ces derniers mois, afin de lutter contre la collusion, aux côtés de ses ministres des Transports, Pierre Moreau, et de la Sécurité publique, Robert Dutil. Tout au long de la conférence, le premier ministre a invité les journalistes à «faire attention» avec les allégations, avec les exagérations. Il n’a toutefois pas clairement affirmé que le rapport Duchesneau contenait des exagérations et n’a pas non plus répondu directement lorsque la question lui a été posée à savoir s’il croyait que le rapport Duchesneau contenait des exagérations. «Il faut faire la part des choses dans tout ça. Il peut y avoir des allégations; il peut y avoir des gens qui pensent des choses, mais entre penser des choses, des allégations et la réalité, les faits, il y a une distance», a-t-il affirmé.
«Moi je fais la part des choses. Il ne faut pas non plus tomber dans des exagérations, alors que dans les faits, nous agissons avec beaucoup de détermination», s’est-il défendu. Le premier ministre a avoué candidement qu’il n’avait pas lu le rapport Duchesneau de l’Unité anticollusion et qu’il n’en avait lu que des reportages dans les médias. Il a justifié cela par le fait que le rapport n’était pas destiné au premier ministre, mais au ministère des Transports. Le premier ministre a par ailleurs nié banaliser ce rapport et assure qu’il n’est «pas du tout» sur la défensive face à ce rapport, qui évoque pourtant un risque que des pans entiers des fonctions de l’État tombent entre les mains d’intérêts malveillants, si le phénomène de collusion continue de prendre de l’ampleur.
«La réalité, c’est que dans le domaine de la construction, malheureusement, c’est un phénomène qui existe partout dans le monde. Au Québec, il y a eu des allégations et il faut répondre à ça», a commenté le premier ministre. Le ministre Moreau a par ailleurs réitéré sa déclaration de la veille voulant que 13 dossiers contenant des informations nominatives et plus précises, dans le rapport Duchesneau, avaient été remis à l’Unité permanente anticorruption (UPAC), et ce, même après que l’UPAC ait nié avoir reçu ces 13 dossiers. Il a cette fois précisé avoir lu cette information dans le rapport Duchesneau lui-même, qui fait référence à ces 13 dossiers contenant des informations plus détaillées et qui auraient été référés à l’UPAC.
Le ministre Moreau a par ailleurs souligné qu’une rencontre avait déjà été planifiée entre Jacques Duchesneau et la sous-ministre du ministère des Transports pour voir avec lui «de quelles façons ses recommandations pouvaient être mises en application et quelles étaient selon lui les meilleurs moyens pour y parvenir». D’autres rencontres à ce sujet sont prévues.
RÉACTIONS
Les partis d’opposition ont été outrés de la réaction du premier ministre Charest. La chef de l’opposition officielle, Pauline Marois, s’est dite «profondément dégoûtée», tout en soulignant qu’elle, au moins, avait lu le rapport, contrairement au premier ministre. «La décence aurait commandé qu’il lise le rapport avant de dire je continue» comme j’ai fait jusqu’à présent. Elle a reproché au premier ministre de «chercher à protéger des intérêts qui autrement seraient mis en cause», comme le Parti libéral. Et en protégeant le Parti libéral, selon elle, il se trouve à protéger «la mafia», le crime organisé, qui s’est infiltré dans l’économie.
Elle réitère sa demande pour une enquête publique sur l’industrie de la construction, parce que les personnes qui savent des choses refuseront de parler si elles ne sont pas protégées. «C’est une insulte à l’intelligence», s’est exclamée de son côté Françoise David, coporte-parole de Québec solidaire. Avec Amir Khadir, elle réclame la démission de M. Charest ou une élection générale, à défaut d’avoir une enquête publique. M. Khadir a aussi proposé de suspendre tous les grands chantiers qui ne sont pas urgents, afin de les soumettre à un examen, un à un, par un comité doté des ressources suffisantes.
Mme Marois a rejeté cette suggestion de Québec solidaire, affirmant que trop de grands chantiers sont urgents, justement, et que les stopper pénaliserait alors doublement les Québécois. Le chef de l’Action démocratique, Gérard Deltell, a renchéri. «Le premier ministre traite encore une fois cette question à la légère. Il a les preuves; il a les documents», a-t-il rappelé, ajoutant qu’il fallait donc une enquête publique pour aller jusqu’à «la racine du problème».