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Un martin matte engagÉ

Même sur le ton de
l’humour, dire qu’au
Québec, on peut tuer ses
enfants « sans réelles
conséquences » passe mal.
Le gag de Martin Matte,
lors des trois représentations
du gala des Français
de Juste pour rire, le weekend
dernier, n’a pas fait pas
l’unanimité. Entre les rires
dans la salle, on a pu entendre
un murmure de désapprobation. Hier matin, plusieurs personnes
relevaient l’incident,
notamment lors d’une ligne
ouverte sur les ondes du 98,5.
Si certains approuvent le
courage de Martin Matte, qui dénonce à
sa façon le verdict Turcotte, d’autres
trouvent la plaisanterie de mauvais goût.

Un cri du Coeur

Le gag de Martin Matte a relancé le débat
sur le verdict de Guy Turcotte, reconnu
non criminellement responsable
de la mort de ses enfants pour cause de
troubles mentaux. Mais ce n’était vraiment
pas le but. « C’est un cri du Coeur, a fait savoir
Martin Matte, hier au Journal de Montréal,
via son gérant François Rozon. Ce
jugement m’a troublé en tant que parent,
et j’ai voulu poser la question dans un
contexte humoristique. »

Du mal à comprendre

Avec son gag, Martin Matte
semblait contre le verdict Turcotte,
mais il serait plutôt dans
le groupe des indécis. « Comme nous tous, Martin
ne sait pas quoi penser. Père de
deux enfants, il a du mal à
comprendre. Il trouve que
condamner des gens à la prison
pour 40 ans, comme aux
États-Unis, n’est peut-être pas
la meilleure solution, pas plus
que certaines sentences bonbons. En plus, les procédures exactes ne sont
pas claires en ce qui concerne la libération
de ce gars-là, sur la façon dont il va
réintégrer la société et on n’a pas l’assurance
qu’il n’est plus dangereux. Personne
ne ferait garder ses enfants par
Guy Turcotte en tout cas. »

Humour utile

François Rozon trouve injuste les critiques
adressés aux humoristes et il croit
qu’il faut cesser de vouloir les bâillonner. « L’humour ne peut pas être inodore et
incolore, dit-il. Oui, il y a des sujets délicats.
Mais les humoristes doivent conserver
le droit de faire des gags engagés – pas
que de l’absurde – sans avoir peur des représailles,
pour que l’humour soit utile,
pour faire réfléchir. » Selon le gérant, il faut aujourd’hui tout
un doigté pour être audacieux en évitant
les pièges du scandale. « Il y a des aberrations dans la société,
mais il faut se creuser les méninges
pour trouver le bon angle
pour les traiter, dit-il. C’est
le lot des grands humoristes.
Les gens aiment qu’ils soient
audacieux, alors ils évoluent à
la limite, sur le fil d’un rasoir.
S’ils tombent de l’autre côté,
ils sont morts. »

François Rozon rappelle que
les plus grands moments de
l’humour ont été ceux d’Yvon
Deschamps et des Cyniques,
ainsi que des Bleus Poudre
parce qu’ils osaient. « C’était aussi le cas
avec Les Bougons qui disaient des choses
épouvantables, mais des choses qui faisaient
réfléchir, dit-il. Patrick Huard a
aussi réussi à faire ça, dans la peau de son
personnage dans Taxi 0-22. Ça passe
mieux quand c’est un personnage. »

Le droit d’être démagogue

Même si la blague de Martin
Matte critique le système
judiciaire, l’avocat criminaliste
Robert La
Haye ne lui
jette pas la pierre. Selon lui,
elle reflète l’opinion du public
entendu dans les médias
à l’issue du procès
Turcotte. « On pense tous la
même chose, dit-il. Il y a
eu mille commentaires
semblables dans les médias,
dit-il. Avec Martin
Matte, ça fait mille et un.
Il se sert lui aussi de sa liberté
d’expression. Certains
vont rire, d’autres le
critiquer. C’est ça la démocratie.

Les humoristes font l’humour qu’ils
veulent, poursuit-il. Si ça choque, on ne
va plus les voir. Si on a aimé, on y retourne.
Il y en a pour tous les goûts. Et
s’ils font des gaffes, ils en subissent les
conséquences. L’humour doit être démagogue. On ne
peut pas reprocher ça aux humoristes. Ils
ne changeront pas. C’est au public de
faire la part des choses. » Précédant son gag choc sur le verdict
Turcotte, Martin Matte faisait aussi une
blague sur une politicienne (Ruth Ellen
Brosseau) qui se fait élire par les Québécois
quand elle part dans le Sud. »

Même chose pour les politiciens

Me Robert La Haye estime que c’est un
peu le même phénomène qui se produit
quand les humoristes se moquent de
politiciens. « Je ne sais pas si à force de
rire des politiciens, on finit par dénigrer
toute la classe politique, dit-il. Peut-être.
Il faudra faire des sondages pour savoir. Mais je crois que les gens perdent
confiance en nos politiciens pour bien
des raisons, bien avant que les humoristes
ne rient d’eux. Les gens ne sont pas imbéciles. Ils
voient bien que les politiciens ne tiennent
pas leurs promesses, qu’ils parlent
pour ne rien dire. Le public, du moins le plus instruit,
sait faire la part des choses. »

Source: QMI

MARTIN MATTE