Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a transmis mardi après-midi à M. Tomassi une sommation à comparaître le 14 novembre au Palais de justice de Québec. Le député de Lafontaine devra répondre à trois chefs d’accusations criminelles, à savoir deux chefs de fraude envers le gouvernement en vertu des articles 121 (1) a) et 121 (1) c) du Code criminel ainsi qu’un chef d’abus de confiance par un fonctionnaire public en vertu de l’article 122 du Code criminel.
Résultat d’une enquête initiée par l’escouade Marteau de la Sûreté du Québec, ces accusations ont été confirmées par le commissaire à la lutte contre la corruption de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière. Tony Tomassi est accusé d’avoir effectué des dépenses personnelles, dans le cadre de ses fonctions de député, avec une carte de crédit appartenant à l’agence de sécurité BCIA. Le patron de BCIA, Luigi Coretti, s’est retrouvé dans la mire des médias en 2010 pour avoir présumément conscrit ses cadres afin de verser des milliers de dollars dans la caisse du Parti libéral du Québec (PLQ).
Les faits reprochés à M. Tomassi se seraient déroulés entre le 1er novembre 2007 et le 6 mai 2010. Dans un communiqué, le commissaire Lafrenière a fait savoir que d’autres individus pourraient être interpellés dans ce dossier. « L’enquête se poursuit toujours et il n’est pas impossible que d’autres personnes puissent faire face à la justice. Nous ne ferons cependant aucun commentaire supplémentaire afin de ne pas nuire à cette enquête, ni au processus judiciaire en cours », a déclaré le commissaire. Avant de se présenter au tribunal le 14 novembre, l’ancien ministre de la Famille devra se rendre au quartier général de la Sûreté du Québec à Montréal pour une prise d’empreintes digitales, le 2 novembre.
M. Tomassi siégeait comme indépendant à la suite de son expulsion du caucus libéral par le premier ministre Jean Charest au printemps 2010. M. Charest lui avait montré la sortie après avoir été informé de son usage d’une carte de crédit fournie par BCIA. La député n’a guère été revu depuis à l’Assemblée nationale. Au cours des dernières semaines de son mandat à titre de ministre de la Famille, M. Tomassi avait fait l’objet de vives attaques de la part de l’opposition péquiste pour sa gestion des places en garderie. D’après une compilation fournie par le ministère, l’ex-ministre aurait attribué pas moins d’une soixantaine de places à des garderies privées appartenant ou administrées par ses amis ou par des donateurs à la caisse du PLQ.
Sans surprise, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a refusé de commenter ce nouveau développement dans la lutte contre la corruption. « Le ministre ne se mêle pas des enquêtes policières. C’est un processus indépendant », a indiqué son attaché de presse, Mathieu St-Pierre. Même mutisme de la part du ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier. Pour sa part, l’opposition péquiste juge que les accusations portées contre M. Tomassi n’ont rien de surprenantes compte tenu des faits. Ce qui surprend, selon le député Stéphane Bergeron, c’est plutôt la durée de l’enquête.
« Si ça a pris 18 mois pour une enquête concernant une carte de crédit, je me demande combien de temps ça va prendre pour faire la lumière sur l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la construction », a dit le porte-parole du PQ en matière de sécurité publique. « Est-ce qu’il y a une coïncidence entre le fait que nous ayons mis de la pression sur le gouvernement ces derniers jours et le fait que les accusations viennent d’être annoncées? Je ne sais pas, mais c’est une coïncidence étonnante », a poursuivi M. Bergeron. De son côté, le cochef de Québec solidaire, Amir Khadir, a exigé la démission immédiate du député de Lafontaine.
Comme les autres formations de l’opposition, Québec solidaire croit que cette affaire met en lumière la nécessité d’une enquête publique sur l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la construction et ses liens avec le financement politique. « N’oublions pas que le scandale des garderies déterré par le PQ touchait aussi des entreprises de construction et que les fautes de M. Tomassi sont liées à du financement politique », a-t-il fait valoir.