus et Grands Crus.
R.H. –
Votre maison travaille sur une énorme quantité d’appellations.
J.F.C. – Une des spécificités de la Bourgogne et de la Maison Drouhin
également c’est que c’est toute une mosaïque d’appellations. Nous produisons 90
vins différents donc de 90 parcelles différentes ; parfois de petites
quantités, un deux ou trois fûts dans certains cas, en particulier les grands
crus, mais c’est pour proposer à nos amateurs et à nos consommateurs, une
découverte du terroir bourguignon dans toutes les nuances de l’authenticité
bourguignonne.
R.H. –
Malgré la grande quantité d’appellations et de terroirs, vous ne cultivez, je
crois, que les deux cépages principaux de la Bourgogne, le Chardonnay pour les
blancs et le Pinot Noir pour les rouges et vous pratiquez la culture
biologique.
J.F.C.
– En ce qui concerne les cépages c’est bien sûr Chardonnay Pinot Noir puisque
ce sont les cépages natifs de la Bourgogne. Nous avons également une toute
petite production de Bourgogne Aligoté qui est aussi un cépage typiquement
bourguignon, dans une production assez faible, mais également qualitative. En ce
qui concerne la culture biologique nous avons démarré cette pratique dans les
années quatre-vingt-dix avec quelques parcelles à Chablis et nous l’avons
étendue maintenant à l’ensemble du domaine en pratique culturale biodynamique
et biologique.
R.H. –
Comment faites-vous la vinification?
J.F.C.
– La vinification est traditionnelle, nous avons une philosophie qui est le
minimum d’intervention lorsque c’est possible, en fonction du millésime et du
terroir. Nous essayons de respecter le fruit au maximum puisque nous nous
donnons beaucoup de mal dans la vigne où se fait le gros du travail. Il s’agit de
préserver ensuite l’intégrité du raisin qui rentre en cuverie. L’idée c’est de
faire un éraflage partiel dans certains cas puisqu’il nous arrive dans des
millésimes comme 2009 et 2010, de conserver 30, 40, 50 % des rafles entières.
Nous avons remplacé tous nos pressoirs pneumatiques horizontaux par des
pressoirs verticaux hydrauliques, qui reprennent la technique ancienne qui
respecte beaucoup plus le fruit puisque le jus coule à travers les baies et se
filtre presque naturellement. Notre cuverie est toute en gravité. Nous essayons
de pomper et d’oxyder le moins possible le raisin et le vin ensuite, et nous
employons des levures indigènes.
R.H. –
Et l’élevage?
J.F.C.
– L’élevage classique en Bourgogne est en fût de chêne, à l’exception des vins
de Chablis. La plupart de nos vins de la région de Chablis sont élevés en cuves
inox, en contenants neutres pour préserver l’intégrité de la fraîcheur et du
fruit. Pour les vins de Côte d’Or l’élevage se fait obligatoirement en fût de
chêne. À la maison Joseph Drouhin, nous essayons de limiter le pourcentage de
fût neuf. Lorsque nous utilisons des fûts neufs, nous utilisons nos propres
bois, puisque nous achetons de chênes sur pied dans la forêt de Bertranges,
dans le centre de la France.
Nous faisons débiter ces chênes en merrains, des
planches en bois qui passent de trois à quatre ans à l’extérieur de nos
cuveries sous les intempéries, la pluie, la neige, pour que les tanins verts du
bois soient lavés, et ensuite seulement nous faisons faire nos fûts. C’est une
technique qui nous permet d’avoir des vins très peu marqués par le bois,
puisque l’élevage en fût traditionnel, contrairement à ce que l’on croit bien
souvent, c’est plus pour favoriser la micro-oxydation, donc l’échange d’air
avec l’extérieur et le vin que d’amener un goût de bois ou un goût vanillé.
R.H. –
Parce que vous ciselez vos vins, mais la plupart des autres producteurs ne
prennent pas ce soin.
J.F.C.
– Certains producteurs de Bourgogne ont la même philosophie que nous, mais
effectivement ce n’est pas la majorité.
R.H. –
Les vins de la maison Joseph Drouhin se caractérisent par un style.
J.F.C.
– Nous avons eu la chance depuis plusieurs générations d’avoir des femmes
œnologues et des vinificatrices. Pendant une quarantaine d’années c’était
Florence Jobbard et depuis 2005 les vins sont vinifiés par un tandem composé de
Jérôme Faure-Brac, l’œnologue en chef et de Véronique Drouhin qui est la fille
de Robert Drouhin, également œnologue. Ce tandem, nous a permis de créer des
vins élégants qui recherchent l’harmonie
et la finesse plus que la concentration et l’extraction. Nos vins sont souvent
caractérisés, les blancs comme les rouges, par une notion de fruit et
d’élégance plus que par la puissance. Je crois que le fait que ce soit des
femmes qui ont vinifié nos vins depuis maintenant une cinquantaine d’années y
contribue pour beaucoup.
Jean-François Curie nous avait apporté plusieurs
bonnes bouteilles à déguster.
J.F.C.
– Effectivement lorsqu’on est reçu comme aujourd’hui on aime bien arriver les
mains pleines. Le premier vin est un vin de la région de Chablis. C’est un
Chablis Drouhin-Vaudon, millésime 2009
R.H. –
Une magnifique robe dorée, claire.
J.F.C. – Les arômes de Chablis
sont typiquement de fleurs blanches, ils sont assez minéraux. On trouve un peu
de silex, de pierre à fusil pour donner des thèmes aromatiques. Ce sont des
vins qui sont caractérisés par la fraîcheur, la tension, c’est-à-dire que ce
sont des vins très droits, très purs. Celui-ci c’est un vin très agréable pour
un début de repas.
R.H. – En bouche il a beaucoup
de fraîcheur, en effet, et beaucoup d’élégance.
J.F.C.
– À Chablis comme dans tous nos vins nous recherchons la pureté des fruits plus
que la puissance, parce qu’on veut que ces vins soient d’agréables
accompagnateurs d’un repas. Il faut que le vin mette en valeur le repas plutôt
que l’inverse.
Le deuxième vin était un Chorey-les-Beaune 2007.
J.F.C. – C’est un vin rouge, un
Pinot Noir de la Côte de Beaune qui provient d’un petit village qui s’appelle
Chorey-les-Beaune. Les vins qu’on y produit sont très fruités, très friands,
très gourmands. Des vins qui s’apprécient dans leur jeunesse.
R.H. – La robe est d’un
magnifique rouge rubis.
J.F.C.
– Les arômes sont caractérisés par les
petits fruits rouges. Chorey est un village qui est sur les bas de coteau,
exposé sud – sud-est. C’est un terroir où l’on trouve des marnes calcaires. Ce
sont des terrains relativement profonds, relativement lourds, qui donnent toujours
des vins fruités, gourmands, ce sont des vins «de régalade» comme on dit en
Bourgogne, des vins de soif à boire à tout moment entre amis. Ce sont vraiment
des vins de plaisir.
R.H. – En bouche… c’est un vin
joyeux, très joyeux.
J.F.C. – Je sais que lorsque
vous parlez de joyeux vous savez de quoi vous parlez, puisque vous êtes le président du Club des Joyeux.
R.H. –
Vous m’avez apporté une troisième bouteille que vous ne voulez pas l’ouvrir,
vous voulez me l’offrir. Pouvez-vous la décrire.
J.F.C. – Je pense que c’est une
bouteille qu’il faut la boire avec vos amis autour d’un bon repas. C’est le vin
probablement le plus emblématique de la Maison Joseph Drouhin, c’est le Clos
des Mouches qui est bien connu au Québec depuis de nombreuses années et c’est
notre vin fétiche pour plusieurs raisons : Il s’agit d’un vin de
l’Appellation Beaune, donc Premier Crû au Sud de Beaune, en direction de
Pommard; c’est un domaine qui a été constitué par Maurice Drouhin qui
était le fils de Joseph Drouhin et qui souhaitait faire l’acquisition d’un
grand vignoble aux portes de Beaune, dans les Années Vingt.
À l’époque, il
n’avait pas des moyens importants de transport et sa cuverie se trouvait dans
la ville de Beaune. Il a constitué ce domaine de quinze hectares, avec 45
parcelles différentes, dont il a fait l’acquisition auprès des vignerons. La
parcelle du Clos des Mouches est une parcelle qui a une exposition Sud-Sud-est
typique de la Bourgogne. C’est un endroit très chaud où il y avait beaucoup de
ruches, on y faisait du miel. Le nom de Clos de Mouches lui vient de là
puisqu’on appelait autrefois les abeilles des mouches à miel. Le nom lui est
resté et cela donne des indications sur la chaleur des lieux.
Je vous ai apporté la version
rouge en Pinot Noir, mais nous avons également la moitié de l’appellation de 15
hectares, plantée en raisins blancs, en Chardonnay et qui est souvent même plus
connue qu’en version rouge, et c’est un accident de l’histoire. Dans les années 1920, Maurice Drouhin avait,
comme beaucoup d’autres vignerons, planté quelques pieds de Chardonnay au sein
de cette vigne pour arrondir les cuvées, comme on disait et également pour que
les vendangeurs ne soient pas ennuyés à manger toujours du raisin rouge,
qu’ils aient aussi un petit peu de raisin blanc lorsqu’ils coupent le raisin.
Une année, en 1928, l’assemblage n’a pas été possible, et il a fait une cuvée
de quelques fûts de vin blanc qu’il a gardée pour sa consommation personnelle.
Un jour il a reçu un de ses amis,
Monsieur Cornuchet qui était propriétaire du Maxim’s à Paris, le
restaurant à la mode à l’époque des Années folles. Ce monsieur Cornuchet est
tombé en amour, comme on dit chez-vous, du blanc de Clos des Mouches et a voulu
le vendre en exclusivité dans son restaurant. Comme c’était un restaurant
«prescripteur» comme on dit aujourd’hui,
tout le monde s’est entiché du Clos des Mouches blanc et petit à petit la
famille a remplacé du Pinot Noir pour du Chardonnay et aujourd’hui c’est
moitié-moitié, donc on a le Clos des Mouches blanc et le Clos de Mouches rouge, à
parité.
Le vin que je vous ai apporté
aujourd’hui c’est un 2008, qui sort de nos caves. Il est caractérisé toujours
par l’élégance, mais quand même c’est un vin qui a une certaine fermeté, c’est
un vin puissant avec des arômes fumés. C’est un vin qui aurait intérêt à
vieillir quatre à cinq ans avant d’être consommé et qu’il ne faut pas hésiter à
carafer. Pas du tout pour décanter le dépôt mais pour l’aérer. N’hésitez donc
pas à l’ouvrir une heure ou deux et à le mettre en carafe avant de le déguster.
R.H. – Certains de vos vins
sont de longue garde.
J.F.C.
– La maison est caractérisée par cette ambivalence. Nous avons des vins qui
sont très fruités, très charmants lorsqu’ils sont jeunes, mais qui ont un
potentiel de vieillissement très intéressant. Nous avons dans nos caves des
bouteilles de Clos des Mouches, en particulier, des Années Vingt et Trente, qui
se dégustent encore très bien.
Voilà
pourquoi les vins de la Maison Joseph Drouhin sont servis sur les meilleures
tables et nous font connaître le meilleur de la Bourgogne jusqu’au
Canada !
Jean-François Curie
Vice-président et directeur à l’exportation de la Maison Joseph Drouhin en Bourgogne
7, rue d’Enfer
21200 Beaune
France
[email protected]
Représentés au Québec par Laure Garnier
Vins Philippe Dandurand
1304, avenue Greene, Westmount, QC H3Z 2B1
Tél. : 514 932-2626, poste 250
Cell. : 514 409-6483