de la corruption: un entrepreneur témoigne » qui paraît jeudi, il affirme
notamment qu’il est impossible de faire de la construction sur la colline
parlementaire à Ottawa sans magouilles. Le propriétaire de l’entreprise LM
Sauvé y soutient aussi que la mairie de Montréal est infiltrée par la mafia. Mais il ne va pas tellement plus
loin par rapport aux déclarations qu’il avait déjà faites dans le passé,
notamment en comité parlementaire à Ottawa en novembre 2010. Il y offre
toutefois un témoignage plus détaillé de son expérience.
Malgré ses déclarations-choc,
l’ouvrage de M. Sauvé comporte beaucoup d’allégations et de présomptions qui ne
sont pas appuyées sur des faits. Il livre aussi ses analyses
personnelles de l’industrie. L’État serait responsable de la présence du crime
organisé dans l’industrie de la construction avance-t-il. « L’État est responsable de la
présence de ce crime organisé-là. Il ne le réalise peut-être pas. Il contribue.
(…) Il y a des jours que je ne comprends pas la différence entre le crime
organisé et l’État. Pour moi, ça se ressemble et ça se confond », a-t-il
expliqué en entrevue avec La Presse Canadienne.
Mais surtout, le réel problème selon
lui est que le carcan administratif au Québec fait en sorte que la construction
coûte beaucoup trop cher aux citoyens. Et puisque les complications
administratives frustrent les entrepreneurs, ceux-ci recherchent des solutions
et des passe-droits, ce qui amène la mafia à s’ingérer dans le système,
juge-t-il. « Il y a tellement de rigidité
que le crime organisé est, je dirais, invité à être présent parce qu’il aide les
entreprises (…) ».
Paul Sauvé avance que le
gouvernement du Québec ne serait pas du tout intéressé à faire le ménage car le
système profite aux politiciens. Et à leurs caisses électorales, puisque les
entrepreneurs et les firmes de génie-conseil y contribuent généreusement pour
se voir attribuer de lucratifs contrats. « Il est pratiquement impossible
de faire de la grosse construction au Québec sans avoir de liens douteux à un
niveau ou à un autre », écrit-il dans son livre-témoignage.
Mais la situation n’est pas unique
au Québec, dit-il constater. « Avec le recul, je réalise que
le système de corruption est tellement bien ficelé qu’on ne peut pas obtenir de
contrat sur la colline parlementaire (à Ottawa) sans jouer le jeu. Si on ne le
joue pas _ mon histoire en témoigne _ on fait faillite », poursuit-il dans
son ouvrage, au sujet de son expérience liée au projet de rénovation de
l’édifice de l’Ouest du Parlement. « Ottawa joue à plus catholique
que le Pape. Il y a des passe-passe aussi à l’extérieur du Québec, des
pots-de-vin (…) pour obtenir des contrats », a-t-il affirmé lors de
l’entretien.
« Il faut être excessivement
bien branché politiquement pour être capable d’opérer là-bas », a-t-il
ajouté. Paul Sauvé et son entreprise de
maçonnerie et de construction LM Sauvé se sont retrouvés sous les projecteurs
l’an dernier dans le cadre du projet de l’édifice de l’Ouest qui a mal tourné.
Le gouvernement a été accusé par l’opposition d’ingérence dans l’attribution de
l’onéreux contrat et le ministre Christian Paradis alors responsable du
portefeuille des Travaux publics s’est retrouvé dans l’eau chaude.
Paul Sauvé est alors venu témoigner
en comité parlementaire où il a affirmé avoir payé 140 000$ à un organisateur
du Parti conservateur, Gilles Varin, pour l’obtention d’un lucratif contrat de
restauration à Ottawa. De l’argent aurait été remis à au moins un ministre et
un sénateur conservateurs, rapporte M. Sauvé, qui lui-même répète les paroles
de Gilles Varin. Le livre de M. Sauvé est évidemment
dans l’air du temps alors qu’une commission d’enquête était réclamée à grands
cris par l’opposition, soutenue par la population québécoise. Mais Paul Sauvé
se défend de chercher à capitaliser sur la situation. Il affirme avoir écrit
son livre pour que les autres ne subissent pas le même sort que lui.
Il dit laisser le soin à la police
de trouver les coupables dans tout ce système corrompu. « En attendant, je me permets de
livrer mon témoignage en guise de contribution à la lutte pour assainir les
moeurs dans l’industrie de la construction », écrit-il. Paul Sauvé se dit conscient des
conséquences que ses dénonciations peuvent avoir sur lui. « Ce que je crains à court terme
ce sont les représailles, peut-être des groupes de crime organisé »,
déclare-t-il en entrevue. Il rappelle que l’une des grues sur
l’un de ses chantiers a été incendiée, que sa fille a reçu des menaces au
téléphone et que sa voiture a été emboutie à plusieurs reprises alors qu’il s’y
trouvait.
L’entrepreneur qualifie l’enquête
récemment déclenchée sur l’industrie de la construction par Jean Charest de
« grand artifice » qui ne pourra régler des problèmes structurels de
l’industrie. Il affirme qu’il faut se pencher sur
le rôle des institutions qui réglementent l’industrie comme le Bureau des
soumissions déposées du Québec (BSDQ), la Régie du bâtiment et la Commission de
la construction du Québec (CCQ). Il croit qu’il faudrait dérèglementer
l’industrie, voire abolir ces organismes. Aujourd’hui, M. Sauvé gère toujours
des projets de construction et de maçonnerie, mais à l’extérieur du Québec.