Compte tenu de la trépidation qui a précédé la publication de ces données – les économistes tablaient sur des gains modérés tous attribuables à des éléments non récurrents – le rapport sur l’emploi a été accueilli comme une bouffée d’air frais. Le dollar canadien a pris son envol avec les données de Statistique Canada, dévoilées à 7h, et a pris encore plus d’altitude après la publication des données américaines, 90 minutes plus tard. Il prenait en matinée près d’un cent US à 97,31 cents US. « Quelle façon de terminer une semaine », s’est exclamé Derek Burleton, de la Banque TD. « Compte tenu de la forte anxiété, ces chiffres devraient offrir un certain réconfort. Nous nous attendions à un bon mouvement à la baisse (…) mais les données aux États-Unis et au Canada se sont généralement bien défendues. » Les économistes tablaient en moyenne sur 15 000 nouveaux emplois au Canada et environ 50 000 aux États-Unis pour le mois de septembre.
QUELQUES ASTÉRISQUES
Même si les données sont généralement considérées bonnes, elles sont accompagnées de petits astérisques. Au Canada, une importante cohorte d’emplois étaient liés au secteur de l’éducation – essentiellement des réembauches à la suite de la période de l’été – une distorsion qui était attendue. En fait, les 38 400 nouveaux travailleurs de l’éduction ont représenté la plus grande partie de la reprise au Canada. Aux États-Unis, le retour au boulot de 47 000 employés de Verizon qui étaient en grève a représenté environ la moitié des gains de septembre. En conséquence, les économistes se sont montrés plus réservés que la réaction initiale observée sur les marchés.
« Bien sûr, nous allons toujours préférer une hausse qu’une baisse de l’emploi, mais pour ce qui est de faire notre propre travail, nous ne pouvons pas exactement sauter de joie », a écrit Derek Holt, vice-président des études économiques à la Banque Scotia. D’autres aspects du rapport canadien soulignent une certaine fragilité dans le marché de l’emploi. Environ 39 000 des nouveaux emplois ont été le fait de travailleurs autonomes, une catégorie qui grimpe souvent pendant les périodes creuses parce que les travailleurs ne réussissent pas à ce trouver un emploi régulier. Dans les variations nettes, le secteur privé a en fait retraité de 14 900 emplois, et le secteur de la fabrication a délaissé 23 500 travailleurs.
Autre détail important, selon M. Holt: le nombre d’heures travaillées a diminué de 0,3 %. « C’est important parce que le produit intérieur brut (PIB) est calculé en multipliant le nombre d’heures travaillées à la productivité. En conséquence, un déclin des heures travaillées signifie que le PIB de septembre est déjà exposé à un risque à la baisse. » Malgré tout, certains aspects positifs sont indéniables, particulièrement à la lumière du fait que l’emploi avait été stable au Canada pendant les mois de juillet de d’août. Les gains de septembre se traduisent par une croissance moyenne de 20 000 nouveaux emplois pour les trois derniers mois, ce qui est conforme à une croissance moyenne.
Outre le secteur de l’éducation, ceux des services professionnels, scientifiques et techniques, des services d’hébergement et de restauration, des ressources naturelles ainsi que des administrations publiques ont bien performé. Statistique Canada a aussi noté que l’emploi au Canada reste relativement solide. Au cours de la dernière année, l’économie a créé 294 000 nouveaux emplois, la plupart à temps plein et dans le secteur privé.
EMPLOIS STABLES AU QUÉBEC
L’emploi a progressé dans huit des dix provinces canadiennes en septembre. La plus importante hausse a été observée en Colombie-Britannique, dont les rangs de travailleurs se sont grossis de 31 600 personnes. Au Québec, l’emploi n’a pas varié en septembre, mais le taux de chômage a reculé de 0,3 point de pourcentage, à 7,3 %, en raison d’une diminution du nombre de personnes à la recherche de travail. De passage à Montréal pour annoncer un investissement dans la santé, le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, s’est voulu rassurant.
« Les chiffres sur l’emploi ne sont pas décevants. Ce sont 2000 emplois; c’est plus lent qu’avant, mais le Québec a récupéré 140 000 emplois depuis le sommet de la récession. La récupération est plus forte que partout au Canada globalement. C’est normal que maintenant, le Canada nous rattrape un peu; ce n’est pas une surprise », a-t-il commenté. Du même souffle, il a admis que le contexte économique mondial était préoccupant. « Ceci étant, la situation mondiale globale est sous surveillance. Il y a toujours un risque, étant donné ce qui se passera en Europe et aux États-Unis. »
Le ministre Bachand doit présenter une mise à jour économique globale dans quelques semaines. Interrogé à savoir s’il pensait que le Québec pourrait se sauver d’une récession, le ministre a ajouté: « si je regarde ce que nos économistes nous disent, les économistes de toutes les banques canadiennes, et monsieur Flaherty (le ministre fédéral des Finances), la croissance économique va être plus faible que prévu, mais elle va être en croissance. »