La congrégation a entériné jeudi un règlement à l’amiable visant à dédommager ces victimes qui ont subi des sévices sexuels alors qu’elles fréquentaient le Collège Notre-Dame à Montréal entre 1950 et 2001, le Collège Saint-Césaire, à Saint-Césaire, entre 1950 et 1991 ainsi que l’école Notre-Dame-de-Pohénégamook, dans la municipalité du même nom, entre 1959 et 1964. Les agresseurs étaient des membres de la congrégation et des laïcs. Plus de 85 victimes se sont déjà manifestées mais d’autres pourraient s’ajouter.
En conférence de presse dans les heures suivant la résolution de la médiation présidée par le juge Yves Poirier, les avocats et porte-parole des victimes ont fait part de leur satisfaction devant ce dénouement. « Le bonheur c’est un choix, ce n’est pas quelque chose qui nous est dû », a lancé Sébastien Richard, vice-président du Comité des victimes du Collège Notre-Dame, et lui-même victime d’agression sexuelle de la part d’un membre de la congrégation. « Lorsqu’on décide que la vie mérite d’être vécue avec bonheur, on doit nécessairement se libérer de ce genre de traumatisme qu’on a vécu.
(Aux) personnes qui douteraient du fait qu’elles peuvent avoir droit à ce bonheur, je dirai: faites face à cette réalité et arrêtez d’être une victime. » L’entente comprend une série de précédents en telle matière, dont des compensations pouvant aller jusqu’à la somme inédite de 250 000 $, un fonds d’indemnisation destiné aux parents des victimes et, surtout, des excuses claires de la part d’un ordre religieux, a souligné l’un des avocats au dossier, Me Alain Arsenault. « Les gens, souvent, ne veulent pas juste un chèque, un montant d’argent; elles veulent qu’on reconnaisse qu’elles sont des victimes, qu’on a abusé d’elles et qu’on leur doit des excuses.
Souvent dans le passé c’étaient des lettres mi-figue mi-raisin qui ne disent pas grand-chose. Cette fois-ci, la lettre, quoique courte, n’a aucune ambiguïté », a affirmé Me Arsenault. Les excuses sont d’ailleurs on ne peut plus publiques: dans une vidéo diffusée sur le site Web de la congrégation, le supérieur de l’institution au Canada, Jean-Pierre Aumont, dit déplorer ces fautes et présente ses excuses « pour la souffrance et l’affront causés aux victimes de ces abus ». Reconnaissant que des préjudices ont été causés, le supérieur demande pardon aux victimes, à leurs proches, aux membres de la congrégation qui n’ont rien à se reprocher, à l’Église et aux fidèles chrétiens entre autres pour tout le tort qu’ils ont subi et dit souhaiter que les victimes « puissent enfin sortir de la prison du silence, guérir le mieux possible les blessures qu’elles ont subies et s’engager sans réserve dans leur propre avenir ».
Il ne s’agit toutefois pas d’une résolution finale pour des victimes comme Sébastien Richard, dont le dossier impliquant le frère Claude Hurtubise, de la congrégation de Sainte-Croix, a aussi été porté devant la chambre criminelle. « Lui a choisi, alors qu’il est un religieux et qu’il avait mis sa main sur la bible et affirmé de dire toute la vérité, de mentir et de se parjurer pour refuser d’admettre ses torts. (…) J’attends que celui qui s’est parjuré admette qu’il s’est parjuré. Ce jour là, je dirai victoire et je dirai qu’on a obtenu une vraie justice », a-t-il lancé. L’entente prévoit aussi la création d’une bourse d’études de 100 000 $ (5000 $ par année sur 20 ans) à la mémoire de René Cornellier, la première victime ayant dénoncé les sévices sexuels au Collège Notre-Dame et qui devait se suicider par la suite.
Son frère, Robert Cornellier, président et fondateur du comité des victimes à l’origine du mouvement pour obtenir réparation, a reconnu que le parcours avait été plus long que prévu. « Quand on a appris l’histoire de René, mon frère, honnêtement on ne croyait pas qu’on en viendrait là un jour. Ce n’est pas ce qu’on voulait. On voulait simplement avoir des excuses, qu’on nous a refusées à l’époque et qu’aujourd’hui on a. Pour nous, c’est ça qui est le plus important », a-t-il dit. Autre première, l’entente prévoit une fourchette de dédommagements de 10 000 $ à 250 000 $ qui est basée sur le type de sévices sexuels, la gravité et la fréquence, selon une échelle précise.
En cas de litige, la question sera tranchée par un juge à la retraite agissant comme adjudicateur, de sorte que la victime ne sera jamais confrontée aux avocats de la partie adverse. « Le procès des victimes ne peut plus avoir lieu dans le cadre d’une entente comme celle-là », s’est réjoui Me Arsenault. Les compensations seront puisées à même les fonds de la congrégation de Sainte-Croix qui a choisi de ne pas invoquer les délais de prescription applicables pour ce genre de délit. Les parties ont convenu de tout mettre en oeuvre pour finaliser le processus d’indemnisation dans un délai raisonnable. Les compensations seront versées aux victimes et à leurs parents lorsque les réclamations auront été traitées et liquidées de manière finale dans le cadre du règlement.