la carrière s’éteint dans l’anonymat le plus total, puis il y en a d’autres
comme Jennifer Heil qui quittent alors qu’ils sont au sommet de leur art. La plus prolifique skieuse
acrobatique de l’histoire du Canada a mis un terme à sa carrière plus tôt cette
saison en balayant, de façon inattendue, les épreuves de bosses et de bosses en
parallèle aux Championnats du monde. Cette performance remarquable a
d’ailleurs permis à Heil de mériter le trophée Bobbie Rosenfeld remis à
l’athlète féminine de l’année 2011 selon La Presse Canadienne.
« Je savais que c’était la
dernière fois que j’allais grimper sur un podium et entendre l’hymne national
canadien, a dit Heil de sa double victoire à Deer Valley, en Utah. Ce fut un
moment incroyable qui m’a simplement permis de boucler ma carrière sur un
dernier grand moment. » La médaillée d’or olympique de 2006
a dû engranger 115 points pour décrocher ce titre, remis après un scrutin
réalisé auprès des journalistes sportifs et diffuseurs d’un bout à l’autre du
pays.
La patineuse de vitesse longue piste
Christine Nesbitt a terminé deuxième au scrutin avec 100 points, devant la
joueuse de soccer étoile Christine Sinclair (84), la patineuse de vitesse
courte piste Marianne St-Gelais (39) et la championne mondiale de boxe Mary
Spencer (31). Le trophée est nommé d’après
Rosenfeld, une championne olympique reconnue pour sa polyvalence qui a été élue
meilleure athlète féminine canadienne de la première moitié du 20e siècle.
C’est surprenant que Heil n’ait pas
remporté ce titre plus tôt durant sa carrière, considérant qu’elle a été sacrée
cinq fois championne de la Coupe du monde de ski acrobatique, qu’elle a obtenu
58 podiums en carrière en Coupe du monde, qu’elle a décroché quatre médailles
d’or et deux autres d’argent aux Championnats du monde, en plus de sa médaille
d’or aux Jeux olympiques de Turin en 2006 et de celle d’argent aux Jeux
olympiques de Vancouver en 2010.
Ces triomphes lors de cette dernière
compétition furent particulièrement significatives puisque, bien qu’elle ait
obtenu trois médailles d’or en bosses en parallèle, où deux skieuses doivent
dévaler le même parcours en simultané, elle n’avait jamais décroché un titre
individuel en bosses. Heil, qui est originaire de Spruce
Grove, en Alberta, mais qui habite à Montréal depuis 2006, a annoncé sa
retraite sportive après les Mondiaux en février afin de se consacrer à des
oeuvres de charité et à ses études en gestion des affaires à l’Université
McGill, en plus d’un mineur en science politique.
Elle n’a pas chaussé les skis depuis
ce temps, même si elle prévoyait retourner sur les pentes durant une visite en
Alberta afin de retrouver ses proches lors des Fêtes. Puis, encore une fois, il a fallu
l’intervention des médecins, des physiothérapeutes et d’autres spécialistes
afin d’assurer qu’elle soit au sommet de sa forme pour compétitionner la saison
dernière. À l’aube de la saison 2010-11, Heil
a dû composer avec des éclats d’os dans l’un de ses genoux, une blessure qui
prend habituellement de 12 à 18 mois pour guérir complètement. Elle n’a pas
abandonné.
« Mon physiothérapeute me
massait la jambe après chaque descente, s’est-elle rappelée. J’étais près de la
machine à glace pendant des heures. « J’ai aussi dû subir des
injections afin de pouvoir skier. C’était difficile d’être confiante. J’ai
failli rater les Championnats du monde, et c’était une compétition très
importante pour moi, afin d’avoir une dernière opportunité de décrocher le seul
titre qui m’avait échappé jusque-là. En conséquence, mon équipe médicale a dû
oeuvrer d’arrache-pied pour me préparer. »
Une semaine auparavant, elle avait
déclaré lors d’une épreuve de la Coupe du monde de ski acrobatique à Calgary
qu’elle allait accrocher ses skis à l’issue de la présente campagne. Puis, sous
le regard attentif de dizaines de membres de sa famille et d’amis, elle a
trébuché à sa dernière course en sol canadien. « Je crois que je suis tombée trois
fois au cours de ma carrière, et je suis tombée lors de cette épreuve à
Calgary, a-t-elle dit. Les Championnats du monde devaient avoir lieu quatre
jours plus tard, et je vous jure que mon niveau de confiance était au plus bas
de ma carrière.
« Je voulais avoir la bonne
approche, mais je n’y parvenais pas. Au bout du compte, j’ai arrêté de m’en
faire, je me suis enlevée de la pression des épaules, et je me suis simplement
dit ‘J’y suis. J’aime ce sport. C’est ma dernière opportunité de dévaler ma
piste favorite. »‘ « C’est l’une des plus
difficiles au monde, et je souhaitais simplement retrouver ma vitesse et ma
joie. En conséquence, j’ai arrêté de m’en faire. Et tout est tombé en
place. » Désormais, elle peut ajouter le
titre d’athlète féminine de l’année à sa longue liste d’exploits en carrière.
« Ça semble irréel, c’est un
grand honneur qui boucle ma carrière, a confié l’athlète de 28 ans. Il y a
beaucoup de femmes qui ont remporté cet honneur et qui m’ont inspirée tout au
long de ma carrière, et dont j’aspirais à atteindre leur niveau d’excellence.
Nancy Greene (1967 et 1968) est de toute évidence parmi celles-ci. Elle fut une
légende. J’ai aussi été impressionnée par Catriona Le May Doan (1998, 2001,
2002) et sa domination totale de sa discipline (patinage de vitesse). » Son objectif, désormais, est de
faire aussi bien que durant sa carrière de skieuse, mais loin des pistes. Si on
se fie à la détermination et à l’implication qu’elle a mises dans son sport,
c’est assez difficile de croire qu’elle puisse échouer.
Après avoir raté une médaille par un
centième de seconde à ses premiers Jeux olympiques en 2002, Heil a mis sa
carrière en veilleuse pendant un an afin de travailler sa technique et de
« bâtir » son corps de façon à ce qu’elle puisse rivaliser avec les
meilleures au monde. À son retour, elle a remporté trois
titres consécutifs de la Coupe du monde de ski acrobatique. Avant les Jeux de 2006, elle a
découvert que ses coûts d’entraînement étaient supérieurs à ses revenus et elle
s’est questionnée à savoir si elle pourrait poursuivre son rêve. Mais, alors
qu’elle n’espérait plus rien, un groupe d’hommes d’affaires de Montréal et
d’Edmonton se sont regroupés et lui ont offert l’argent nécessaire pour qu’elle
puisse s’entourer des meilleurs spécialistes sportifs au pays.
Elle les a récompensés en obtenant
la première médaille d’or du Canada aux Jeux de Turin et, après coup, elle a
contribué à la mise sur pied de B2Dix, une organisation qui lève des fonds pour
venir en aide aux athlètes de pointe, en compagnie de son entraîneur et
conjoint, Dominick Gauthier, ainsi que de l’homme d’affaires J.D. Miller. Alors qu’elle n’était encore qu’une
jeune fille, Heil est tombée en amour avec le ski acrobatique en regardant le
Québécois Jean-Luc Brassard remporter la médaille d’or aux Jeux olympiques de
1994, et elle espère à son tour pouvoir inspirer d’autres jeunes filles à
s’intéresser à son sport. Elle organise d’ailleurs un camp estival pour jeunes
skieuses qui est devenu si populaire qu’elle a dû refuser certaines
inscriptions.
Elle s’est rappelée avoir reçu le
dessin d’une fillette à l’aube des Jeux de 2010 sur lequel elle se tenait,
triomphante, sur la plus haute marche du podium. « J’ai dessiné la même chose
lorsque j’avais neuf ans, et donc je l’ai pris, l’ai plié et l’ai amené avec
moi sur la montagne, dans mon sac à dos », s’est souvenue Heil, qui a
terminé deuxième derrière l’Américaine Hannah Kearney aux Jeux de Vancouver. Elle travaille aussi avec le
programme ‘Parce que je suis une fille’, et l’été dernier elle a amené trois
fillettes qui avaient été identifiées comme étant des meneuses pour un voyage
de 10 jours au Rwanda.
Et elle dessine des bijoux pour
Birks. Elle a notamment ébauché cinq bagues de tailles différentes qui représentent
la joie, l’esprit d’équipe, la cible (ou la concentration), le courage et
« tout ce qui découle d’un rêve ». « Je croyais sincèrement que
j’aurais pu me battre pour une médaille d’or à Sotchi (en 2014), mais je
sentais que c’était le bon moment pour me retirer, a-t-elle convenu. J’étais
dans une position favorable, dans laquelle j’avais atteint mes objectifs, et je
voulais commencer à bâtir la prochaine étape de ma vie.
« Mais, bien sûr, ça va me
manquer de ne plus me retrouver au portillon de départ. Il n’y a rien
d’équivalent à ce moment où tes yeux se plissent, que t’entends l’officiel
donner le départ, et que tu sors du portillon en trombe pour offrir ta
performance. C’est une sensation particulière que d’approcher un saut en
sachant qu’il te propulsera 30 mètres plus loin en effectuant un périlleux
arrière dans les airs. C’est comme si on volait. »
Source: LaMetropole.com PC