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Corruption: menace de crise sociale

Pendant que les deux principaux mandataires du gouvernement dans la lutte contre le crime se contredisent publiquement, les fraudeurs continuent d’écumer les contribuables avec des contrats publics, a dénoncé M. Bergeron, à l’Assemblée nationale. M. Bergeron soupçonne ouvertement le commissaire Robert Lafrenière de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) d’avoir convoqué la presse lundi dernier pour exprimer « la ligne politique » du gouvernement Charest contre une commission d’enquête publique sur la corruption dans le monde de la construction.

De l’avis du porte-parole du PQ en matière de sécurité publique, la sortie de M. Lafrenière « n’avait qu’un seul but », soit de répliquer au patron de l’Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, et faire contrepoids à sa demande sans équivoque pour la tenue d’une commission d’enquête. « Deux policiers d’expérience, deux visions qui s’affrontent. Pendant que MM. Duchesneau et Lafrenière se renvoient la balle sur la place publique, les criminels qui fraudent l’État continuent à obtenir des contrats. Est-ce que le ministre croit que le vaudeville auquel les Québécois sont témoins est de nature à les rassurer? », a lancé M. Bergeron en Chambre à l’intention du ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.

Selon le député de Verchères, deux camps se dessinent au Québec: celui de M. Lafrenière et du gouvernement et celui de M. Duchesneau auquel appartiennent les policiers, les procureurs, la majorité des citoyens et « la totalité » de la société civile québécoise. À ses yeux, la situation actuelle « est source de chaos » et compromet la confiance des Québécois envers les institutions. En laissant la situation se détériorer sans mot dire, le gouvernement libéral compromet la paix sociale, selon lui. « Le ministre réalise-t-il que le pourrissement de la situation délibérément entretenu par le gouvernement risque de laisser des séquelles graves et de provoquer une crise sociale dont nous ne parvenons pas à mesurer l’ampleur? », a-t-il fait valoir.

En réplique, le ministre Dutil a affirmé que la sortie du patron de l’UPAC lundi était prévue par la loi – M. Lafrenière doit en effet faire le point deux fois par année en vertu de la loi – et qu’elle n’avait rien à voir, par conséquent, avec une quelconque commande politique. Il a par la suite tenté de minimiser l’importance du différend qui oppose les deux enquêteurs d’expérience. « Dans toutes les organisations, il y a parfois des frictions. Ça arrive dans n’importe quelle organisation, qu’on le sache publiquement ou qu’on ne le sache pas publiquement. Tout le monde n’a pas la même opinion sur tous les sujets », a-t-il dit.

Le ministre a toutefois reconnu tacitement que la mésentente entre MM. Lafrenière et Duchesneau, étalée dans tous les journaux et les télés, avait quelque chose d’embarrassant. « Je pense qu’il faut le réitérer et que, dans cette situation-là, malheureusement (la mésentente) est publique, mais M. Lafrenière a dit qu’il rencontrerait M. Duchesneau, ce qui est tout à fait approprié, je pense, dans les circonstances », a-t-il souligné.

STÉPHANE BERGERON